1 1924, Articles divers (1924–1930). M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)
1 considéré par plusieurs comme l’un des héritiers de Barrès. Le rapprochement est peut-être prématuré, tout au plus peut-o
2 u’à l’heure présente déjà, son œuvre, comme celle de Barrès, nous offre plus qu’un agrément purement littéraire : une leço
3 us qu’un agrément purement littéraire : une leçon d’ énergie. Il se pique de n’avoir pas connu, jusqu’à ce jour au moins, c
4 ent littéraire : une leçon d’énergie. Il se pique de n’avoir pas connu, jusqu’à ce jour au moins, cette inquiétude libérat
5 e inquiétude libératrice que produit la recherche de la vérité. Dès son premier livre, il s’est montré tout entier, il a b
6 uancée jusqu’à l’ennui. La guerre a donné le coup de grâce à cet esthétisme énervant qu’on appelle symbolisme ; et elle a
7 bolisme ; et elle a donné naissance à la doctrine de M. de Montherlant, qui en est sortie toute formée et casquée pour la
8 est sortie toute formée et casquée pour la lutte de l’après-guerre. ⁂ Deux philosophies, affirme-t-il, se disputent le mo
9 dans le monde romain les virus du christianisme, de la Réforme, de la Révolution et du romantisme, les concepts de libert
10 romain les virus du christianisme, de la Réforme, de la Révolution et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès
11 , de la Révolution et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès, l’humanitarisme, le bolchévisme. L’autre philo
12 tion et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès, l’humanitarisme, le bolchévisme. L’autre philosophie est cel
13 me, le bolchévisme. L’autre philosophie est celle de l’antique Rome, qui a inspiré le catholicisme, la Renaissance, le tra
14 therlant comme pour Maurras, est ce qu’il importe de sauvegarder, avant tout autre principe. Jusqu’ici, rien d’original da
15 arder, avant tout autre principe. Jusqu’ici, rien d’ original dans cette conception simpliste du monde, qui n’est en rien d
16 simpliste du monde, qui n’est en rien différente de celle de l’Action française ; remarquons toutefois cette séparation,
17 e du monde, qui n’est en rien différente de celle de l’Action française ; remarquons toutefois cette séparation, que Maurr
18 ne lui a-t-il manqué pour le devenir que le temps de méditer : il a quitté le collège jésuite pour la tranchée, puis « le
19 la tranchée, puis « le sport l’a saisi aux pattes de la guerre encore contus de huit coups de griffes et chaud de l’étrein
20 t l’a saisi aux pattes de la guerre encore contus de huit coups de griffes et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ».
21 x pattes de la guerre encore contus de huit coups de griffes et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu
22 e encore contus de huit coups de griffes et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps de se ressa
23 te du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps de se ressaisir, le sport prolongeant pour lui, d’une façon obsédante, l
24 s de se ressaisir, le sport prolongeant pour lui, d’ une façon obsédante, le rythme de la guerre. Du moins a-t-il ainsi évi
25 ngeant pour lui, d’une façon obsédante, le rythme de la guerre. Du moins a-t-il ainsi évité le choc fatal pour tant d’autr
26 justifier, ce qui n’a pas été sans quelques tours de passe-passe de logique, admirablement masqués d’ailleurs par des faço
27 ui n’a pas été sans quelques tours de passe-passe de logique, admirablement masqués d’ailleurs par des façons cavalières u
28 « fondre dans une unité supérieure » l’antinomie de l’esprit catholique et de l’esprit sportif. « On se fait son unité co
29 upérieure » l’antinomie de l’esprit catholique et de l’esprit sportif. « On se fait son unité comme on peut », avoue-t-il
30 oue-t-il franchement. Il me semble bien paradoxal de vouloir unir dans une même philosophie la morale jésuite, faite de rè
31 ans une même philosophie la morale jésuite, faite de règles et de contraintes imposées dans le but de restreindre la liber
32 philosophie la morale jésuite, faite de règles et de contraintes imposées dans le but de restreindre la liberté et l’initi
33 de règles et de contraintes imposées dans le but de restreindre la liberté et l’initiative individuelles, et la morale de
34 nglais, morale qui veut former des hommes maîtres d’ eux-mêmes, c’est-à-dire libres. Et cela me semble d’autant plus parado
35 eux-mêmes, c’est-à-dire libres. Et cela me semble d’ autant plus paradoxal que M. de Montherlant est justement un des premi
36 itive. Mais on peut oublier la partie doctrinaire de cette œuvre, elle ne lui est pas indispensable : « Ces simplification
37 ne préfère le monde ». Je préfère à la dogmatique de M. de Montherlant son admirable lyrisme de poète du stade. En un styl
38 atique de M. de Montherlant son admirable lyrisme de poète du stade. En un style d’une fermeté presque brutale parfois, un
39 admirable lyrisme de poète du stade. En un style d’ une fermeté presque brutale parfois, un style de sportif, mais qu’on s
40 e d’une fermeté presque brutale parfois, un style de sportif, mais qu’on sent humaniste et poète, un style à la fois bref
41 pes, et l’équipier Montherlant les contemple, ému de « cette ivresse qui naît de l’ordre », et aussi parfois, de la pensée
42 nt les contemple, ému de « cette ivresse qui naît de l’ordre », et aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de l’en
43 ivresse qui naît de l’ordre », et aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de l’entre-deux-guerres, … cinq sur dix
44 t aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de l’entre-deux-guerres, … cinq sur dix sont désignés… ». Voici passer u
45 ser un coureur : « À peine a-t-il touché la piste d’ herbe, c’est une allégresse héroïque qu’infuse à son corps la douce ma
46 foulée, bondissante et posée, est pleine du désir de l’air. Danse-t-il sur une musique que je n’entends pas ? » — Mais plu
47 us que le corps en mouvement, c’est la domination de la raison sur ce corps qui est exaltante, et c’est cette domination q
48 us comme une lutte sauvage et déloyale, la morale d’ équipe devient toute la morale, et les qualités indispensables au bon
49 nt les qualités du parfait citoyen : juste vision de la réalité, abnégation, sentiment du devoir de chacun envers l’ensemb
50 on de la réalité, abnégation, sentiment du devoir de chacun envers l’ensemble (Montherlant insiste plutôt sur le sentiment
51 ôt sur le sentiment des hiérarchies que sur celui de la solidarité, comme bien l’on pense). Enfin, enseignement plus génér
52 ien l’on pense). Enfin, enseignement plus général de la morale sportive : « la règle de rester en dedans de son action, ap
53 t plus général de la morale sportive : « la règle de rester en dedans de son action, application de l’immense axiome formu
54 morale sportive : « la règle de rester en dedans de son action, application de l’immense axiome formulé par Hésiode et qu
55 le de rester en dedans de son action, application de l’immense axiome formulé par Hésiode et qui gouverna le monde ancien 
56 de que le tout ». Le sport comme un apprentissage de la vie : tout servira plus tard : Ô garçons, il y a un brin du myrte
57 n brin du myrte civique tressé dans vos couronnes de laurier. Vous n’êtes pas couronnés d’olivier. La main connaît la main
58 s couronnes de laurier. Vous n’êtes pas couronnés d’ olivier. La main connaît la main dans la prise du témoin. L’épaule con
59 allon. Le regard connaît le regard dans la course d’ équipe. Le cœur connaît la présence muette et sûre. Toutes ces choses
60 ne sont pas dites en vain. Stades que parcourent de jeunes et purs courages, donnez-moi votre silence jusqu’à l’heure. Qu
61 e silence jusqu’à l’heure. Que je taise votre mot de ralliement, paradis à l’ombre des épées. Rien de moins artificiellem
62 de ralliement, paradis à l’ombre des épées. Rien de moins artificiellement moderne que ce lyrisme sobre et prenant : « Si
63 t prenant : « Si l’on s’échauffe, s’échauffer sur de la précision. » On évitera ainsi tout niais romantisme. Je sais bien
64 le sport ainsi compris, plus que l’apprentissage de la vie, est l’apprentissage de la guerre, dira-t-on. M. de Montherlan
65 ue l’apprentissage de la vie, est l’apprentissage de la guerre, dira-t-on. M. de Montherlant répondra : non, car la faible
66 us conduirait cette « éthique du sport » tempérée de raison. Ce qu’on en peut retenir, c’est la méthode, car je crois qu’e
67 it. » M. de Montherlant illustre sa propre pensée de cette citation d’un dominicain : « Formez des jeunes filles assez for
68 rlant illustre sa propre pensée de cette citation d’ un dominicain : « Formez des jeunes filles assez fortes pour pouvoir t
69 our pouvoir tout lire, et il n’y aura plus besoin de roman catholique. » C’est ce qu’on pourrait appeler une « morale cons
70 qui doit être, et ce qui ne doit pas être tombera de soi-même. Ainsi l’athlète à l’entraînement ne s’épuise-t-il pas à com
71 s : il développe ses qualités, le reste s’arrange de soi-même. ⁂ M. de Montherlant, qui a quitté le stade, se rendra mieux
72 uitté le stade, se rendra mieux compte à distance de la contradiction sur laquelle est bâtie son œuvre. L’intéressant sera
73 laquelle est bâtie son œuvre. L’intéressant sera de voir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jésui
74 . L’intéressant sera de voir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jésuite. Mais enfin, voici un homm
75 oir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jésuite. Mais enfin, voici un homme, et non plus seulement
76 n, voici un homme, et non plus seulement un homme de lettres. Un homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme d’une jeun
77 Un homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme d’ une jeunesse saine et la retenue de l’âge mûr, cette « limitation » qu
78 l’enthousiasme d’une jeunesse saine et la retenue de l’âge mûr, cette « limitation » que lui ont enseigné le sport et les
79 lus proche que la sensualité vaguement chrétienne de tel autre écrivain catholique. Et son lyrisme, encore un peu brutal,
80 salut des équipes avant le match : « En l’honneur d’ Henry de Montherlant, hip, hip, hurrah ! » 1. Éditions Grasset, Pari
81  ! » 1. Éditions Grasset, Paris. 2. L’attitude de M. de Montherlant légitime une telle « simplification ». a. « M. de
2 1924, Articles divers (1924–1930). Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)
82 Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1
83 u xixe siècle à nos jours. Partis du classicisme de David et d’Ingres, les peintres français ont accompli, durant le xixe
84 le à nos jours. Partis du classicisme de David et d’ Ingres, les peintres français ont accompli, durant le xixe siècle, un
85 dans les domaines du romantisme, du naturalisme, de l’impressionnisme, pour aboutir enfin dans ces impasses : cubisme et
86 près cent-vingt-cinq ans, à peu près à leur point de départ. Mais leurs recherches n’ont pas été vaines. Ils en reviennent
87 s n’ont pas été vaines. Ils en reviennent chargés de chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs moyens d’expression. Très
88 nent chargés de chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs moyens d’expression. Très maîtres de leur technique (contrairem
89 chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs moyens d’ expression. Très maîtres de leur technique (contrairement à ce que pen
90 cients de leurs moyens d’expression. Très maîtres de leur technique (contrairement à ce que pense souvent le public), ils
91 nse souvent le public), ils préparent l’avènement d’ un classicisme nouveau. M. Meili a mis en évidence cette courbe de la
92 nouveau. M. Meili a mis en évidence cette courbe de la peinture moderne avec une netteté et un relief remarquable. Les œu
93 une netteté et un relief remarquable. Les œuvres de cet artiste, qu’on a pu voir à la Rose d’Or témoignaient de ces mêmes
94 iste, qu’on a pu voir à la Rose d’Or témoignaient de ces mêmes qualités : car la façon de peindre correspond à la façon de
95 témoignaient de ces mêmes qualités : car la façon de peindre correspond à la façon de penser du peintre. Souhaitons d’ente
96 s : car la façon de peindre correspond à la façon de penser du peintre. Souhaitons d’entendre encore M. Meili. Est-il beso
97 spond à la façon de penser du peintre. Souhaitons d’ entendre encore M. Meili. Est-il besoin de souligner l’importance de t
98 haitons d’entendre encore M. Meili. Est-il besoin de souligner l’importance de telles prises de contact entre artiste et p
99 M. Meili. Est-il besoin de souligner l’importance de telles prises de contact entre artiste et public ? b. « Conférence
100 besoin de souligner l’importance de telles prises de contact entre artiste et public ? b. « Conférence Meili », Feuille
101 te et public ? b. « Conférence Meili », Feuille d’ Avis de Neuchâtel, n° 254, 30 octobre 1924, p. 6.
102 ublic ? b. « Conférence Meili », Feuille d’Avis de Neuchâtel, n° 254, 30 octobre 1924, p. 6.
3 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun (mars 1925)
103 enry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun (mars 1925)a Henry de Montherlant, héritier d’une tradition
104 un (mars 1925)a Henry de Montherlant, héritier d’ une tradition chevaleresque, mène sa vie comme une ardente aventure. L
105 ieu à la guerre et aux jeux, avant de partir pour de nouvelles conquêtes. Terriblement lucide, ce regard en arrière. Month
106 dur pour ses erreurs plus encore que pour celles de l’adversaire, ce qui est beaucoup dire. Il y avait dans le Paradis je
107 Il y avait dans le Paradis je ne sais quel relent de barbarie, un assez malsain goût du sang. Tout cela s’est purifié dans
108 bre. Et une phrase telle que « … Nous sommes sûrs de ne pas nous tromper en nous inquiétant de faire, à notre place modest
109 es sûrs de ne pas nous tromper en nous inquiétant de faire, à notre place modeste, si peu que ce soit pour la paix », c’es
110 ce soit pour la paix », c’est une affirmation qui d’ un coup condamne beaucoup d’antérieures protestations belliqueuses. Il
111 t une affirmation qui d’un coup condamne beaucoup d’ antérieures protestations belliqueuses. Il nous montre « des Français
112 ui tiennent qu’une telle attitude est responsable de ces carnages ». Naguère il était des premiers ; il s’affirme aujourd’
113 ir contemplé Verdun, en tête à tête avec le génie de la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter, d’une si émouvante sorte,
114 avec le génie de la mort. Mais alors, à quoi sert d’ exalter, d’une si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Ver
115 ie de la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter, d’ une si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Verdun, et ce
116 si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Verdun, et ce « haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front. D’une p
117 dats déjà légendaires de Verdun, et ce « haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front. D’une phrase, il justifie son livre
118 e « haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front. D’ une phrase, il justifie son livre : « Ranimons ces horreurs pour les v
119 st-ce pas une éclatante mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’un de ces hommes qui « descendirent » du front d
120 e mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’ un de ces hommes qui « descendirent » du front dans notre paix lassée,
121 e au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’un de ces hommes qui « descendirent » du front dans notre paix lassée, ne p
122 ncore transparaît un doute, parfois : « On craint d’ être injuste en décidant si… cette absence de haine ; cette épouvante,
123 aint d’être injuste en décidant si… cette absence de haine ; cette épouvante, devant la guerre… proviennent de plus d’huma
124 épouvante, devant la guerre… proviennent de plus d’ humanité ou de moins de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre
125 vant la guerre… proviennent de plus d’humanité ou de moins de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre d’affirmation,
126 uerre… proviennent de plus d’humanité ou de moins de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre d’affirmation, une tell
127 de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre d’ affirmation, une telle inquiétude, un amer « à quoi bon » percèrent so
128 s quels buts ? On verra plus tard. L’urgent c’est d’ avancer. Et l’on atteindra peut-être ces régions élevées où les élémen
129 ix qu’il appelle, c’est autre chose que l’absence de guerre, c’est une paix que travaillerait le levain des vertus guerriè
130 a paix, ce soit vivre. » Par tout un livre libéré de souvenirs héroïques, peut-être trop grands pour la paix, c’est vers d
131 va porter son ardeur. Il va chercher le souvenir de l’aventure antique, et dans ce qui fut Rome ou la Grèce, revivre sa t
132 n. Toute son œuvre pourrait se définir : la lutte d’ un tempérament avec la réalité. Tantôt c’est l’un qui veut plier l’aut
133 e que nous admirons dans le Chant funèbre. Ce mot de grandeur revient souvent lorsqu’on parle de cette œuvre : je ne sais
134 e mot de grandeur revient souvent lorsqu’on parle de cette œuvre : je ne sais s’il faut en voir la raison dans la force de
135 ne sais s’il faut en voir la raison dans la force de la personnalité révélée ou dans la noblesse de sa soumission. Pérille
136 ce de la personnalité révélée ou dans la noblesse de sa soumission. Périlleuse carrière de la grandeur où Montherlant est
137 la noblesse de sa soumission. Périlleuse carrière de la grandeur où Montherlant est entré de plain-pied, en même temps que
138 carrière de la grandeur où Montherlant est entré de plain-pied, en même temps que dans la guerre. Que de sacrifices ne lu
139 plain-pied, en même temps que dans la guerre. Que de sacrifices ne lui devra-t-il pas offrir ainsi les romans « intéressan
140 l est capable et qu’il lui faudra livrer au « feu de vérité » qui brûle dans son temple intérieur, s’il veut rester digne
141 dans son temple intérieur, s’il veut rester digne de son rôle et vraiment le coryphée d’une génération casquée. Feu consum
142 rester digne de son rôle et vraiment le coryphée d’ une génération casquée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’u
143 oryphée d’une génération casquée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’une pureté si rare en notre siècle, qu’elle
144 squée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’ une pureté si rare en notre siècle, qu’elle paraît parfois, lorsque la
145 e comme cette « flamme pensante » dans l’ossuaire de Douaumont. Puis la vie l’exalte de nouveau d’un large vent de joie.
146 ire de Douaumont. Puis la vie l’exalte de nouveau d’ un large vent de joie. a. « Henry de Montherlant : Chant funèbre pou
147 . Puis la vie l’exalte de nouveau d’un large vent de joie. a. « Henry de Montherlant : Chant funèbre pour les morts de V
148 nry de Montherlant : Chant funèbre pour les morts de Verdun (B. Grasset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Ge
149 sset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mars 1925, p. 380-382.
4 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Breton, Manifeste du surréalisme (juin 1925)
150 e du surréalisme (juin 1925)b Sous une « vague de rêves », la logique, dernier agent de liaison de nos esprits, va péri
151 une « vague de rêves », la logique, dernier agent de liaison de nos esprits, va périr. C’est du moins ce que proclame M. B
152 de rêves », la logique, dernier agent de liaison de nos esprits, va périr. C’est du moins ce que proclame M. Breton en un
153 r notre poncif moderne, — si propre à égarer dans d’ ingénieuses métaphores quiconque chercherait une idée là-dessous, — ne
154 it pas toujours chez Breton à masquer la banalité de la pensée. D’autant plus que les rares passages où il expose directem
155 s chez Breton à masquer la banalité de la pensée. D’ autant plus que les rares passages où il expose directement les princi
156 s passages où il expose directement les principes de sa « révolution » semblent au contraire tirés de quelque terne manuel
157 de sa « révolution » semblent au contraire tirés de quelque terne manuel de philosophie ou de psychanalyse. Ces principes
158 mblent au contraire tirés de quelque terne manuel de philosophie ou de psychanalyse. Ces principes ? Ils se laissent hélas
159 e tirés de quelque terne manuel de philosophie ou de psychanalyse. Ces principes ? Ils se laissent hélas résumer en un cou
160 Ils se laissent hélas résumer en un court article de dictionnaire : « Surréalisme, n.m. Automatisme psychique pur par lequ
161 utomatisme psychique pur par lequel on se propose d’ exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manièr
162 ’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de l
163 it de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé p
164 ière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en deho
165 el de la pensée. Dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation
166 2). Le surréalisme ne serait-il donc qu’une sorte de méthode des textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’il est
167 scientes M. Breton peut-il préconiser l’existence d’ une littérature fondée sur de tels principes ? Le Rêve est la seule ma
168 éconiser l’existence d’une littérature fondée sur de tels principes ? Le Rêve est la seule matière poétique. Dans le monde
169 le matière poétique. Dans le monde du Rêve autant de cellules isolées que de rêveurs. Toute poésie est incommunicable, le
170 s le monde du Rêve autant de cellules isolées que de rêveurs. Toute poésie est incommunicable, le poète étant un simple st
171 ommunicable, le poète étant un simple sténographe de ses rêves. Soit. De ces faits, je tire cette conclusion pratique : in
172 e étant un simple sténographe de ses rêves. Soit. De ces faits, je tire cette conclusion pratique : inutile de publier des
173 aits, je tire cette conclusion pratique : inutile de publier des poèmes. Éluard le comprenait, qui écrivit : « Quand les l
174 t, qui écrivit : « Quand les livres se liront-ils d’ eux-mêmes, sans le secours des lecteurs ? Quand les hommes se comprend
175 n poème » cette mystification est dans la logique de ses principes, mais je lui conteste le droit de faire suivre son mani
176 e de ses principes, mais je lui conteste le droit de faire suivre son manifeste de proses — Poisson soluble — qui servent
177 i conteste le droit de faire suivre son manifeste de proses — Poisson soluble — qui servent d’illustration à sa défense de
178 nifeste de proses — Poisson soluble — qui servent d’ illustration à sa défense de la poésie pure. Les beautés que j’y vois
179 ne me seraient-elles perceptibles que par le fait d’ une fortuite coïncidence entre l’univers du poète et le mien ? Je comp
180 l’univers du poète et le mien ? Je comprends trop de choses dans ces poèmes qui devraient m’être parfaitement impénétrable
181 serait un très curieux poète s’il ne s’efforçait de donner raison aux 75 pages où il voulut nous persuader que tout poème
182 non corrigée du Rêve. Je reconnais à chaque ligne de Poisson soluble cette « vieillerie poétique » qui, avoue Rimbaud, ent
183 ’« alchimie du verbe » ; et je ne puis m’empêcher d’ accuser Breton de préméditation… À quoi sert, dès lors, tout cet appar
184 rbe » ; et je ne puis m’empêcher d’accuser Breton de préméditation… À quoi sert, dès lors, tout cet appareil psychologique
185 si scolaire ? À donner le change sur la pauvreté d’ un art purement formel. Car c’est ici le tragique de cette mystificati
186 un art purement formel. Car c’est ici le tragique de cette mystification : la plupart des surréalistes n’ont rien à dire,
187 donc en doctrine leur impuissance. « Il n’y a pas de pensée hors les mots » (Aragon). Aussi se paient-ils de métaphores co
188 sée hors les mots » (Aragon). Aussi se paient-ils de métaphores comme d’autres de raisonnements. Plaisante ironie, si cett
189 Aussi se paient-ils de métaphores comme d’autres de raisonnements. Plaisante ironie, si cette attitude n’était qu’une pro
190 nos poncifs intellectuels. Mais elle risque bien de nous en rendre un peu plus esclaves. Car depuis Freud — dont ils se r
191 emment, — on sait ce que c’est que la « liberté » d’ un esprit pur de tout finalisme ! Surréalisme S.A., entreprise pour l’
192 t ce que c’est que la « liberté » d’un esprit pur de tout finalisme ! Surréalisme S.A., entreprise pour l’exploitation de
193 Surréalisme S.A., entreprise pour l’exploitation de matériaux de démolition abandonnés par Dada S.A. Ce n’est pas ainsi q
194 S.A., entreprise pour l’exploitation de matériaux de démolition abandonnés par Dada S.A. Ce n’est pas ainsi que nous sorti
195 r Dada S.A. Ce n’est pas ainsi que nous sortirons d’ une anarchie dont les causes semblent avant tout morales. Les tendance
196 tout morales. Les tendances encore un peu vagues d’ un groupe tel que Philosophies laissent pressentir des révolutions plu
197 t en des jeux moins lassants. Dada, éclat de rire d’ un désespoir exaspéré, commandait une certaine sympathie. L’agaçant, a
198 s surréalistes, c’est que — pour reprendre un mot de Cocteau — ils « embaument de vieilles anarchies ». L’ironie qui sauva
199 our reprendre un mot de Cocteau — ils « embaument de vieilles anarchies ». L’ironie qui sauva Dada du ridicule le cède ici
200 e qui sauva Dada du ridicule le cède ici à un ton de mage qui ne fera plus longtemps impression. C’est grand dommage pour
201 dommage pour les lettres françaises qui risquent d’ y perdre au moins deux grands artistes : Aragon, Éluard. Sans oublier
202 aire, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juin 1925, p. 775-776.
5 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Colin, Van Gogh (août 1925)
203 Colin, Van Gogh (août 1925)c Le nouveau volume de la collection des « Maîtres de l’art moderne » est au moins le cinqui
204 Le nouveau volume de la collection des « Maîtres de l’art moderne » est au moins le cinquième ouvrage publié en France su
205 nt des vues assez neuves. M. Colin s’est contenté de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’une telle manière que d
206 uves. M. Colin s’est contenté de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’une telle manière que des conclusions criti
207 olin s’est contenté de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’une telle manière que des conclusions critiques s’en
208 té de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’ une telle manière que des conclusions critiques s’en dégagent avec évi
209 est peu intéressant. On en a connu bien d’autres de ces jeunes gens prétentieux et sincères qui se croient une vocation,
210 se croient une vocation, végètent dans des œuvres d’ évangélisation, fondent des groupes dissidents. Le miracle, c’est que
211 ’est que le plus sauvage génie ait choisi un être de cette espèce pour le tourmenter et le transfigurer. Vincent s’en effr
212 t-ce que c’est donc ? » Ses premiers dessins sont de gauches copies de Millet. Mais son manque de talent ne le rebute pas.
213 c ? » Ses premiers dessins sont de gauches copies de Millet. Mais son manque de talent ne le rebute pas. Une divine violen
214 sont de gauches copies de Millet. Mais son manque de talent ne le rebute pas. Une divine violence le travaille. Elle jaill
215 vaille. Elle jaillira enfin, dans l’éblouissement d’ Arles, jusqu’au jour où cette consomption frénétique terrassant un cor
216 ue les flammes, les soleils et aussi les grimaces de douleur de ses tableaux. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien cac
217 mes, les soleils et aussi les grimaces de douleur de ses tableaux. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien caché des médi
218 douleur de ses tableaux. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien caché des médiocrités de cette vie : les reproductions q
219 Paul Colin de n’avoir rien caché des médiocrités de cette vie : les reproductions qui suivent sa courte biographie fourni
220 risme dont on a voulu charger la « vie héroïque » de Vincent. M. Colin n’a pas cherché à expliquer ce miracle. Il nous lai
221 l nous laisse à notre émotion devant le spectacle d’ une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre de pur génie. Vincent
222 spectacle d’une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’ une œuvre de pur génie. Vincent Van Gogh, génie sans talent. c. « Pa
223 ’une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre de pur génie. Vincent Van Gogh, génie sans talent. c. « Paul Colin : V
224 eder, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1925, p. 1033.
6 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Lucien Fabre, Le Tarramagnou (septembre 1925)
225 court », curieux homme. Il se livre à des travaux de précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livre sur Einst
226 tion : les faits s’y pressent et s’y bousculent ; de temps à autre une notation d’artiste ou de psychologue se glisse dans
227 et s’y bousculent ; de temps à autre une notation d’ artiste ou de psychologue se glisse dans leur flot. Voilà le lecteur e
228 lent ; de temps à autre une notation d’artiste ou de psychologue se glisse dans leur flot. Voilà le lecteur entraîné, ébah
229 le lecteur entraîné, ébahi, passionné, contraint de suivre jusqu’au bout un roman de 500 pages comme Rabevel. Car si la l
230 ionné, contraint de suivre jusqu’au bout un roman de 500 pages comme Rabevel. Car si la liquidation des questions traitées
231 est rapide, elle est complète aussi. On s’étonne de ce que Fabre, disciple de Valéry, puisse rédiger des romans si bouill
232 lète aussi. On s’étonne de ce que Fabre, disciple de Valéry, puisse rédiger des romans si bouillonnants, si mal équarris.
233 mande pas non plus au puissant boxeur sur le ring d’ être bien peigné. Rabevel, c’était un portrait balzacien du brasseur
234 abevel, c’était un portrait balzacien du brasseur d’ affaires. Le sujet du Tarramagnou, c’est « la nouvelle mise en servitu
235  la nouvelle mise en servitude du peuple rustique de France ». En effet — le phénomène n’est pas particulier à la France —
236 ats et des capitalistes des villes. Mais dans une de ces provinces du Midi où le souvenir des luttes religieuses encore vi
237 t, le libérateur va se lever. C’est un descendant de Roland le Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homme de la terre 
238 le Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homme de la terre », qui va susciter un formidable mouvement de protestation c
239 terre », qui va susciter un formidable mouvement de protestation contre les lois tyranniques. Le succès grandit rapidemen
240 œuvre sabotée par des meneurs ; il tente en vain de ressaisir les foules : déjà elles huent sa modération. Alors il va se
241 n clamant la paix. M. Fabre avait là les éléments d’ un grand roman : autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant, une
242 e avait là les éléments d’un grand roman : autour d’ un sujet de vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des p
243 les éléments d’un grand roman : autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des personnages
244 brûlant, une intrigue puissante, des personnages d’ une belle richesse psychologique. En fermant le livre on a presque l’i
245 nd roman… Qu’y manque-t-il ? Un style ? L’absence de style, n’est-ce pas le meilleur style pour un romancier ? C’est plutô
246 tissu des faits se relâche parfois, et les arêtes de la construction apparaissent trop nues. Chef-d’œuvre ou pas chef-d’œu
247 l reste que le Tarramagnou est un livre émouvant, d’ une saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a tenté, et en somme, r
248 t en somme, réussi, une entreprise bien téméraire de nos jours : un roman à thèse aussi intelligent que vivant. d. « Luc
249 (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1151-1152.
7 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Les Appels de l’Orient (septembre 1925)
250 Les Appels de l’Orient (septembre 1925)e Le xxe siècle s’annonce comme le siècl
251 925)e Le xxe siècle s’annonce comme le siècle de la découverte du monde par l’Europe intellectuelle. Grand siècle de c
252 u monde par l’Europe intellectuelle. Grand siècle de critique pour lequel nos contemporains accumulent les documents. La l
253 mporains accumulent les documents. La littérature de ces dernières années n’est qu’une forme de reportage international. L
254 rature de ces dernières années n’est qu’une forme de reportage international. L’Europe menant cette immense enquête manife
255 nt l’Europe du xviiie prenait surtout conscience de son propre génie, l’Europe d’aujourd’hui semble chercher dans une con
256 surtout conscience de son propre génie, l’Europe d’ aujourd’hui semble chercher dans une confrontation avec l’Orient, plut
257 avec l’Orient, plutôt qu’une réelle connaissance de l’Orient, une conscience d’elle-même. C’est peut-être pour provoquer
258 e réelle connaissance de l’Orient, une conscience d’ elle-même. C’est peut-être pour provoquer cette confrontation seulemen
259 oriental, car il semble bien que dans le domaine de la culture le péril n’existe que pour autant qu’on en parle, la vraie
260 n peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jour d’ un renouveau, c’est à quelques savants européens qu’il le devra, tandi
261 ques savants européens qu’il le devra, tandis que d’ un mouvement inverse, le christianisme débarrassé de son déguisement g
262 un mouvement inverse, le christianisme débarrassé de son déguisement gréco-latin retournera vers ses sources pour s’y retr
263 a vers ses sources pour s’y retremper. Les appels de l’Orient, ce sont les Keyserling, les Guénon, qui les font entendre,
264 fort intéressant tableau des multiples réactions de l’Europe placée devant le dilemme Orient-Occident. Réactions qui, dis
265 enquête rejoint parfois celle qu’ouvrit la Revue de Genève sur « l’Avenir de l’Europe. » (Cf. les deux réponses d’André
266 lle qu’ouvrit la Revue de Genève sur « l’Avenir de l’Europe. » (Cf. les deux réponses d’André Gide en particulier). Car
267 « l’Avenir de l’Europe. » (Cf. les deux réponses d’ André Gide en particulier). Car la plupart des enquêtés se font de l’O
268 particulier). Car la plupart des enquêtés se font de l’Orient une représentation vague et poétique. « Orient…, toi qui n’a
269 t poétique. « Orient…, toi qui n’as qu’une valeur de symbole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’il s’agit, et Jean
270 u’une valeur de symbole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’il s’agit, et Jean Schlumberger le définit encore : « …
271 sé à l’esprit occidental, tout ce qui peut servir d’ antidote à sa fièvre et à sa logique. » On confond Japon et Arabie, In
272 bie, Indes et Chine sous une dénomination qui n’a de sens que par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter un classeme
273 e sens que par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter un classement parmi les réponses d’une extraordinaire diversit
274 t vain de tenter un classement parmi les réponses d’ une extraordinaire diversité — peut-être trop nombreuses — qui compose
275 rents, si différentes même les conclusions tirées de points de vue semblables, qu’un esprit analytique et organisateur d’o
276 mblables, qu’un esprit analytique et organisateur d’ occidental se perdra ici dans un ensemble kaléidoscopique d’idées et d
277 al se perdra ici dans un ensemble kaléidoscopique d’ idées et de jugements contradictoires, et de termes dont le sens chang
278 a ici dans un ensemble kaléidoscopique d’idées et de jugements contradictoires, et de termes dont le sens change avec l’éc
279 pique d’idées et de jugements contradictoires, et de termes dont le sens change avec l’échelle de valeurs de l’écrivain. É
280 , et de termes dont le sens change avec l’échelle de valeurs de l’écrivain. Énumérons pourtant quelques-uns des points de
281 mes dont le sens change avec l’échelle de valeurs de l’écrivain. Énumérons pourtant quelques-uns des points de vue les plu
282 ou les mieux définis. Pour Valéry, la supériorité de l’Europe réside dans sa « puissance de choix », dans le génie d’abstr
283 upériorité de l’Europe réside dans sa « puissance de choix », dans le génie d’abstraction qui a produit la géométrie grecq
284 ide dans sa « puissance de choix », dans le génie d’ abstraction qui a produit la géométrie grecque. D’autres attribuent ce
285 e dans une Europe vieillie, les parfums puissants de l’Asie sauront encore éveiller de beaux rêves. Il y a ceux qui repous
286 rfums puissants de l’Asie sauront encore éveiller de beaux rêves. Il y a ceux qui repoussent une Asie ignorante du thomism
287 u thomisme et ceux qui pensent inévitable le choc de deux mondes, et que seule une intime connaissance mutuelle l’adoucira
288 provisoire et qui porte en son principe le germe de sa destruction.) Il y a enfin ceux qui refondent et combinent toutes
289 ses, conclusions ou interrogations, ont le défaut de n’être pas suffisamment motivées par des faits et des documents. Pour
290 ar exemple, qui cependant produit un grand nombre de citations à l’appui de ses sophismes, ne se livre pas moins à des déd
291 ions in abstracto qui le mènent à des conclusions de ce genre : si nous trouvons le moyen de « suppléer à l’éducation hist
292 nclusions de ce genre : si nous trouvons le moyen de « suppléer à l’éducation historique des peuples chrétiens qui n’ont p
293 historique des peuples chrétiens qui n’ont pas eu de Moyen Âge », nous pourrons amener l’Asie à comprendre la religion rom
294 listes, qui, eux, apportent des documents, savent de quoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’agit de conclure. Un éc
295 uoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’agit de conclure. Un écrivain grec, M. Embiricos, a trouvé la formule qui déf
296 , je pense, réunira tous les suffrages. Et chacun d’ en tirer de nouvelles raisons de maudire l’Orient ou chercher la guéri
297 réunira tous les suffrages. Et chacun d’en tirer de nouvelles raisons de maudire l’Orient ou chercher la guérison de nos
298 frages. Et chacun d’en tirer de nouvelles raisons de maudire l’Orient ou chercher la guérison de nos fièvres. Mais nous au
299 isons de maudire l’Orient ou chercher la guérison de nos fièvres. Mais nous aurons entrevu peut-être pour la première fois
300 s entrevu peut-être pour la première fois le rôle de l’Europe « conscience du monde », entre une Amérique affolée de vites
301 conscience du monde », entre une Amérique affolée de vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours de Babel, et une As
302 vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours de Babel, et une Asie immobile dans sa méditation éternelle. e. « Les
303 e dans sa méditation éternelle. e. « Les Appels de l’Orient (n° 9-10 des Cahiers du Mois) », Bibliothèque universelle et
304 ers du Mois) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1152-1154.
8 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Prévost, Tentative de solitude (septembre 1925)
305 Jean Prévost, Tentative de solitude (septembre 1925)f « Dès que nous sommes seuls, nous somme
306 mes seuls, nous sommes des fous. Oui, le contrôle de nous-mêmes ne joue que soutenu par le contrôle que les autres nous im
307 rôle que les autres nous imposent », dit un héros de Mauriac. C’est un « homme seul » qu’a peint « par le dedans » M. Jean
308 ourci psychologique. « Tout homme normal est fait de plusieurs fous qui s’annulent », écrit-il. Ce fou qui veut être soi p
309 fou qui veut être soi purement, qui veut éliminer de soi tout ce qui est déterminé par l’extérieur, — ce fou que nous port
310 s il l’a poussé impitoyablement dans sa recherche d’ un absolu qui se trouve être le néant. Pour finir il « l’écrabouille »
311 st avant tout une démonstration ; mais, puissante de sûreté et d’évidence, elle a cette beauté froide et massive d’un théo
312 une démonstration ; mais, puissante de sûreté et d’ évidence, elle a cette beauté froide et massive d’un théorème de Spino
313 d’évidence, elle a cette beauté froide et massive d’ un théorème de Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent
314 le a cette beauté froide et massive d’un théorème de Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent seules l’écriv
315 ’écrivain ; et aussi quelques sentences : « C’est de la faiblesse de nos yeux que frissonnent les étoiles. » f. « Jean P
316 ussi quelques sentences : « C’est de la faiblesse de nos yeux que frissonnent les étoiles. » f. « Jean Prévost : Tentati
317 nt les étoiles. » f. « Jean Prévost : Tentative de solitude (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève,
318 (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1156-1157.
9 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Almanach 1925 (septembre 1925)
319 nationale qu’Ibsen voulait placer sous les arches de la vieille société », pour reprendre la pittoresque définition de M.
320 ciété », pour reprendre la pittoresque définition de M. A. Eloesser dans l’Almanach du 25e anniversaire. Les révolutionnai
321 au des auteurs édités depuis lors les grands noms de la littérature européenne d’avant-guerre mêlés à ceux des maîtres du
322 lors les grands noms de la littérature européenne d’ avant-guerre mêlés à ceux des maîtres du renouveau idéaliste allemand
323 nd et viennois, Hesse, Hofmannsthal… Les extraits de ces auteurs qui composent l’Almanach Fischer donnent une juste idée d
324 mposent l’Almanach Fischer donnent une juste idée de ce que fut la littérature d’avant-garde entre 1900 et 1910. Depuis, l
325 nnent une juste idée de ce que fut la littérature d’ avant-garde entre 1900 et 1910. Depuis, la maison paraît s’être un peu
326 ourgeoisée… Disons plutôt que voici venu le temps de la moisson, — le temps des éditions d’œuvres complètes. g. « S. Fis
327 u le temps de la moisson, — le temps des éditions d’ œuvres complètes. g. « S. Fischer Verlag : Almanach 1925 (Berlin) »,
328 925 (Berlin) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1162-1163.
10 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Otto Flake, Der Gute Weg (septembre 1925)
329 g-froid. Et si l’on a pu reprocher à ses tableaux de l’Europe qu’il vient de parcourir quelque superficialité, du moins fa
330 quelque superficialité, du moins faut-il le louer d’ avoir conservé une vision générale de notre temps et un évident besoin
331 -il le louer d’avoir conservé une vision générale de notre temps et un évident besoin d’impartialité. Son art bénéficie de
332 sion générale de notre temps et un évident besoin d’ impartialité. Son art bénéficie de cette vision. Je ne saurais résumer
333 évident besoin d’impartialité. Son art bénéficie de cette vision. Je ne saurais résumer les nombreuses péripéties de son
334 . Je ne saurais résumer les nombreuses péripéties de son dernier roman sans exposer et discuter toutes les idées qu’elles
335 les meilleurs arguments. Et peu à peu surgissent d’ une accumulation de petites touches précises des types d’après-guerre
336 ments. Et peu à peu surgissent d’une accumulation de petites touches précises des types d’après-guerre d’une étrange vérit
337 ccumulation de petites touches précises des types d’ après-guerre d’une étrange vérité. Aux prises avec les problèmes socia
338 petites touches précises des types d’après-guerre d’ une étrange vérité. Aux prises avec les problèmes sociaux et le luxe l
339 rtège pittoresque et désolant à celui qui, revenu de l’étranger dans le désordre de son pays, suivra obstinément le « bon
340 celui qui, revenu de l’étranger dans le désordre de son pays, suivra obstinément le « bon chemin » de la santé et de la r
341 de son pays, suivra obstinément le « bon chemin » de la santé et de la raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur
342 ivra obstinément le « bon chemin » de la santé et de la raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur et la nôtre.
343 et de la raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur et la nôtre. h. « Otto Flake : Der Gute Weg (S. Fischer Ve
344 lag, Berlin) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1163. i. Orthographié « Flasce »
11 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue (septembre 1925)
345 . Pour présenter au public français cette œuvre «  d’ importance européenne », croyez-vous qu’il aille s’abandonner à l’émot
346 u’il aille s’abandonner à l’émotion communicative de qui découvre un sommet ? Point. Précision, modération dans le jugemen
347 éger, notation suggestive, telles sont les vertus de sa critique. Ce n’est que dans sa discrétion à louer une grande œuvre
348 à louer une grande œuvre qu’on trouvera la mesure de son admiration et le gage de sa légitimité. Nul doute que les Trois n
349 n trouvera la mesure de son admiration et le gage de sa légitimité. Nul doute que les Trois nouvelles exemplaires ne susci
350 êt très profond : elles nous transportent au cœur de préoccupations des plus modernes, problème de la réalité littéraire,
351 œur de préoccupations des plus modernes, problème de la réalité littéraire, problème de la personnalité. Leur Prologue pou
352 rnes, problème de la réalité littéraire, problème de la personnalité. Leur Prologue pourrait presque aussi bien être celui
353 r Prologue pourrait presque aussi bien être celui d’ une pièce de Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des tr
354 ourrait presque aussi bien être celui d’une pièce de Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des trois nouvelle
355 ges des trois nouvelles « sont réels, très réels, de la réalité la plus intime, de celle qu’ils se donnent eux-mêmes dans
356 réels, très réels, de la réalité la plus intime, de celle qu’ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’être ou de
357 u’ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’ être ou de ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent
358 onnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’être ou de ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent être, sub
359 lonté d’être ou de ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent être, subissent, une fois qu’ils sont, le g
360 issent, une fois qu’ils sont, le grand malentendu de la personnalité. Tandis que chez Unamuno une volonté d’action les pos
361 personnalité. Tandis que chez Unamuno une volonté d’ action les possède, les exalte, les affole. Les plus beaux types créés
362 erine, ou cet Alexandro Gomez cynique et puissant de confiance en soi, qu’une volonté presque inhumaine torture et conduit
363 ar on imagine difficilement un art plus dépouillé de détail extérieur ou d’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies,
364 ment un art plus dépouillé de détail extérieur ou d’ enjolivure. La lecture de ces trois tragédies, d’une classique sobriét
365 é de détail extérieur ou d’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies, d’une classique sobriété mais d’une brutalité et
366 d’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies, d’ une classique sobriété mais d’une brutalité et d’une ironie romantique
367 es trois tragédies, d’une classique sobriété mais d’ une brutalité et d’une ironie romantiques, laisse la même impression d
368 d’une classique sobriété mais d’une brutalité et d’ une ironie romantiques, laisse la même impression de grandeur désolée
369 une ironie romantiques, laisse la même impression de grandeur désolée qu’un Greco. Mais il n’y a pas les couleurs, ni l’am
370 urs, ni l’amère volupté des formes. Une sensation de barre d’acier sur la nuque. j. « Miguel de Unamuno : Trois nouvelle
371 ’amère volupté des formes. Une sensation de barre d’ acier sur la nuque. j. « Miguel de Unamuno : Trois nouvelles exempla
372 nouvelles exemplaires et un prologue. Traduction de Jean Cassou et Mathilde Pomès (Édition du Sagittaire, Paris) », Bibli
373 aire, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1164.
12 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française (octobre 1925)
374 Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française (octobre 1925)k Peut-être n’est-il pas trop ta
375 -être n’est-il pas trop tard pour parler du Vinet de M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’il vient d’ajouter à sa grand
376 s trop tard pour parler du Vinet de M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’il vient d’ajouter à sa grande étude sur les r
377 M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’il vient d’ ajouter à sa grande étude sur les rapports du christianisme et du roma
378 tique un témoin dont le jugement eut « l’autorité d’ un verdict essentiellement chrétien sur le mysticisme naturiste ». Il
379 l’œuvre du penseur vaudois la substance originale de la plupart des idées dont lui-même s’est fait le moderne champion. Po
380 le Vinet juge des romantiques, il n’a pas eu trop de peine à l’annexer à son propre corps de doctrines critiques. Dirai-je
381 s eu trop de peine à l’annexer à son propre corps de doctrines critiques. Dirai-je pourtant que je crains qu’il n’ait été
382 ue inconsciemment, à gauchir légèrement la pensée de Vinet pour lui ajuster sa terminologie particulière ? Mais par ailleu
383 ais par ailleurs Vinet déborde le « sellièrisme » de tout son mysticisme protestant. Et cela n’est pas sans gêner M. Seill
384 ithète ». Croit-il éluder ainsi le protestantisme de Vinet ? Ne voit-il pas que rien n’est plus protestant qu’une telle at
385 nt qu’une telle attitude ? Mais ces réserves sont de peu d’importance si l’on songe au service que M. Seillière nous rend
386 ne telle attitude ? Mais ces réserves sont de peu d’ importance si l’on songe au service que M. Seillière nous rend en réin
387 s sa position purement chrétienne — un mysticisme de cadre solidement moral, c’est-à-dire rationnel, dit M. Seillière — me
388 lière — me paraît infiniment plus forte que celle d’ un Maurras ou que celle d’un Maritain. Son unité est plus réellement p
389 nt plus forte que celle d’un Maurras ou que celle d’ un Maritain. Son unité est plus réellement profonde, son point d’appui
390 Son unité est plus réellement profonde, son point d’ appui plus central. Pour notre époque déchirée entre un thomisme et un
391 tre nouveau mal du siècle, il n’est peut-être pas de pensée plus vivante, ni de plus tonique que celle de ce « Pascal prot
392 pensée plus vivante, ni de plus tonique que celle de ce « Pascal protestant ». k. « Ernest Seillière : Alexandre Vinet,
393 . « Ernest Seillière : Alexandre Vinet, historien de la pensée française (Payot) », Bibliothèque universelle et Revue de G
394 aise (Payot) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, octobre 1925, p. 1797-1798.
13 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Gravitations (décembre 1925)
395 e et la mort « où se reflète le passage incessant d’ oiseaux de la mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait des signes
396 rt « où se reflète le passage incessant d’oiseaux de la mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait des signes solennels 
397 ité qui n’est pas familière. C’est bien la poésie d’ une époque tourmentée dans sa profondeur, mais qui se penche sans vert
398 se penche sans vertige sur ses abîmes. Simplicité de notre temps ! Au-dessus de la trépidation immense des machines, un Sa
399 ses abîmes. Simplicité de notre temps ! Au-dessus de la trépidation immense des machines, un Saint-John-Perse, un Supervie
400 -John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots de tous les jours aux vivants et aux morts : Mère, je sais très mal comm
401 mbler un sourire ». Comme Max Jacob il lui arrive de situer une anecdote purement poétique dans un monde qu’il s’est créé.
402 pourtant l’autel et le surréalisme l’ont enrichie d’ images…). Je cite des noms : y a-t-il influence ou seulement co-généra
403 lité se retrouve dans la manière dont ils tentent de fuir l’inquiétude où ils baignent. Celui-ci vient à peine de quitter
404 J’avoue que l’univers intérieur où il lui arrive de graviter me trouble mieux que son lyrisme cosmique. On est plus près
405 me cosmique. On est plus près de l’infini au fond de soi qu’au fond du ciel. l. « Jules Supervielle : Gravitations (NRF,
406 (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1925, p. 1560.
14 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Simone Téry, L’Île des bardes (décembre 1925)
407 raine offre un spectacle bien passionnant : celui de la renaissance d’une littérature nationale à la fois cause et effet d
408 ctacle bien passionnant : celui de la renaissance d’ une littérature nationale à la fois cause et effet de la libération po
409 ne littérature nationale à la fois cause et effet de la libération politique. Cause, puisque pour mener à chef cette libér
410 n, un Yeats, un A.E., bien d’autres, ont su payer de leur personne. Effet, puisque l’héroïsme d’une révolution en faveur d
411 payer de leur personne. Effet, puisque l’héroïsme d’ une révolution en faveur du passé, révolution tout de même, ne pouvait
412 ne pouvait produire qu’une littérature très neuve de forme et traditionaliste d’inspiration, comme fut celle des Yeats, Sy
413 ittérature très neuve de forme et traditionaliste d’ inspiration, comme fut celle des Yeats, Synge, Joyce même… Trois noms
414 Joyce même… Trois noms qui permettent, je crois, de parler d’un grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ailleurs Mll
415 e… Trois noms qui permettent, je crois, de parler d’ un grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ailleurs Mlle Simone T
416 et conserver dans l’admiration son sens critique de Parisienne. C’est une sympathie malicieuse qui anime ses amusants por
417 res parfois un peu copieux ; mais elle a la vertu de rendre contagieuse la curiosité de l’auteur à l’endroit de cette âme
418 lle a la vertu de rendre contagieuse la curiosité de l’auteur à l’endroit de cette âme irlandaise en laquelle s’allient un
419 rion, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1925, p. 1567.
15 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Hugh Walpole, La Cité secrète (décembre 1925)
420 Révolution russe va-t-elle usurper dans le roman d’ aventures le rôle de la mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orl
421 -t-elle usurper dans le roman d’aventures le rôle de la mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orlan, un Kessel ont do
422 écumeurs ? Déjà un Mac Orlan, un Kessel ont donné de beaux exemples du parti que peut tirer le nouveau romantisme de ce ch
423 les du parti que peut tirer le nouveau romantisme de ce chaos. Salmon a même tenté d’en écrire l’épopée dans Prikaz, cette
424 uveau romantisme de ce chaos. Salmon a même tenté d’ en écrire l’épopée dans Prikaz, cette traduction française de l’énorme
425 l’épopée dans Prikaz, cette traduction française de l’énorme cri de délivrance du peuple fou. Belles étincelles échappées
426 rikaz, cette traduction française de l’énorme cri de délivrance du peuple fou. Belles étincelles échappées d’un brasier. P
427 vrance du peuple fou. Belles étincelles échappées d’ un brasier. Pour les causes de l’incendie, voir Dostoïevski. M. Walpol
428 tincelles échappées d’un brasier. Pour les causes de l’incendie, voir Dostoïevski. M. Walpole, lui, commence son roman que
429 t plus riche pouvait-on rêver pour un psychologue de la puissance de Walpole, que l’âme russe — cette âme russe qui pour l
430 vait-on rêver pour un psychologue de la puissance de Walpole, que l’âme russe — cette âme russe qui pour le Parisien reste
431 vu la Révolution sans romantisme, dans le détail de la vie d’une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante d
432 olution sans romantisme, dans le détail de la vie d’ une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante de millions
433 . Il sait qu’un grand mouvement est la résultante de millions de petits. Voici naître la révolution dans un cœur, puis dan
434 ’un grand mouvement est la résultante de millions de petits. Voici naître la révolution dans un cœur, puis dans une famill
435 bouleversement accompli dans la « Cité secrète » de la vie privée, quelques regards sur la foule suffisent pour en précis
436 mêlés au drame. M. Walpole leur a dévolu le soin d’ entrer tantôt dans un foyer, tantôt dans une église, pour constater qu
437 trement que les individus. L’auteur, qui est l’un de ces Anglais, tombe malade avec à-propos et perd connaissance chaque f
438  », d’ailleurs assez peu choquants, que le revers de grandes qualités de réalisation d’idées en faits ou en situations dra
439 peu choquants, que le revers de grandes qualités de réalisation d’idées en faits ou en situations dramatiques. Je donnera
440 que le revers de grandes qualités de réalisation d’ idées en faits ou en situations dramatiques. Je donnerai tous les essa
441 tuations dramatiques. Je donnerai tous les essais de M. de Voguë sur l’âme slave pour deux ou trois scènes de La Cité secr
442 e Voguë sur l’âme slave pour deux ou trois scènes de La Cité secrète. Pour celle-ci par exemple (caché dans un réduit, Mar
443 ière sa vitre, tremblait si fort qu’il avait peur de trébucher et de faire du bruit. Il songea : — C’est la fin pour moi.
444 remblait si fort qu’il avait peur de trébucher et de faire du bruit. Il songea : — C’est la fin pour moi. Puis : — Quelle
445 russe : mais des possibilités, à chaque instant, d’ explosion. Le géant russe est un enfant : va-t-il rire, va-t-il pleure
446 ne le dit pas. Mais ses personnages le suggèrent de toute la force du trouble qu’ils créent en nous : Markovitch par exem
447 rrin, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1925, p. 1567-1568.
16 1926, Articles divers (1924–1930). Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)
448 Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)c M. René Guisan, pro
449 » (2 février 1926)c M. René Guisan, professeur de théologie à Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de phil
450 , professeur de théologie à Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula
451 de théologie à Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, devant un
452 Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, devant un très nombreux pu
453 que nous promet le groupe neuchâtelois des « Amis de la pensée protestante ». M. Guisan avait choisi un sujet qui permet d
454 nte ». M. Guisan avait choisi un sujet qui permet de façon particulièrement frappante la comparaison des points de vue cat
455 oints de vue catholique et protestant : la notion de « Saint » et son évolution au cours des siècles. Primitivement, le Sa
456 u’il serve. Mais très vite on étend l’appellation de saint à ceux qui par leur élévation morale ou leurs souffrances sembl
457 cutée, le martyre devient le signe par excellence de la sainteté. Le peuple, encore païen, voit dans la vénération des pèl
458 t dans la vénération des pèlerins pour les tombes de leurs saints une forme d’adoration de dieux protecteurs. Cette croyan
459 èlerins pour les tombes de leurs saints une forme d’ adoration de dieux protecteurs. Cette croyance se répand, favorisée pa
460 les tombes de leurs saints une forme d’adoration de dieux protecteurs. Cette croyance se répand, favorisée par la souples
461 orisée par la souplesse dont fait preuve l’Église d’ alors quand il s’agit d’adapter des traditions antiques au dogme en fo
462 dont fait preuve l’Église d’alors quand il s’agit d’ adapter des traditions antiques au dogme en formation. Au Moyen Âge l’
463 On spécialise les « compétences » des saints, ou de leurs reliques qui se multiplient prodigieusement. Alors éclate la pr
464 ent prodigieusement. Alors éclate la protestation de la Réforme. Honorons les saints pour l’exemple de leur vie : mais Chr
465 de la Réforme. Honorons les saints pour l’exemple de leur vie : mais Christ est le seul médiateur à qui doit s’adresser le
466 sser le culte, en son cœur, du croyant. Le centre de gravité religieux est replacé en Christ. — Comment l’Église catholiqu
467 e là nous juger ? Les catholiques nous reprochent d’ avoir méconnu l’élément de grandeur morale que les saints maintiennent
468 oliques nous reprochent d’avoir méconnu l’élément de grandeur morale que les saints maintiennent dans l’Église. M. Guisan
469 se. M. Guisan va très loin dans ses concessions à de telles critiques. Mais c’est pour affirmer avec d’autant plus de forc
470 e telles critiques. Mais c’est pour affirmer avec d’ autant plus de force que « en situant tout le devoir chrétien dans l’a
471 ques. Mais c’est pour affirmer avec d’autant plus de force que « en situant tout le devoir chrétien dans l’accomplissement
472 ns l’accomplissement scrupuleux, joyeux et fidèle de la vocation, le protestantisme affirme qu’il existe divers ordres de
473 protestantisme affirme qu’il existe divers ordres de sainteté ». Cette mère qui s’est sacrifiée aux siens, n’était-ce pas
474 missionnaire et cette diaconesse ? S’il n’y a pas de saints protestants, il existe des saints dans le protestantisme. Mais
475 saints dans le protestantisme. Mais il n’est pas de fin aux œuvres de Dieu. La sainteté parfaite ne commence qu’aux limit
476 otestantisme. Mais il n’est pas de fin aux œuvres de Dieu. La sainteté parfaite ne commence qu’aux limites les plus hautes
477 rfaite ne commence qu’aux limites les plus hautes de la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister de saint véritable. Il n’y
478 tes de la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister de saint véritable. Il n’y a pas de saints, mais il faut être parfait. T
479 ne peut exister de saint véritable. Il n’y a pas de saints, mais il faut être parfait. Tel est l’enseignement de Jésus, t
480 mais il faut être parfait. Tel est l’enseignement de Jésus, telle est la pensée qu’a voulu restaurer le protestantisme. La
481 manque pour louer comme il conviendrait la clarté d’ un exposé solidement documenté, et le scrupule d’historien et de chrét
482 d’un exposé solidement documenté, et le scrupule d’ historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de
483 lidement documenté, et le scrupule d’historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de vue adverse av
484 d’historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de vue adverse avec autant de compréhension et de sy
485 an de montrer le point de vue adverse avec autant de compréhension et de sympathie que le sien propre. Cela donne à ses co
486 nt de vue adverse avec autant de compréhension et de sympathie que le sien propre. Cela donne à ses conclusions cette sécu
487 danger lorsqu’il n’est, comme ici, que la loyauté d’ un esprit animé par une foi agissante. c. « Conférence Guisan », Sui
17 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Adieu, beau désordre… (mars 1926)
488 ible ou désirable subissent cette rage désespérée de course pure, vers ailleurs, vers autre chose. À certains signes — dém
489 s, vers autre chose. À certains signes — démences de fatigués, prophétismes, excessives lassitudes ou faim de violences —
490 gués, prophétismes, excessives lassitudes ou faim de violences — on sent l’approche de quelque chose, catastrophe ou révél
491 situdes ou faim de violences — on sent l’approche de quelque chose, catastrophe ou révélation, brusque échappée sur des pa
492 la ruine. Mais certes, il est temps qu’une lueur de conscience inquiète quelques chefs, montre à quelques meneurs aveugle
493 uelques chefs, montre à quelques meneurs aveugles d’ une société affolée et ridiculement opportuniste où mène la pente de n
494 lée et ridiculement opportuniste où mène la pente de notre civilisation. Meneurs et chefs : des économistes, des financier
495 jouerait aussi bien, aussi mal. Quant aux meneurs de l’opinion publique, il est trop tard pour les éduquer, il faudrait ba
496 , quelques autres, sont parmi les plus conscients de ce temps ; mais si l’on songe aux bataillons de pâles opportunistes s
497 s de ce temps ; mais si l’on songe aux bataillons de pâles opportunistes sans culture qui se chargent de gaver les masses
498 pâles opportunistes sans culture qui se chargent de gaver les masses du pain quotidien de la bêtise de tous les partis, o
499 se chargent de gaver les masses du pain quotidien de la bêtise de tous les partis, on comprendra ce que je veux dire. Il f
500 e gaver les masses du pain quotidien de la bêtise de tous les partis, on comprendra ce que je veux dire. Il faudrait balay
501 velles. Toute la jeune littérature décrit un type d’ homme profondément antisocial, glorifie une morale résolument anarchis
502 nque une certitude foncière, une foi en la valeur de l’action. C’est pourquoi ils ne peuvent prétendre à l’action sociale
503 ’est aussi pourquoi l’on ne saurait accorder trop d’ importance à leurs tentatives morales, si singulières soient-elles — d
504 le témoin souvent sceptique ou railleur. Au cœur de la crise de notre civilisation, il y a un problème de morale à résoud
505 ouvent sceptique ou railleur. Au cœur de la crise de notre civilisation, il y a un problème de morale à résoudre, une cons
506 a crise de notre civilisation, il y a un problème de morale à résoudre, une conscience individuelle à recréer. Nous y empl
507 oyer, pour l’heure, c’est la seule façon efficace de servir. ⁂ On se complaît à répéter que nous vivons dans le chaos des
508 des idées et des doctrines, et qu’il n’existe pas d’ esprit du siècle, hors un certain « confusionnisme ». Mais sous les ép
509 certain « confusionnisme ». Mais sous les épaves de tous les vieux bateaux, il y a une seule mer. Nos agitations contradi
510 es vagues soulevées par une même tempête. L’unité de notre temps est en profondeur : c’est une unité d’inquiétude. Barrès
511 e notre temps est en profondeur : c’est une unité d’ inquiétude. Barrès et Gide : ils ont construit des édifices très diffé
512  : ils ont construit des édifices très différents de style, et dont les façades s’opposent avec hostilité. Dans l’intérieu
513 maisons pourtant se débattent les mêmes brouilles de famille entre Art et Morale, Pensée et Action… Ces deux moralistes ad
514 ssent bien les ancêtres des nouvelles générations de héros de roman, lesquels sont tous éperdument égoïstes. Égoïstes avec
515 n les ancêtres des nouvelles générations de héros de roman, lesquels sont tous éperdument égoïstes. Égoïstes avec une prof
516 profonde conviction ; par vertu. Ce qui n’a rien d’ étonnant : ils ne sont que les projections du moi de leurs auteurs. Or
517 étonnant : ils ne sont que les projections du moi de leurs auteurs. Or l’égoïsme est vertu cardinale pour le créateur. Mai
518 r le créateur. Mais quel est ce besoin si général de s’incarner, dans le héros de son roman, de se voir vivre, dans son œu
519 ce besoin si général de s’incarner, dans le héros de son roman, de se voir vivre, dans son œuvre ? C’est ici la conception
520 énéral de s’incarner, dans le héros de son roman, de se voir vivre, dans son œuvre ? C’est ici la conception même de la li
521 re, dans son œuvre ? C’est ici la conception même de la littérature, telle qu’elle apparaît chez les émules de Barrès comm
522 ttérature, telle qu’elle apparaît chez les émules de Barrès comme chez ceux de Gide, qu’il faut préciser. L’éthique et l’e
523 pparaît chez les émules de Barrès comme chez ceux de Gide, qu’il faut préciser. L’éthique et l’esthétique convergent dans
524 ue et l’esthétique convergent dans la littérature d’ aujourd’hui, et plusieurs déjà reconnaissent ne pas pouvoir les sépare
525 neuves, — pour le libérer. Il n’est pas question de rechercher ici les origines historiques d’une conception qui, de plus
526 estion de rechercher ici les origines historiques d’ une conception qui, de plus en plus, se révèle à la base de tous les p
527 ception qui, de plus en plus, se révèle à la base de tous les problèmes modernes en littérature. Jacques Rivière s’y appli
528 littérature. Jacques Rivière s’y appliqua dans un de ses derniers articles2. Il rendait responsable de tout le « mal », le
529 de ses derniers articles2. Il rendait responsable de tout le « mal », le romantisme — et c’est plus que probable. Mais il
530 e probable. Mais il en tirait une raison nouvelle de le condamner, et nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain de
531 nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain de dire qu’une époque s’est trompée, puisqu’elle seule permet la suivant
532 ivante qui peut-être retrouvera une nouvelle face de la vérité. Bornons-nous à noter le phénomène, puis à en suivre quelqu
533 conséquences. Connaissance intégrale et culture de soi, telle peut être l’épigraphe de toute la littérature moderne. Il
534 le et culture de soi, telle peut être l’épigraphe de toute la littérature moderne. Il n’a pas fallu longtemps aux Français
535 des combinaisons possibles. Exaltation méthodique de nos facultés de plaisir : déjà nous en sommes à cultiver certaines do
536 possibles. Exaltation méthodique de nos facultés de plaisir : déjà nous en sommes à cultiver certaines douleurs, plaisirs
537 les dissonances les plus aiguës prennent la place d’ honneur dans des esthétiques construites en hâte à l’usage de sensibil
538 ans des esthétiques construites en hâte à l’usage de sensibilités surmenées. Dégoût, parce que tout a été essayé. Dégoût,
539 chose, contre soi, contre une difficulté.) Dégoût de la vie, dégoût du bonheur, dégoût de soi, — on l’étend vite à la soci
540 lté.) Dégoût de la vie, dégoût du bonheur, dégoût de soi, — on l’étend vite à la société entière. Dégoût d’une civilisatio
541 i, — on l’étend vite à la société entière. Dégoût d’ une civilisation qui aboutit logiquement à cet épuisant et forcené gas
542 nous avons un corps, et c’est très beau, Breton, de crier « Révolution toujours » — tant qu’il y a des gens pour vous fai
543 vous faire du pain ; et c’est très beau, Aragon, de ne plus rien attendre du monde, mais on voudrait que de moins de glor
544 plus rien attendre du monde, mais on voudrait que de moins de gloriole s’accompagnât votre ultimatum à Dieu. Mais, secouan
545 attendre du monde, mais on voudrait que de moins de gloriole s’accompagnât votre ultimatum à Dieu. Mais, secouant son dég
546 violence. Une sensualité moins énervée lui permet de brutaliser quelque peu les « grands problèmes », et le voilà reparti
547 reparti dans un égoïsme triomphant, pur du désir d’ action qui empêtrait Barrès dans des dilemmes où l’art trouvait mal sa
548 ence et le désespoir (c’est l’amour), et, déchiré de contradictions, tire du désordre de ses certitudes fragmentaires la m
549 , et, déchiré de contradictions, tire du désordre de ses certitudes fragmentaires la matière de quelques pamphlets par quo
550 sordre de ses certitudes fragmentaires la matière de quelques pamphlets par quoi il se raccroche au monde. Mais il a touch
551 che au monde. Mais il a touché certains bas-fonds de l’âme où s’éveille un désenchantement qui l’amène au besoin d’une mys
552 ’éveille un désenchantement qui l’amène au besoin d’ une mystique. Et pour finir, l’un des derniers venus, Marcel Arland, —
553 même désenchantement précoce, sans la brusquerie de ses aînés. Encore un qui s’est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au
554 ’est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au point d’ y percevoir comme un appel du Dieu perdu. Il avoue enfin la cause secr
555 cause secrète des inquiétudes modernes : la perte d’ une foi. Il a besoin de Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : «
556 études modernes : la perte d’une foi. Il a besoin de Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : « C’est peut-être que je
557 ncérité si voulue qu’elle va parfois à l’encontre de son dessein. ⁂ Décidément nous sommes malades dans les profondeurs. E
558 lus incurable. Ces jeunes gens n’en finissent pas de peindre leur déséquilibre. Il serait temps de faire la critique des m
559 pas de peindre leur déséquilibre. Il serait temps de faire la critique des méthodes et des façons de vivre autant que de p
560 s de faire la critique des méthodes et des façons de vivre autant que de penser qui les ont amenés aux positions qu’on vie
561 ue des méthodes et des façons de vivre autant que de penser qui les ont amenés aux positions qu’on vient d’esquisser. Mais
562 nser qui les ont amenés aux positions qu’on vient d’ esquisser. Mais on trouve tout dans les livres des jeunes, dites-vous,
563 tachée à chercher dans le seul moi les fondements d’ une éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’une morale qui « d
564 une éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’ une morale qui « déforme », qui mutile une tendance naturelle, qui éla
565 ague, qui opère un choix parmi les éléments mêlés de la personnalité. Toute tendance qu’ils découvrent en eux est non seul
566 à leurs yeux, mais « tabou » ; et c’est vertu que de favoriser son expansion. — Mais je trouve en moi ordre et désordre, r
567 l’emportent, il est plus facile et plus enivrant de se laisser glisser que de construire. Et l’on y prend vite goût. Cel
568 facile et plus enivrant de se laisser glisser que de construire. Et l’on y prend vite goût. Cela tourne alors en passion
569 y prend vite goût. Cela tourne alors en passion de détruire, en haine de toute stabilité, de toute forme. Attitude parfa
570 ela tourne alors en passion de détruire, en haine de toute stabilité, de toute forme. Attitude parfaitement folle, mais c’
571 passion de détruire, en haine de toute stabilité, de toute forme. Attitude parfaitement folle, mais c’est justement de quo
572 Attitude parfaitement folle, mais c’est justement de quoi se glorifient ses tenants, ils y voient la suprême liberté. Le d
573 la suprême liberté. Le désir se précisait en moi de commettre enfin l’acte vraiment indéfendable de tout point de vue… J’
574 i de commettre enfin l’acte vraiment indéfendable de tout point de vue… J’avais goûté à l’alcool singulièrement perfide de
575 … J’avais goûté à l’alcool singulièrement perfide de perdre ce que nous chérissons… Nous apprîmes à mépriser les longues v
576 ’alors enviées, et une nuit, nous fîmes le procès de toutes les jouissances humaines. L’espèce de sincérité terroriste dan
577 ocès de toutes les jouissances humaines. L’espèce de sincérité terroriste dans laquelle nous nous obstinions nous menait n
578 urellement à repousser avec horreur tout argument d’ utilité, et bien que nous niions toute vérité, nous étions dominés par
579 ons toute vérité, nous étions dominés par le sens d’ une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au
580 que certains d’entre nous eussent acheté au prix d’ un martyre… Cette lassitude facile à juger du dehors n’était pas ce qu
581 aît inutile et vain ? Je cite ces phrases, tirées d’ un récit d’ailleurs admirable4, de Louis Aragon, pour marquer l’abouti
582 phrases, tirées d’un récit d’ailleurs admirable4, de Louis Aragon, pour marquer l’aboutissement d’une évolution qui a son
583 e4, de Louis Aragon, pour marquer l’aboutissement d’ une évolution qui a son origine dans l’œuvre de Gide. Entre les Nourri
584 nt d’une évolution qui a son origine dans l’œuvre de Gide. Entre les Nourritures terrestres, les Caves du Vatican et Dada,
585 ican et Dada, il y a place pour tous les chaînons d’ inquiétude, de malaises, de révoltes plus ou moins complètes au gré de
586 il y a place pour tous les chaînons d’inquiétude, de malaises, de révoltes plus ou moins complètes au gré des tempéraments
587 pour tous les chaînons d’inquiétude, de malaises, de révoltes plus ou moins complètes au gré des tempéraments. Le geste de
588 moins complètes au gré des tempéraments. Le geste de Lafcadio généralisé : c’est le surréalisme. De l’acte gratuit commis
589 te de Lafcadio généralisé : c’est le surréalisme. De l’acte gratuit commis par un héros de roman, à la vie gratuite que pr
590 urréalisme. De l’acte gratuit commis par un héros de roman, à la vie gratuite que prétendent mener les surréalistes, il n’
591 alistes, il n’a fallu que le temps pour une folie de s’emballer. La plupart des romans de jeunes qui se situent entre Gide
592 ur une folie de s’emballer. La plupart des romans de jeunes qui se situent entre Gide et Aragon nous montrent le même pers
593 me personnage : un être sans foi, à qui une sorte de « sincérité » interdit de commettre aucun acte volontaire et raisonné
594 ns foi, à qui une sorte de « sincérité » interdit de commettre aucun acte volontaire et raisonné parce que ce serait fauss
595 l méprise toutes également ; n’attendant rien que de ses impulsions et contemplant avec une lucidité parfois douloureuse s
596 ropres actes dont il s’étonne mais qu’il se garde de juger5. Il y a véritablement une littérature de l’acte gratuit, qui r
597 e de juger5. Il y a véritablement une littérature de l’acte gratuit, qui restera caractéristique de notre époque. Mais Gi
598 re de l’acte gratuit, qui restera caractéristique de notre époque. Mais Gide est responsable d’une autre méthode de cultu
599 tique de notre époque. Mais Gide est responsable d’ une autre méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie »,
600 e. Mais Gide est responsable d’une autre méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie », et qui consiste à po
601 de est responsable d’une autre méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie », et qui consiste à pousser à l’e
602 ponsable d’une autre méthode de culture de soi, «  d’ intensification de la vie », et qui consiste à pousser à l’extrême cer
603 re méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie », et qui consiste à pousser à l’extrême certaines « vertus »,
604 usqu’à l’absurde. Surenchère morale dont le début de la Tentative amoureuse offrait déjà une singulière préfiguration : Ce
605 intes, ni la pudeur, ni le remords, ni le respect de moi ni de mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi d’après-tombe q
606 la pudeur, ni le remords, ni le respect de moi ni de mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi d’après-tombe qui m’empêc
607 ni de mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi d’ après-tombe qui m’empêcheront de joindre ce que je désire ; ni rien —
608 mort, ni l’effroi d’après-tombe qui m’empêcheront de joindre ce que je désire ; ni rien — rien que l’orgueil, sachant une
609 — rien que l’orgueil, sachant une chose si forte, de me sentir plus fort encore et de la vaincre. — Mais la joie d’une si
610 chose si forte, de me sentir plus fort encore et de la vaincre. — Mais la joie d’une si haute victoire — n’est pas si dou
611 plus fort encore et de la vaincre. — Mais la joie d’ une si haute victoire — n’est pas si douce encore, n’est pas si bonne
612 n’est pas si douce encore, n’est pas si bonne que de céder à vous, désirs, et d’être vaincu sans bataille. On voit assez à
613 ’est pas si bonne que de céder à vous, désirs, et d’ être vaincu sans bataille. On voit assez à quel genre de sophismes con
614 vaincu sans bataille. On voit assez à quel genre de sophismes conduit ce mouvement de l’esprit qui n’utilise une borne qu
615 ez à quel genre de sophismes conduit ce mouvement de l’esprit qui n’utilise une borne que pour sauter plus loin. Ainsi, c’
616 un certain immoralisme comme la seule vertu digne d’ une élite. Tel est l’état d’esprit de la plupart de nos jeunes moralis
617 vertu digne d’une élite. Tel est l’état d’esprit de la plupart de nos jeunes moralistes. Le mot de paradoxe serait bien p
618 it de la plupart de nos jeunes moralistes. Le mot de paradoxe serait bien pauvre pour expliquer ce besoin de porter à son
619 adoxe serait bien pauvre pour expliquer ce besoin de porter à son excès toute chose, au-delà de toutes limites. « Il n’y a
620 besoin de porter à son excès toute chose, au-delà de toutes limites. « Il n’y a que les excès qui méritent notre enthousia
621 propre intérêt6… » c’est proprement la perversion d’ une vertu qui se brûle elle-même. Je ne vais point nier la fécondité p
622 Je ne vais point nier la fécondité psychologique d’ une attitude par ailleurs si proche de certain mysticisme. Mais pousse
623 s. Nous ne pensons plus par ensembles7 : symptôme de fatigue. Mais tout cela : dégoût universel, désir de violences, gratu
624 fatigue. Mais tout cela : dégoût universel, désir de violences, gratuité des pensées et des actes, rêves éveillés, tout ce
625 tes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’ une fatigue immense. Nous voyons se fausser le rythme des jours et des
626 tion mécanicienne. (Les machines n’ont pas besoin de sommeil.) La fatigue devient un des éléments les plus importants de n
627 tigue devient un des éléments les plus importants de notre psychologie. Images des surréalistes — ils l’indiquent eux-même
628 calembours, expression métaphorique et symbolique de la pensée : la littérature d’avant-garde est fille de la fatigue. La
629 rique et symbolique de la pensée : la littérature d’ avant-garde est fille de la fatigue. La Muse a trop veillé. L’amour mo
630 a pensée : la littérature d’avant-garde est fille de la fatigue. La Muse a trop veillé. L’amour moderne, nerveux, saugrenu
631 grenu jusqu’au sadisme, trop lucide, est un amour de fatigués (Les Nuits, l’Europe galante, de Morand). La lucidité aiguë
632 n amour de fatigués (Les Nuits, l’Europe galante, de Morand). La lucidité aiguë de nos psychologues est cet état presque i
633 , l’Europe galante, de Morand). La lucidité aiguë de nos psychologues est cet état presque inhumain de celui qui n’a pas d
634 de nos psychologues est cet état presque inhumain de celui qui n’a pas dormi et qui « assiste » à sa vie, à ses sensations
635 art, la fatigue est un des états les plus riches de visions nouvelles, et qui résiste le mieux à l’analyse. Seulement nou
636 ement nous y perdons graduellement l’intelligence de nos instincts, la conscience de nos limites naturelles, tout ce qui s
637 nt l’intelligence de nos instincts, la conscience de nos limites naturelles, tout ce qui servirait de frein à notre glissa
638 de nos limites naturelles, tout ce qui servirait de frein à notre glissade vers des folies. ⁂ Recréer une conscience indi
639 proportions ; rééduquer les instincts du corps et de l’âme ; vouloir une foi… La morale de demain sera en réaction complèt
640 du corps et de l’âme ; vouloir une foi… La morale de demain sera en réaction complète contre celle d’aujourd’hui, parce qu
641 de demain sera en réaction complète contre celle d’ aujourd’hui, parce que nous sommes à bout. Il ne s’agit pas, encore un
642 sommes à bout. Il ne s’agit pas, encore une fois, de renier l’immense effort pour se libérer de l’universelle hypocrisie a
643 fois, de renier l’immense effort pour se libérer de l’universelle hypocrisie accompli par des générations qui ne lèguent
644 ntraire profiter des démonstrations par l’absurde de quelques problèmes moraux et littéraires 8, à quoi beaucoup sacrifièr
645 rent leur jeunesse. (« Nous sommes une génération de cobayes » remarque Paul Morand.) Il faut agir, ou bien être agi. Donn
646 ou se défaire avec elle et dériver vers un Orient d’ oubli — (mais avant de s’y perdre, quelles révolutions, quelles anarch
647 ont compris. Ils sont modestes — ne s’isolant pas de la Société ; ils savent que pour lutter il faut des armes et ne mépri
648 pas la culture ; sans autre parti pris que celui de vivre, c’est-à-dire de construire ; sobres de langage et maîtres de l
649 autre parti pris que celui de vivre, c’est-à-dire de construire ; sobres de langage et maîtres de leurs corps exercés, ils
650 lui de vivre, c’est-à-dire de construire ; sobres de langage et maîtres de leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a de
651 dire de construire ; sobres de langage et maîtres de leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a de pensée valable qu’assu
652 es de leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a de pensée valable qu’assujettie à son objet, qu’il n’y a de liberté que
653 ée valable qu’assujettie à son objet, qu’il n’y a de liberté que dans la soumission aux lois naturelles ; et leur effort e
654 umission aux lois naturelles ; et leur effort est de retrouver ces lois ; ils ne craignent pas de choisir parmi leurs inst
655 est de retrouver ces lois ; ils ne craignent pas de choisir parmi leurs instincts, ni de les améliorer 10. Tout ceci est
656 raignent pas de choisir parmi leurs instincts, ni de les améliorer 10. Tout ceci est assez nouveau. (Après tant de cocktai
657 es se recueillent encore dans l’attente angoissée d’ une révélation et dans la connaissance de leur misère. Pareils à ceux
658 ngoissée d’une révélation et dans la connaissance de leur misère. Pareils à ceux dont Vinet disait qu’ils s’en vont « épia
659 ait qu’ils s’en vont « épiant toutes les émotions de l’âme, et lui multipliant ses douleurs en les lui nommant », ils décr
660 hent, quand viendra le moment, détourner les yeux de leur recherche pour contempler un absolu ; qu’ils osent se faire viol
661 core Vinet, ne voir d’abord que les grands traits de sa nature, ne connaître que les grands mots de la langue morale, suiv
662 ts de sa nature, ne connaître que les grands mots de la langue morale, suivre à l’égard de soi-même la méthode de l’Évangi
663 e morale, suivre à l’égard de soi-même la méthode de l’Évangile qui, prenant à plein poing toutes ces petites misères, en
664 r ce moyen nous met tout d’abord en présence, non de nous-mêmes, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes
665 tout d’abord en présence, non de nous-mêmes, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes qu’ils écrivent des
666 nous-mêmes, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’ exiger des poètes qu’ils écrivent des odes civiques. Mais que nos mora
667 resque tous les jeunes écrivains — se souviennent de penser en fonction du temps présent, soit qu’ils veuillent en amélior
668 le mal qu’ils ont fait et qu’au fond, leur refus d’ agir sur l’époque, c’est une manière d’agir contre elle. 2. « La cris
669 leur refus d’agir sur l’époque, c’est une manière d’ agir contre elle. 2. « La crise du concept de littérature », NRF, 192
670 ère d’agir contre elle. 2. « La crise du concept de littérature », NRF, 1923. 3. « Il s’était développé en nous un goût
671 3. « Il s’était développé en nous un goût furieux de l’expérience humaine. » (Aragon) 4. « Lorsque tout est fini » dans L
672 t est fini » dans Libertinage. (NRF) 5. Détours de René Crevel ; les romans de Philippe Soupault ; l’Incertain de Mauric
673 e. (NRF) 5. Détours de René Crevel ; les romans de Philippe Soupault ; l’Incertain de Maurice Betz ; certains personnage
674 l ; les romans de Philippe Soupault ; l’Incertain de Maurice Betz ; certains personnages d’Arland, de Louis Aragon, de Dri
675 ’Incertain de Maurice Betz ; certains personnages d’ Arland, de Louis Aragon, de Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus
676 de Maurice Betz ; certains personnages d’Arland, de Louis Aragon, de Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus significa
677 ; certains personnages d’Arland, de Louis Aragon, de Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus significatifs. 6. Aragon,
678 nd du romantisme moderne nous empêche secrètement de construire et de nous construire. Jamais l’on ne fut plus loin de l’i
679 moderne nous empêche secrètement de construire et de nous construire. Jamais l’on ne fut plus loin de l’idéal goethéen : a
680 n veut tout cultiver, et en fait l’on se contente d’ une violence, d’un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences
681 iver, et en fait l’on se contente d’une violence, d’ un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires son
682 fait l’on se contente d’une violence, d’un vice, d’ une inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires sont plus dang
683 leurs leurs théories nous ramèneraient vite l’âge de la pierre, à la condition d’homme la plus nue ; la plus éloignée de c
684 èneraient vite l’âge de la pierre, à la condition d’ homme la plus nue ; la plus éloignée de celle qui permet le surréalism
685 condition d’homme la plus nue ; la plus éloignée de celle qui permet le surréalisme. 10. Une équipe d’hommes solides suf
686 celle qui permet le surréalisme. 10. Une équipe d’ hommes solides suffirait à restaurer une élite, efficace. (Je vois Jea
687 e, efficace. (Je vois Jean Prévost, deux ou trois de Philosophies, des Cahiers du Mois, et peut-être Drieu la Rochelle, s’
688 t la morale) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mars 1926, p. 311-319.
18 1926, Articles divers (1924–1930). Conférences d’Aubonne (7 avril 1926)
689 Conférences d’ Aubonne (7 avril 1926)d Pour la première fois cette année, les conf
690 our la première fois cette année, les conférences de l’Association chrétienne d’étudiants eurent lieu au printemps, et non
691 nnée, les conférences de l’Association chrétienne d’ étudiants eurent lieu au printemps, et non plus à Sainte-Croix, mais à
692 ein succès a répondu à cette innovation. Le sujet de la première partie des conférences, les Objections des intellectuels
693 psychanalyste distingué, qui se fit avec beaucoup d’ intelligence l’avocat du diable, en montrant que tous les faits religi
694 ation scientifique. C’est donc à la seule volonté de choisir. M. le pasteur Bertrand de Lyon, répondit en exposant les exi
695 trand de Lyon, répondit en exposant les exigences de l’Évangile en face de la pensée moderne, et fut impressionnant de vig
696 face de la pensée moderne, et fut impressionnant de vigueur dialectique et de largeur d’idées. Une soirée consacrée à la
697 , et fut impressionnant de vigueur dialectique et de largeur d’idées. Une soirée consacrée à la fédération vint interrompr
698 pressionnant de vigueur dialectique et de largeur d’ idées. Une soirée consacrée à la fédération vint interrompre les discu
699 ovoquées par ces deux travaux. Avec la conférence de M. Jean Cadier, un jeune pasteur français, on descendit — ou l’on mon
700 it — ou l’on monta suivant M. A. Léo — du domaine de la pensée pure dans celui de l’action. M. Cadier montra le conflit de
701 A. Léo — du domaine de la pensée pure dans celui de l’action. M. Cadier montra le conflit de la théologie moderne avec l’
702 ns celui de l’action. M. Cadier montra le conflit de la théologie moderne avec l’action religieuse en s’appuyant sur des e
703 yant sur des expériences faites pendant le réveil de la Drôme, dont il est l’un des artisans les plus actifs. Pour remplac
704 une causerie émouvante sur l’Évolution religieuse de Jacques Rivière, qui se trouva préciser bien des points laissés en su
705 points laissés en suspens dans la première partie de la conférence. Puis M. A. Brémond, étudiant en théologie, présenta de
706 nd, étudiant en théologie, présenta deux ouvriers de Paris, Clerville et Janson, dont il a eu l’occasion de partager les c
707 ris, Clerville et Janson, dont il a eu l’occasion de partager les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un de la Réali
708 ont il a eu l’occasion de partager les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre d
709 les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre de la Mentalité prolétarienne. Brém
710 rlèrent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre de la Mentalité prolétarienne. Brémond conclut en montrant la nécessité
711 nclut en montrant la nécessité et les difficultés d’ une action missionnaire dans ces milieux, comme M. Terrisse l’avait fa
712 risse l’avait fait le soir avant pour les milieux d’ ouvriers noirs au Cap. Sans toucher à des questions de partis, avec un
713 vriers noirs au Cap. Sans toucher à des questions de partis, avec une passion contenue d’hommes qui ont vu, qui ont souffe
714 es questions de partis, avec une passion contenue d’ hommes qui ont vu, qui ont souffert, et qui ne se payent plus de mots
715 nt vu, qui ont souffert, et qui ne se payent plus de mots ni d’utopies, Clerville, Janson et Brémond ont su arracher leurs
716 ont souffert, et qui ne se payent plus de mots ni d’ utopies, Clerville, Janson et Brémond ont su arracher leurs auditeurs
717 Janson et Brémond ont su arracher leurs auditeurs de leur lit de préjugés pour les placer véritablement en face de la « ré
718 émond ont su arracher leurs auditeurs de leur lit de préjugés pour les placer véritablement en face de la « réalité prolét
719 que nous voulons, c’est élever l’homme au-dessus de la plus dégradante condition, et nous n’y arriverons que par un trava
720 dition, et nous n’y arriverons que par un travail d’ éducation lent et souvent dangereux. Vous, étudiants, venez à nous pou
721 s écopons, tant pis. » Cinq conférences et autant de cultes en trois jours, cela peut paraître excessif à qui n’a pas conn
722 que. Chacun dit ce qu’il pense sans se préoccuper d’ être bien pensant et les Romands recouvrent l’usage de la parole, puis
723 re bien pensant et les Romands recouvrent l’usage de la parole, puis on va se dégourdir sur un ballon ou bien l’on poursui
724 anquier et un philosophe au milieu d’une centaine d’ étudiants et de professeurs suisses et français. Miracle qui nous fit
725 hilosophe au milieu d’une centaine d’étudiants et de professeurs suisses et français. Miracle qui nous fit croire un insta
726 ui nous fit croire un instant à la fameuse devise de la Révolution. d. « Conférences d’Aubonne », Suisse libérale, Neuch
727 meuse devise de la Révolution. d. « Conférences d’ Aubonne », Suisse libérale, Neuchâtel, n° 78, 7 avril 1926, p. 2. Sign
19 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Jean Jouve, Paulina 1880 (avril 1926)
728 (avril 1926)p Au creux des couleurs assourdies d’ un divan le soir, tandis que les fenêtres s’ouvraient vers le ciel de
729 tandis que les fenêtres s’ouvraient vers le ciel de Florence… « Du sang, de la volupté et de la mort », un titre s’effaça
730 s’ouvraient vers le ciel de Florence… « Du sang, de la volupté et de la mort », un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a
731 le ciel de Florence… « Du sang, de la volupté et de la mort », un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoir
732 ’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoire de passion mystique et de crime, intense et tragique comme un couchant d
733 Jouve a rêvé une histoire de passion mystique et de crime, intense et tragique comme un couchant d’automne, émouvante enc
734 t de crime, intense et tragique comme un couchant d’ automne, émouvante encore après tant d’autres, comme chaque soir un no
735 te en brèves notations lyriques suivant le rythme d’ un songe, sans cesse brisé par les élans alternés ou confondus du dési
736 é par les élans alternés ou confondus du désir et de la prière. On sort lentement d’une chambre bleue qui est le mystère m
737 ondus du désir et de la prière. On sort lentement d’ une chambre bleue qui est le mystère même, pour suivre la naissance et
738 e même, pour suivre la naissance et l’embrasement de la passion de Paulina. Le Péché ; le Couvent ; la rechute et le crime
739 uivre la naissance et l’embrasement de la passion de Paulina. Le Péché ; le Couvent ; la rechute et le crime ; et l’étrang
740 la rechute et le crime ; et l’étrange apaisement d’ une vieillesse au soleil. Jouve semble avoir hésité entre plusieurs st
741 Jouve semble avoir hésité entre plusieurs styles de roman. Un chapitre d’observation psychologique ironique et minutieuse
742 sité entre plusieurs styles de roman. Un chapitre d’ observation psychologique ironique et minutieuse, à la Stendhal, succè
743 me lyrisme et s’agite sur un fond sombre et riche de passions inconscientes qui donnent à tous les actes une signification
744 une signification plus profonde. (Il serait aisé de montrer quel parti Jouve a su tirer des complexes de famille freudien
745 montrer quel parti Jouve a su tirer des complexes de famille freudiens, ou d’analyses de démences mystiques ; mais tout ce
746 a su tirer des complexes de famille freudiens, ou d’ analyses de démences mystiques ; mais tout cela est sublimé dans un mo
747 des complexes de famille freudiens, ou d’analyses de démences mystiques ; mais tout cela est sublimé dans un monde poétiqu
748 é dans un monde poétique où il paraît inconvenant d’ introduire le jargon de la science moderne.) Si nous reconnaissons à l
749 e où il paraît inconvenant d’introduire le jargon de la science moderne.) Si nous reconnaissons à la base de cette œuvre i
750 science moderne.) Si nous reconnaissons à la base de cette œuvre inégale des idées vieilles comme Rousseau sur les droits
751 des idées vieilles comme Rousseau sur les droits de la passion, — et dans sa trame quelques chapitres inspirés presque li
752 quelques chapitres inspirés presque littéralement d’ une anecdote italienne de Stendhal ; si d’autre part l’évolution mysti
753 és presque littéralement d’une anecdote italienne de Stendhal ; si d’autre part l’évolution mystique de Paulina semble par
754 e Stendhal ; si d’autre part l’évolution mystique de Paulina semble parfois un peu trop « classique » et prévue, l’origina
755 ique » et prévue, l’originalité foncière du roman de Jouve reste indéniable : c’est son mouvement purement lyrique, sa pro
756 énements inconscients. Certaines proses mystiques de Paulina au couvent valent les meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiqu
757 de Paulina au couvent valent les meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. « Pierre Jean
758 u couvent valent les meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. « Pierre Jean Jouve : Paul
759 les meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. « Pierre Jean Jouve : Paulina 1880 (NRF, P
760 (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, avril 1926, p. 530-531.
20 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alix de Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)
761 Alix de Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)q Un artiste de grand talent à qui la guerre
762 La Folie de l’espace (avril 1926)q Un artiste de grand talent à qui la guerre a fait perdre le goût des théories d’éco
763 qui la guerre a fait perdre le goût des théories d’ écoles et de quelques autres plaisirs pour civils : mettez-le aux pris
764 re a fait perdre le goût des théories d’écoles et de quelques autres plaisirs pour civils : mettez-le aux prises avec une
765 principes. Voilà, n’est-ce pas, un amusant sujet de conte moral, avec ses personnages un peu conventionnels et l’invraise
766 onventionnels et l’invraisemblance assez piquante de ses péripéties. Quel dommage que l’auteur l’ait alourdi d’une idéolog
767 ripéties. Quel dommage que l’auteur l’ait alourdi d’ une idéologie, souvent plus généreuse que neuve, et qui eût gagné à êt
768 se en action plutôt qu’en commentaires. Le talent de Mme de Watteville paraît mieux à l’aise dans la description du milieu
769 cription du milieu patricien que dans la création d’ un caractère de grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne l
770 ieu patricien que dans la création d’un caractère de grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne lira pas sans pl
771 in le vent du large, parmi des gens qui craignent de s’enrhumer. q. « Alix de Watteville : La Folie de l’espace (Delacha
772 s’enrhumer. q. « Alix de Watteville : La Folie de l’espace (Delachaux et Niestlé) », Bibliothèque universelle et Revue
773 et Niestlé) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, avril 1926, p. 531.
21 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Wilfred Chopard, Spicilège ironique (mai 1926)
774 ourit avec une grâce un peu frileuse et se permet de bâiller en public. On connaît le danger… r. « Wilfred Chopard  : Sp
775 s, Lausanne) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1926, p. 661.
22 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Cécile-Claire Rivier, L’Athée (mai 1926)
776 ire Rivier, L’Athée (mai 1926)s C’est le récit de la découverte de Dieu par une jeune fille élevée dans l’athéisme. Inv
777 ée (mai 1926)s C’est le récit de la découverte de Dieu par une jeune fille élevée dans l’athéisme. Invraisemblablement
778 ée dans l’athéisme. Invraisemblablement ignorante de toute religion jusqu’à 20 ans, Denise s’abandonne à « la vie », laque
779 r l’auteur — lui révèlera peu à peu le sens divin de la destinée. Ce livre à thèse est plutôt une argumentation à coups d’
780 ivre à thèse est plutôt une argumentation à coups d’ exemples vivants qu’un véritable roman. La profusion souvent facile de
781 cidents et le style volontairement sec permettent de suivre sans passion ni fatigue le développement un peu théorique mais
782 e développement un peu théorique mais intelligent d’ un problème que l’on pressent trop complètement résolu dès les premièr
783 premières pages, mais qu’il faut louer Mme Rivier d’ avoir posé courageusement. Dirai-je que l’abus des points d’exclamatio
784 sé courageusement. Dirai-je que l’abus des points d’ exclamation — trait commun à presque toutes les femmes auteur, et qui
785 t, Lausanne) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1926, p. 661.
23 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cocteau, Rappel à l’ordre (mai 1926)
786 Jean Cocteau a réuni ce qui me paraît le meilleur de son œuvre : ses récits de critique et d’esthétique (Le Coq et l’Arleq
787 i me paraît le meilleur de son œuvre : ses récits de critique et d’esthétique (Le Coq et l’Arlequin, la Noce massacrée, le
788 meilleur de son œuvre : ses récits de critique et d’ esthétique (Le Coq et l’Arlequin, la Noce massacrée, le Secret profess
789 d par ordre, et montrer que si cet ordre l’écarte de Dada, il ne le conduit pas pour autant à l’Académie. Disons pour alle
790 Académie. Disons pour aller vite que sa recherche de l’ordre révèle simplement une volonté de construire jusque dans le gr
791 echerche de l’ordre révèle simplement une volonté de construire jusque dans le grabuge, qu’il aime pour les matériaux qu’o
792 r les matériaux qu’on en peut tirer. L[e] malheur de Cocteau est qu’il se veuille poète. Il ne l’est jamais moins qu’en ve
793 ofessionnel, petit catéchisme cubiste qui dépasse de beaucoup les limites de cette école, et qu’il eut le tort à notre sen
794 hisme cubiste qui dépasse de beaucoup les limites de cette école, et qu’il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer d
795 de cette école, et qu’il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer de pédants exercices poétiques. Mais quelle intelli
796 ’il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer de pédants exercices poétiques. Mais quelle intelligence, et dont l’auda
797 s. Mais quelle intelligence, et dont l’audace est de se vouloir plus juste que bizarre. Il sait bien d’ailleurs que les mi
798 urs que les miracles les plus étonnants sont ceux de la lumière. « Le mystère se passe en plein jour et à toute vitesse. »
799 et à toute vitesse. » Telle est bien la nouveauté de son théâtre et de l’art qu’il défend en peinture, en musique. Suppres
800 . » Telle est bien la nouveauté de son théâtre et de l’art qu’il défend en peinture, en musique. Suppression du clair-obsc
801 nture, en musique. Suppression du clair-obscur et de la pénombre. Ôter la pédale à la poésie. (« Le poète ne rêve pas, il
802 t sur une machine luisante et tournante. L’esprit de Cocteau est une arme admirable de précision, d’élégance mécanique et
803 nante. L’esprit de Cocteau est une arme admirable de précision, d’élégance mécanique et de rapidité. Il lassera, parce que
804 t de Cocteau est une arme admirable de précision, d’ élégance mécanique et de rapidité. Il lassera, parce que c’est toujour
805 e admirable de précision, d’élégance mécanique et de rapidité. Il lassera, parce que c’est toujours le même déclic. Coctea
806 charme et toute grâce vaporeuse. Mais ses fleurs de cristal, si elles sont sans parfum, ne se faneront pas. t. « Jean C
807 tock, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1926, p. 661-662.
24 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, Mon corps et moi (mai 1926)
808 émoignages ne manquent pas sur la détresse morale de la génération surréaliste. Mais tandis que la plupart en sont encore
809 , « artistiqués », — ils n’osent plus le mensonge de l’art, et pas encore la vérité pure — Crevel décrit sans aucune trans
810 ansposition romanesque le trouble caractéristique de sa génération. Terrible aveu d’impuissance, il n’a plus même la force
811 e caractéristique de sa génération. Terrible aveu d’ impuissance, il n’a plus même la force de l’hypocrisie. Isolé dans un
812 ble aveu d’impuissance, il n’a plus même la force de l’hypocrisie. Isolé dans un hôtel perdu, avec son corps qui se souvie
813 ec une intelligence dont la triste profession est de détruire le désir qu’elle excite par curiosité passagère, il monologu
814 l’élan vital qui nous crée sans cesse : l’analyse de sa solitude le laisse en face de quelques réactions physiologiques do
815 isse qu’il nomme « élan mortel ». Cette inversion de tout ce qui est constructif et créateur, voilà je pense le véritable
816 parvenue au point où elle « ne semble avoir rien d’ autre à faire que son propre procès », une intelligence qui se dégoût
817 Ah ! Seigneur, donnez-nous la force et le courage de contempler nos corps et nos cœurs sans dégoût implorait Baudelaire.
818 implorait Baudelaire. Encore avait-il le courage de prier… u. « René Crevel : Mon corps et moi », Bibliothèque universe
819 corps et moi », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1926, p. 662-663.
25 1926, Articles divers (1924–1930). L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)
820 L’atmosphère d’ Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)e Cette conférence s’ouvrit par
821 du diable et se termina sous le plus beau soleil de printemps. Libre à qui veut d’y voir un symbole. On ne saurait exagér
822 e plus beau soleil de printemps. Libre à qui veut d’ y voir un symbole. On ne saurait exagérer l’importance des conditions
823 portance des conditions météorologiques du succès d’ une telle rencontre : tout alla froidement jusqu’à ce que la bise tomb
824 à ce que la bise tombée permît à « l’atmosphère » de s’établir. Alors le miracle apparut, grandit. Le miracle, c’est l’esp
825 acle apparut, grandit. Le miracle, c’est l’esprit d’ Aubonne. C’est ce miracle tout ce qu’il y a de plus protestant — mais
826 uire ailleurs qu’en terre romande. C’est l’esprit de liberté, tout simplement. Mais précisons : c’est bien plus que la lib
827 . Mais précisons : c’est bien plus que la liberté de défendre sa petite hérésie personnelle et de s’affirmer aux dépens d’
828 erté de défendre sa petite hérésie personnelle et de s’affirmer aux dépens d’autrui, — c’est la liberté dans la recherche.
829 e hérésie personnelle et de s’affirmer aux dépens d’ autrui, — c’est la liberté dans la recherche. Chose plus rare qu’on ne
830 convaincre qu’à se convaincre. Après les exposés de Janson, de Brémond, j’en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas m
831 qu’à se convaincre. Après les exposés de Janson, de Brémond, j’en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas mal de préju
832 en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas mal de préjugés en matières sociales. Mais ce qui est peut-être plus importa
833 on eut l’impression, durant les discussions entre de Saussure et Bertrand, que les orateurs exprimaient tour à tour les ob
834 soi, qu’ils incarnaient les voix contradictoires d’ un débat que tous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir d’arri
835 ous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir d’ arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’intelligent, je le
836 loyalement. Et ce désir d’arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’intelligent, je le mesure aussi à l’émotion
837 arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’ intelligent, je le mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’étude de
838 e mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’étude de Maury sur Jacques Rivière : combien reconnurent dans le tourment de c
839 es Rivière : combien reconnurent dans le tourment de cette âme leur propre recherche, — et dans ses lumineuses conquêtes s
840 réponses désirées. Tout cela, c’est l’atmosphère de la chapelle où ont lieu travaux et méditations. Dehors, on honore la
841 vaux et méditations. Dehors, on honore la liberté d’ un culte moins platonique : n’est-ce pas Léo qui prétendit qu’on ne pe
842 on ne peut juger les Associations qu’à leur façon de jouer le volley-ball ? Le Casino offrit pendant quelques nuits la vis
843 o offrit pendant quelques nuits la vision étrange d’ une salle où les spectateurs étendus en pyjamas sur des paillasses att
844 sur des paillasses attendraient en vain le lever d’ un rideau sur une pièce inexistante. Enfin le dernier soir, l’on vit a
845 Henriod debout sur un tronc coupé n’eut pas trop de toute sa souplesse pour maintenir l’équilibre des discussions et de s
846 sse pour maintenir l’équilibre des discussions et de sa propre personne. Et il y eut encore un dîner très démocratique pen
847 Abauzit chanta « les Crapauds » avec âme, appuyé d’ une main sur l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air de
848 apauds » avec âme, appuyé d’une main sur l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air des phrases musicales. Apr
849 âme, appuyé d’une main sur l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air des phrases musicales. Après quoi Richar
850 attendu pour le manifester ! — et qu’il suffisait de souscrire à la brochure de la conférence3 pour savoir tout ce que je
851 ! — et qu’il suffisait de souscrire à la brochure de la conférence3 pour savoir tout ce que je n’ai pas dit dans ces quelq
852 core : f 2.50, nom et adresse. e. « L’atmosphère d’ Aubonne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles de l’Association
853 onne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles de l’Association chrétienne suisse d’étudiants, Lausanne, mai 1926, p. 4
854 ta : nouvelles de l’Association chrétienne suisse d’ étudiants, Lausanne, mai 1926, p. 44-45.
26 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Le Corbusier, Urbanisme (juin 1926)
855 us disons adieu aux charmes troubles et inhumains de la nature. Il s’agit de créer à notre vie moderne un décor utile et b
856 mes troubles et inhumains de la nature. Il s’agit de créer à notre vie moderne un décor utile et beau. Or « la grande vill
857 or utile et beau. Or « la grande ville, phénomène de force en mouvement, est aujourd’hui une catastrophe menaçante pour n’
858 catastrophe menaçante pour n’avoir pas été animée de l’esprit de géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure des mill
859 menaçante pour n’avoir pas été animée de l’esprit de géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure des milliers d’êtres
860 lle use et conduit lentement l’usure des milliers d’ êtres humains ». Elle n’est plus adaptée aux conditions nouvelles de t
861 Elle n’est plus adaptée aux conditions nouvelles de travail ou de repos, ni dans son plan ni dans le détail des rues. Con
862 us adaptée aux conditions nouvelles de travail ou de repos, ni dans son plan ni dans le détail des rues. Congestion : « un
863 i, — comme la poésie. C’est ainsi que le problème de l’Urbanisme se place au croisement des préoccupations esthétiques et
864 sement des préoccupations esthétiques et sociales d’ aujourd’hui. Pour résoudre la crise de notre civilisation sous cet asp
865 et sociales d’aujourd’hui. Pour résoudre la crise de notre civilisation sous cet aspect comme sous les autres, il nous fau
866 faut mieux que des dictateurs : des Architectes, de l’esprit et de la matière. Si Le Corbusier réalise son plan, ce sera
867 des dictateurs : des Architectes, de l’esprit et de la matière. Si Le Corbusier réalise son plan, ce sera plus fort que M
868 rt que Mussolini (lequel s’est d’ailleurs inspiré de lui dans son fameux discours aux édiles de Rome). Urbanisme est une
869 nspiré de lui dans son fameux discours aux édiles de Rome). Urbanisme est une étude technique et un pamphlet dont l’argum
870 e parfois en boutades mordantes, en brèves fusées de lyrisme. C’est d’une verve puissante jusque dans la statistique. On e
871 des mordantes, en brèves fusées de lyrisme. C’est d’ une verve puissante jusque dans la statistique. On en sort convaincu o
872 On en sort convaincu ou bouleversé, enthousiasmé d’ avoir trouvé la formule même de tant d’aspirations modernes. Voici san
873 ersé, enthousiasmé d’avoir trouvé la formule même de tant d’aspirations modernes. Voici sans aucun doute un des livres les
874 thousiasmé d’avoir trouvé la formule même de tant d’ aspirations modernes. Voici sans aucun doute un des livres les plus re
875 aucun doute un des livres les plus représentatifs de l’époque de Lénine, du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme
876 un des livres les plus représentatifs de l’époque de Lénine, du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme un ossuaire
877 monde comme un ossuaire est couvert des détritus d’ époques mortes. Une tâche nous incombe, construire le cadre de notre e
878 rtes. Une tâche nous incombe, construire le cadre de notre existence… construire les villes de notre temps ». Et je déplie
879 e cadre de notre existence… construire les villes de notre temps ». Et je déplie ce plan d’une « ville contemporaine ». Pu
880 les villes de notre temps ». Et je déplie ce plan d’ une « ville contemporaine ». Pures géométries de verre et de ciment bl
881 n d’une « ville contemporaine ». Pures géométries de verre et de ciment blanc, flamboyantes au soleil. Les vingt-quatre gr
882 lle contemporaine ». Pures géométries de verre et de ciment blanc, flamboyantes au soleil. Les vingt-quatre gratte-ciel de
883 mboyantes au soleil. Les vingt-quatre gratte-ciel de la cité, au centre, s’espacent autour d’un aérodrome-gare circulaire,
884 tte-ciel de la cité, au centre, s’espacent autour d’ un aérodrome-gare circulaire, prismes perdus dans le silence de l’azur
885 e-gare circulaire, prismes perdus dans le silence de l’azur au-dessus des rumeurs de la ville. Puis s’étendent les quartie
886 s dans le silence de l’azur au-dessus des rumeurs de la ville. Puis s’étendent les quartiers de résidence ; les jardins su
887 umeurs de la ville. Puis s’étendent les quartiers de résidence ; les jardins suspendus à tous les étages soulignent de ver
888 es jardins suspendus à tous les étages soulignent de verdure l’horizontale des toitures en terrasses. Des perspectives rég
889 s, et minces en regard de leur hauteur, entourant de leurs multiples « redents » des terrains de jeux et des parcs, la nat
890 urant de leurs multiples « redents » des terrains de jeux et des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est un spectacle
891 e organisé par l’Architecture avec les ressources de la plastique qui est le jeu de formes sous la lumière ». Cristallisat
892 vec les ressources de la plastique qui est le jeu de formes sous la lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie et de rai
893 jeu de formes sous la lumière ». Cristallisation d’ un rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur ch
894 rmes sous la lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur chant. Utopi
895 a lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur chant. Utopie ! Oui, si
896 Cristallisation d’un rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur chant. Utopie ! Oui, si notre civili
897 tériels formidables des ensembles soumis aux lois de l’esprit et de la vie sociale, non plus à un opportunisme anarchique.
898 bles des ensembles soumis aux lois de l’esprit et de la vie sociale, non plus à un opportunisme anarchique. Tirer des lign
899 archique. Tirer des lignes droites, est le propre de l’homme. Toutes les civilisations fortes l’ont osé. Créer un espace a
900 es, ce serait peut-être tuer au soleil des germes de révolution. Déjà des ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation
901 ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation de ce phénomène de haute poésie — la « ville contemporaine ». Un labeur
902 ont mis à calculer la réalisation de ce phénomène de haute poésie — la « ville contemporaine ». Un labeur précis et anonym
903 scurément à cette parfaite expression du triomphe de l’homme sur la Nature. Architecture : « tout ce qui est au-delà du ca
904 Crès, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juin 1926, p. 797-798.
27 1926, Articles divers (1924–1930). Confession tendancieuse (mai 1926)
905 (mai 1926)f Écrire, pas plus que vivre, n’est de nos jours un art d’agrément. Nous sommes devenus si savants sur nous-
906 re, pas plus que vivre, n’est de nos jours un art d’ agrément. Nous sommes devenus si savants sur nous-mêmes, et si crainti
907 s-mêmes, et si craintifs en même temps, si jaloux de ne pas nous déformer artificiellement : nous comprenons que nos œuvre
908 que nos œuvres, si elles furent faites à l’image de notre esprit, le lui rendent bien dans la suite ; c’est peut-être pou
909 t-être pourquoi nous accordons voix dans le débat d’ écrire, aux forces les plus secrètes de notre être comme aux calculs l
910 s le débat d’écrire, aux forces les plus secrètes de notre être comme aux calculs les plus rusés. Nous choisissons les idé
911 ées comme on choisit un amour dont on est anxieux de prévoir l’influence, avant de s’y jeter, et dont on craint de ressort
912 ’influence, avant de s’y jeter, et dont on craint de ressortir trop différent. Amour de soi, qui nous tourmente obscurémen
913 dont on craint de ressortir trop différent. Amour de soi, qui nous tourmente obscurément et nous obsède de craintes et de
914 oi, qui nous tourmente obscurément et nous obsède de craintes et de réticences dont nous ne comprenons pas toujours l’obje
915 urmente obscurément et nous obsède de craintes et de réticences dont nous ne comprenons pas toujours l’objet. Peur de perd
916 ont nous ne comprenons pas toujours l’objet. Peur de perdre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’empreinte impr
917 enons pas toujours l’objet. Peur de perdre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’empreinte imprévisible des chos
918 s l’objet. Peur de perdre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’empreinte imprévisible des choses. Amour de soi…
919 ur de perdre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’empreinte imprévisible des choses. Amour de soi… Mais moi, qu
920 subir l’empreinte imprévisible des choses. Amour de soi… Mais moi, qui suis-je ? Par ces trois mots commence le drame de
921 ui suis-je ? Par ces trois mots commence le drame de toute vie. Ha ! Qui je suis ? Mais je le sens très bien ! je sens trè
922 ’autres désirs contradictoires ; au gré du temps, d’ un sourire, d’un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges vien
923 contradictoires ; au gré du temps, d’un sourire, d’ un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges viennent m’habiter
924 , d’un sourire, d’un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges viennent m’habiter ; je ne sais plus… Je suis beauco
925 où l’on me fit comprendre qu’il n’est que le jeu de sauter follement d’une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une
926 rendre qu’il n’est que le jeu de sauter follement d’ une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une fatigue profonde ;
927 je devins si faible et démuni, livré aux regards d’ une foule absurde, bienveillante, repue, — tous paraissaient détenir u
928 les, si cruellement présentes et dures ? La cause de cette inadaptation, je la soupçonnais si grave, si fondamentale que j
929 référais me leurrer à combattre des imperfections de détail dont je m’exagérais l’importance. Et c’est ainsi par feintes q
930 trouble que je me refusai pourtant à nommer peur de rire. Cette amertume au fond de tous les plaisirs, cette envie de rir
931 ant à nommer peur de rire. Cette amertume au fond de tous les plaisirs, cette envie de rire quand il m’arrivait un ennui,
932 mertume au fond de tous les plaisirs, cette envie de rire quand il m’arrivait un ennui, cette incapacité à jouir de mes vi
933 il m’arrivait un ennui, cette incapacité à jouir de mes victoires, à pleurer sur mes déboires, ce malaise seul liait les
934 découvrais, dans tout mon être une force aveugle de violence s’était levée. Ce fut elle qui m’entraîna sur les stades où
935 organisaient brusquement les éléments désaccordés de ce moi que j’avais tant choyé. « Maintenant, m’écriai-je — c’était un
936 dominateurs par quoi l’homme ne se distingue plus de l’animal. Louée soit ma force et tout ce qui l’exalte, et tout ce qui
937 t tout ce qui la dompte, tout ce qui sourd en moi de trop grand pour ma vie — toute ma joie ! » Ce n’était plus une doule
938 r ? dans quel sens ? Provisoirement j’étais sauvé d’ un désordre où l’on glisse vers la mort. L’important, c’est de ne pas
939 e où l’on glisse vers la mort. L’important, c’est de ne pas se défaire. Mais rien n’était résolu. Me voici devant quelques
940 problèmes dont je sais qu’il est absolument vain de prétendre les résoudre, mais que je dois feindre d’avoir résolus : c’
941 prétendre les résoudre, mais que je dois feindre d’ avoir résolus : c’est ce qui s’appelle vivre. Problème de Dieu, à la b
942 résolus : c’est ce qui s’appelle vivre. Problème de Dieu, à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début d’une recherche
943 vivre. Problème de Dieu, à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début d’une recherche qui n’a que ce but de me rendre m
944 , à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début d’ une recherche qui n’a que ce but de me rendre mieux apte à vivre plein
945 erdre au début d’une recherche qui n’a que ce but de me rendre mieux apte à vivre pleinement. En priant, je m’arrête parfo
946 a consiste à retrouver l’instinct le plus profond de l’homme, la vertu conservatrice qui ne peut dicter que les gestes les
947 eul qu’ils sont naturels : la nature est un champ de luttes, de tendances vers la destruction et vers la construction ; c’
948 sont naturels : la nature est un champ de luttes, de tendances vers la destruction et vers la construction ; c’est un méla
949 la construction ; c’est un mélange à doses égales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, pui
950 tion ; c’est un mélange à doses égales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, puisque n’est
951 ales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, puisque n’est pas encore parfait cet instinct qu
952 rfait cet instinct qui est la Vertu. Ma vertu est de chercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de ren
953 la Vertu. Ma vertu est de chercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de rendre toutes mes forces comp
954 hercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de rendre toutes mes forces complices de mon destin. D’abord
955 e Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de rendre toutes mes forces complices de mon destin. D’abord donc, chois
956 de ma vie ; de rendre toutes mes forces complices de mon destin. D’abord donc, choisir Mes instincts, ensuite, les éduquer
957 éduquer, selon des lois établies par le concours de l’expérience et d’un sentiment de convenance en quoi se composent le
958 lois établies par le concours de l’expérience et d’ un sentiment de convenance en quoi se composent le plaisir et la consc
959 par le concours de l’expérience et d’un sentiment de convenance en quoi se composent le plaisir et la conscience de Mes li
960 en quoi se composent le plaisir et la conscience de Mes limites. Je m’attache particulièrement à retrouver ces limites :
961 la vie moderne, mécanique, nous les fait oublier, d’ où cette fatigue générale qui fausse tout, et qui s’oppose au perfecti
962 fausse tout, et qui s’oppose au perfectionnement de l’esprit, puisqu’elle ne permet que des associations suivant les dire
963 ermet que des associations suivant les directions de moindre résistance. Mais je ne m’emprisonnerai pas dans ces limites.
964 mprisonnerai pas dans ces limites. Ma liberté est de les porter plus loin sans cesse, de battre mes propres records. De ce
965 a liberté est de les porter plus loin sans cesse, de battre mes propres records. De ce lent effort naît une modestie que j
966 s loin sans cesse, de battre mes propres records. De ce lent effort naît une modestie que je m’enorgueillis un peu de conn
967 ie que je m’enorgueillis un peu de connaître ; et de cette volonté d’un meilleur moi, une certaine méfiance vis-à-vis de m
968 ueillis un peu de connaître ; et de cette volonté d’ un meilleur moi, une certaine méfiance vis-à-vis de ma sincérité. La s
969 une faiblesse en la nommant ; or je ne veux plus de faiblesses4.) Et demain peut-être, agir dans le monde, si je m’en sui
970 t, comme elle veut une conscience. Je fais partie d’ un ensemble social et dans la mesure où j’en dépends, je me dois de m’
971 ial et dans la mesure où j’en dépends, je me dois de m’employer à sa sauvegarde ou à sa transformation. Mais il y faut une
972 ur une doctrine possible, sur une systématisation de mes petites certitudes5, j’éprouve vite le sentiment d’être dans un d
973 petites certitudes5, j’éprouve vite le sentiment d’ être dans un débat étranger à ce véritable débat de ma vie : comment s
974 ’être dans un débat étranger à ce véritable débat de ma vie : comment surmonter un malaise sans cesse renaissant, comment
975 lois du monde, et comment augmenter ma puissance de jouir, en même temps que ma puissance d’agir. Que tout cela s’agite s
976 uissance de jouir, en même temps que ma puissance d’ agir. Que tout cela s’agite sur fond de néant, je le comprends par écl
977 puissance d’agir. Que tout cela s’agite sur fond de néant, je le comprends par éclairs, mais une secrète espérance m’empo
978 . Mais comme un écho profond, une attirance aussi d’ anciennes folies… Combat, oscillations silencieuses dans ma demi-consc
979 , lueurs éteintes dans une nuit froide. Les notes d’ un chant qui voudrait s’élever. Puis enfin la marée de mes désirs. Qu’
980 chant qui voudrait s’élever. Puis enfin la marée de mes désirs. Qu’ils viennent battre ce corps triste, qu’ils l’emporten
981 ennent battre ce corps triste, qu’ils l’emportent d’ un flot fou ! Revenez, mes joies du large !… Tiens, j’écoute le vent ;
982 ont. Une fois écrites elles prennent un caractère de certitude qu’elles n’avaient pas encore en moi. C’est en quoi ma sinc
983 une dérision complète. Je m’étonne qu’après tant d’ expériences ratées on puisse encore se persuader de la vérité d’un sys
984 ’expériences ratées on puisse encore se persuader de la vérité d’un système, hors la religion. Un système n’est pas vrai,
985 ratées on puisse encore se persuader de la vérité d’ un système, hors la religion. Un système n’est pas vrai, il est utile.
986 itimes chez d’autres, même celles que je juge bon d’ éliminer de moi. Chacun son équilibre, ou plutôt, son « mouvement norm
987 d’autres, même celles que je juge bon d’éliminer de moi. Chacun son équilibre, ou plutôt, son « mouvement normal » de vie
988 on équilibre, ou plutôt, son « mouvement normal » de vie. f. « Confession tendancieuse », Les Cahiers du mois, Paris, n° 
28 1926, Articles divers (1924–1930). Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)
989 Bestiaires, et me tirant hors de ce « long songe de violence et de volupté », je me sens envahi par un rythme impérieux a
990 me tirant hors de ce « long songe de violence et de volupté », je me sens envahi par un rythme impérieux au point qu’il f
991 des forces qui se lèvent. Car telle est la vertu de ce livre, qu’on l’éprouve d’abord trop vivement pour le juger. L’aute
992 e ça se vend mieux. Ce récit des premiers combats de taureaux du jeune Montherlant est en réalité un nouveau tome de ses m
993 jeune Montherlant est en réalité un nouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre d’une seule coulée, presque sans int
994 nouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre d’ une seule coulée, presque sans intrigue, sans cette orchestration de t
995 , presque sans intrigue, sans cette orchestration de thèmes qui faisait la richesse du Songe, mais d’une ligne plus ferme,
996 de thèmes qui faisait la richesse du Songe, mais d’ une ligne plus ferme, d’une unité plus pure aussi. Le sujet était péri
997 a richesse du Songe, mais d’une ligne plus ferme, d’ une unité plus pure aussi. Le sujet était périlleux : si particulier,
998 périlleux : si particulier, il prêtait à des abus de pittoresque, de couleur locale, de détails techniques ou de fastidieu
999 articulier, il prêtait à des abus de pittoresque, de couleur locale, de détails techniques ou de fastidieuses explications
1000 ait à des abus de pittoresque, de couleur locale, de détails techniques ou de fastidieuses explications nécessaires, défau
1001 sque, de couleur locale, de détails techniques ou de fastidieuses explications nécessaires, défauts auxquels Montherlant n
1002 e dans l’allure puissante à la fois et désinvolte de son récit. On a souvent parlé d’excès de lyrisme à propos des premier
1003 is et désinvolte de son récit. On a souvent parlé d’ excès de lyrisme à propos des premiers ouvrages de Montherlant. Cette
1004 sinvolte de son récit. On a souvent parlé d’excès de lyrisme à propos des premiers ouvrages de Montherlant. Cette fois-ci,
1005 d’excès de lyrisme à propos des premiers ouvrages de Montherlant. Cette fois-ci, on le traite de naturaliste. Mais comment
1006 rages de Montherlant. Cette fois-ci, on le traite de naturaliste. Mais comment montrer des taureaux sans que cela sente un
1007 ue cela sente un peu l’étable ? L’étonnant, c’est de voir à quel point Montherlant reste poète jusque dans la description
1008 poète jusque dans la description la plus réaliste de la vie animale. Et n’est-ce pas justement parce qu’il est poète qu’il
1009 t poète qu’il peut atteindre à pareille intensité de réalisme. Une perpétuelle palpitation de vie anime ce livre et lui do
1010 ntensité de réalisme. Une perpétuelle palpitation de vie anime ce livre et lui donne un rythme tel qu’il s’accorde d’emblé
1011 ers « comme un chant mystérieux entendu au-dessus de la mer », il y a toujours dans un coin du tableau des ruades, des che
1012 ent et lèchent alternativement, « en vraies bêtes de désir ». Une intelligence si profonde de la vie animale suppose entre
1013 es bêtes de désir ». Une intelligence si profonde de la vie animale suppose entre l’homme et la bête une sympathie que Mon
1014 e à plusieurs reprises. C’est « par la divination de cet amour qu’Alban (le jeune héros du récit) sent ce que sent la bête
1015 raiment que ce qu’on aime, et les victorieux sont d’ immenses amants »6. Mais envers les taureaux cet amour tourne en adora
1016 reflet bleu clair, soudain inquiètes à l’approche de l’inconnu. Nulle part mieux que dans la description des taureaux ne
1017 sage du réalisme le plus hardi à un lyrisme plein de simple grandeur. Voici la mort du taureau dit « le Mauvais Ange » :
1018 ureau dit « le Mauvais Ange » : La bête chancela de l’arrière-train, tenta de se raidir, enfin croula sur le flanc, accom
1019 e » : La bête chancela de l’arrière-train, tenta de se raidir, enfin croula sur le flanc, accomplissant sa destinée. Quel
1020 ement les articulations grinçaient, avec le bruit d’ un câble de navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase
1021 rticulations grinçaient, avec le bruit d’un câble de navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase à la cime
1022 sur un treuil. Elle arriva avec emphase à la cime de son spasme, comme l’homme à la cime de son plaisir, et comme lui, ell
1023 à la cime de son spasme, comme l’homme à la cime de son plaisir, et comme lui, elle y resta immobile. Et son âme divine s
1024 t ses jeux, et les génisses, et la chère plaine. De tels passages qui abondent dans les Bestiaires font pardonner bien d’
1025 les Bestiaires font pardonner bien d’autres pages de vrais délires taurologiques. Quand le lyrisme de Montherlant décolle
1026 de vrais délires taurologiques. Quand le lyrisme de Montherlant décolle de la réalité, c’est tout de suite une orgie d’év
1027 logiques. Quand le lyrisme de Montherlant décolle de la réalité, c’est tout de suite une orgie d’évocations antiques, de r
1028 olle de la réalité, c’est tout de suite une orgie d’ évocations antiques, de rapprochements superstitieux, de grands symbol
1029 st tout de suite une orgie d’évocations antiques, de rapprochements superstitieux, de grands symboles païens, et l’on se p
1030 ations antiques, de rapprochements superstitieux, de grands symboles païens, et l’on se perd dans un syncrétisme effarant,
1031 x et Alban confondent leurs génies dans une sorte de cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce pa
1032 nfondent leurs génies dans une sorte de cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalt
1033 s génies dans une sorte de cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre
1034 e soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre de la fumée des sacrifices sanglants.
1035 r ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre de la fumée des sacrifices sanglants. Pour ma part, je le trouve assez p
1036 uve assez peu humain et comme obsédé par une idée de violence tonique certes, mais décidément un peu pauvre pour fonder un
1037 une religion. Mais ce n’est peut-être qu’un rêve de poète. Il y a un autre Montherlant, plutôt stoïcien, celui-là. Et c’e
1038 plutôt stoïcien, celui-là. Et c’est un moraliste de grande race, qui peut nous mener à des hauteurs où devient naturel ce
1039 us mener à des hauteurs où devient naturel ce cri de sagesse orgueilleuse : « Qu’avons-nous besoin d’un autre amour que ce
1040 de sagesse orgueilleuse : « Qu’avons-nous besoin d’ un autre amour que celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de n
1041 ue celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation de l’Espagne et du génie
1042 e de ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation de l’Espagne et du génie taurin. Ce qui perce à chaque page, ce qui peu
1043 xion des phrases, ce qui s’élève en fin de compte de tous ces tableaux de violence et de passion, c’est la présence d’un t
1044 qui s’élève en fin de compte de tous ces tableaux de violence et de passion, c’est la présence d’un tempérament. À l’inver
1045 fin de compte de tous ces tableaux de violence et de passion, c’est la présence d’un tempérament. À l’inverse de tant d’au
1046 eaux de violence et de passion, c’est la présence d’ un tempérament. À l’inverse de tant d’autres qui s’analysent sans fin,
1047 , c’est la présence d’un tempérament. À l’inverse de tant d’autres qui s’analysent sans fin, avant que d’être, Montherlant
1048 tant d’autres qui s’analysent sans fin, avant que d’ être, Montherlant impose un tempérament lyrique d’une puissance contag
1049 d’être, Montherlant impose un tempérament lyrique d’ une puissance contagieuse. Il y a là de quoi faire oublier des défauts
1050 nt lyrique d’une puissance contagieuse. Il y a là de quoi faire oublier des défauts qui tueraient tout autre que lui. Cert
1051 ne soulève directement aucun des grands problèmes de l’heure. La violence même qui sourd dans son être intime l’en empêche
1052 n être intime l’en empêche, le préserve des états d’ incertitude douloureux, où ces problèmes viennent se poser à l’esprit,
1053 problèmes viennent se poser à l’esprit, profitant de son désaccord avec la vie. Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il d’Al
1054 vec la vie. Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il d’ Alban — (de lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste ou e
1055 Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il d’Alban — ( de lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste ou ennuyeux, qu
1056 ce qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’idée de la mort ou les soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met de la g
1057 es soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met de la gravité que dans les choses voluptueuses, je n’ai pas dit les chos
1058 ’ai pas dit les choses sentimentales. Le tragique de la vie ne lui échappe pas. Il en parle, il le chante avec pathétique.
1059 ttitude agace des gens qui se soucient avant tout de trouver des réponses de l’intelligence ou de la foi aux inquiétudes p
1060 ui se soucient avant tout de trouver des réponses de l’intelligence ou de la foi aux inquiétudes profondes de leurs âmes s
1061 tout de trouver des réponses de l’intelligence ou de la foi aux inquiétudes profondes de leurs âmes séparées de Dieu. Mont
1062 telligence ou de la foi aux inquiétudes profondes de leurs âmes séparées de Dieu. Montherlant est aux antipodes de ceux-là
1063 aux inquiétudes profondes de leurs âmes séparées de Dieu. Montherlant est aux antipodes de ceux-là « qui cherchent en gém
1064 s séparées de Dieu. Montherlant est aux antipodes de ceux-là « qui cherchent en gémissant ». Mais cette personnalité dont
1065 insolence les forces créatrices, ne vaut-elle pas d’ être élevée en témoignage pour notre exaltation ? Comme la vue des ath
1066 vie ardente qui peut entraîner l’âme dans un élan de grandeur. N’est-ce point une solution aussi ? Plutôt que d’oublier de
1067 r. N’est-ce point une solution aussi ? Plutôt que d’ oublier de vivre à force d’y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il p
1068 e point une solution aussi ? Plutôt que d’oublier de vivre à force d’y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il pas autant
1069 ion aussi ? Plutôt que d’oublier de vivre à force d’ y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il pas autant s’abandonner parf
1070 s obscures qui nous replacent dans l’intelligence de l’instinct universel et nous élèvent à une vie plus âpre et violemmen
1071 plus âpre et violemment contractée, par la grâce de l’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels passages v
1072 la grâce de l’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels passages viennent à l’appui de la théorie de l’inst
1073 ’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels passages viennent à l’appui de la théorie de l’instinct de Bergs
1074 de tels passages viennent à l’appui de la théorie de l’instinct de Bergson. Bergson suppose aussi entre le sphex qui pique
1075 es viennent à l’appui de la théorie de l’instinct de Bergson. Bergson suppose aussi entre le sphex qui pique une chenille
1076 du dedans, pour ainsi dire, sur la vulnérabilité de la chenille. » (Évolution créatrice, p. 188) Je n’ai pas la place de
1077 Évolution créatrice, p. 188) Je n’ai pas la place de citer ici plusieurs autres passages qui préciseraient ce parallélisme
29 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
1078 Il y a dans le monde intellectuel une « Question d’ Orient » dont on ne peut plus méconnaître l’urgence. Des prophètes — h
1079 occidental », et, au-dessus des ruines prochaines de nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’un Orient paradisi
1080 nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’ un Orient paradisiaque d’où nous viendraient une fois de plus la sages
1081 ils rallument le mirage d’un Orient paradisiaque d’ où nous viendraient une fois de plus la sagesse et la lumière. De réce
1082 raient une fois de plus la sagesse et la lumière. De récentes enquêtes ont dénoncé certaines des confusions sur quoi se fo
1083 pourtant subsistent encore. Or, le nouveau livre de M. de Traz1, par les précisions importantes qu’il apporte sur les rap
1084 isions importantes qu’il apporte sur les rapports de l’Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus
1085 tes qu’il apporte sur les rapports de l’Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de ces
1086 paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de ces confusions. M. de Traz a visité l’Égypte, ses habitants, ses tomb
1087 secret dernier des choses, lucide, avec une sorte d’ acharnement, comme seul il sait l’être aujourd’hui sans que cela nuise
1088 aujourd’hui sans que cela nuise en rien à un don de sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psychologue
1089 don de sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psychologue. C’est parce que son livre, aux petits chapi
1090 thie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psychologue. C’est parce que son livre, aux petits chapitres à la foi
1091 à la fois si concis et achevés, n’est ni un album de vues pittoresques, ni le journal plus ou moins lyrique auquel nous on
1092 habitués les voyageurs en Orient, mais une suite de coups d’œil aigus sur l’âme orientale de l’islam, que nous l’avons lu
1093 ne suite de coups d’œil aigus sur l’âme orientale de l’islam, que nous l’avons lu avec un intérêt si soutenu et parfois —
1094 ante — si passionné. Nul n’est moins oriental que de Traz, et c’est ce qui donne à ses notations tout leur prix. Elles ne
1095 ne nous renseignent pas sur une partie orientale de lui-même, comme c’est si souvent le cas, mais bien sur l’Orient. Enco
1096 l’Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt d’ un livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux mondes que
1097 on des deux mondes que dans la peinture elle-même de l’Orient. Tandis que s’accumulent les traits qui composent le portrai
1098 mulent les traits qui composent le portrait moral de l’Oriental, celui de l’Européen se précise dans la même mesure, — et
1099 composent le portrait moral de l’Oriental, celui de l’Européen se précise dans la même mesure, — et aussi la figure de l’
1100 précise dans la même mesure, — et aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère de comparaison valable qu’entre individ
1101 aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère de comparaison valable qu’entre individus, et comme type d’individu euro
1102 araison valable qu’entre individus, et comme type d’ individu européen Robert de Traz ne pouvait trouver mieux que lui-même
1103 ce irréductible pour le vrai ». Ce qui lui permet de voir profond dans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil de l’
1104 met de voir profond dans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis
1105 ans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis que « l’attrait du c
1106 u’il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis que « l’attrait du christianisme es
1107 r âme en veilleuse, dit-il des rêveurs orientaux. De leur immense paresse, jusqu’à leur mysticisme, partout c’est une démi
1108 une démission qu’ils désirent. Du difficile oubli de soi-même nous avons fait une vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en
1109 e la fidélité. » Ses remarques sur la psychologie de l’Égyptien ne sont pas moins subtiles et le mènent à cette constatati
1110 on fondamentale que « notre intelligence et celle de l’Oriental ne sont pas superposables ». Dès lors, comment collaborer,
1111 se sentir si loin de l’Oriental, les conclusions de M. de Traz — si tant est qu’on peut conclure en une matière si comple
1112 à attendre des musulmans, c’est que le spectacle de leur décadence nous enseigne comment éviter la nôtre. » La place me m
1113 voulu le faire des deux autres parties du volume, d’ une importance moins actuelle, mais d’une qualité d’art peut-être supé
1114 du volume, d’une importance moins actuelle, mais d’ une qualité d’art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines
1115 une importance moins actuelle, mais d’une qualité d’ art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines de la Haute-É
1116 t-être supérieure. Les méditations sur les ruines de la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’histoire aux v
1117 ons sur les ruines de la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’histoire aux vues larges et pourtant réaliste
1118 la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’histoire aux vues larges et pourtant réalistes, aux hypothèses hard
1119 s et pourtant réalistes, aux hypothèses hardies — de la hardiesse de ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun —
1120 alistes, aux hypothèses hardies — de la hardiesse de ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun — mais qui reste t
1121 igné du sens commun — mais qui reste trop méfiant de tout romantisme pour édifier aucun système. Le livre se termine par u
1122  : le christianisme n’est-il pas le plus beau don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’un accent très noble et c
1123 don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’ un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’une certaine amertu
1124 ’un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’ une certaine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose
1125 rageux mêlé, parfois, d’une certaine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose d’ordinaire. Mais j’avoue qu
1126 e, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose d’ ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois un peu gêné cette présence de
1127 ’avoue que m’a parfois un peu gêné cette présence de la mort qu’il fait sentir partout aux lieux mêmes où naquit la religi
1128 aux lieux mêmes où naquit la religion du « Prince de la vie »… Qu’on ne croie pas, d’ailleurs, que l’attitude presque cons
1129 eurs, que l’attitude presque constamment critique de M. de Traz diminue l’intérêt vivant de son livre : cette impartialité
1130 t critique de M. de Traz diminue l’intérêt vivant de son livre : cette impartialité même, cette façon de se placer en face
1131 son livre : cette impartialité même, cette façon de se placer en face des choses, tout près, mais sans jamais s’y perdre
1132 lité peut-être mieux que ne le feraient une suite de pages lyriques toujours un peu stylisées. Il apparaît, ici, comme le
1133 me le type du voyageur intelligent, qui n’accepte d’ être séduit que pour « mieux comprendre », assez « fidèle » à ses orig
1134 arder dans ses dépaysements un point de vue fixe, d’ où comparer et, parfois, juger ; préférant obstinément à la légende le
1135 t à la légende le vrai, même amer, non par défaut d’ un sens artistique dont plusieurs de ses morceaux attestent la délicat
1136 on par défaut d’un sens artistique dont plusieurs de ses morceaux attestent la délicatesse, mais parce qu’il sait y trouve
1137 parce qu’il sait y trouver les seuls motifs réels d’ exaltation. 1. Le Dépaysement oriental, chez Grasset, Paris. a. « 
1138 , Paris. a. « Le Dépaysement oriental », Journal de Genève, Genève, n° 192, 16 juillet 1926, p. 1.
30 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ramon Fernandez, Messages (juillet 1926)
1139 ssages (juillet 1926)w Je ne crois pas exagéré de dire qu’en publiant ce recueil d’essais, M. Fernandez a donné la prem
1140 ois pas exagéré de dire qu’en publiant ce recueil d’ essais, M. Fernandez a donné la première œuvre importante du mouvement
1141 a donné la première œuvre importante du mouvement de construction et de synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains
1142 œuvre importante du mouvement de construction et de synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains d’aujourd’hui. La «
1143 synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains d’ aujourd’hui. La « critique philosophique » qu’il voudrait inaugurer « 
1144 qu’il voudrait inaugurer « ne se contenterait pas d’ étudier les œuvres pour elles-mêmes dans leur signification historique
1145 ification historique ou technique, mais tâcherait d’ épouser le dynamisme spirituel qu’elle révèle, puis de les situer dans
1146 ouser le dynamisme spirituel qu’elle révèle, puis de les situer dans l’univers humain ». M. Fernandez a tout le talent qu’
1147 e talent qu’il faut pour lui faire acquérir droit de cité. Voici enfin un critique qui sait tirer une leçon constructive d
1148 ées dans leurs recherches, il ne les condamne pas d’ un « Jugement » sans issue sinon vers le passé catholique ; mais tenan
1149 non vers le passé catholique ; mais tenant compte de leur effort, il puise dans l’échec même de leurs analyses les élément
1150 compte de leur effort, il puise dans l’échec même de leurs analyses les éléments de sa synthèse, qui se trouve ainsi conti
1151 dans l’échec même de leurs analyses les éléments de sa synthèse, qui se trouve ainsi continuer leur œuvre, comme une déco
1152 ur œuvre, comme une découverte couronne une série d’ expériences négatives. La critique de ces expériences négatives est co
1153 ne une série d’expériences négatives. La critique de ces expériences négatives est contenue surtout dans ses essais sur Pr
1154 it temps que l’on dénonce la confusion romantique de l’art avec la vie, qui empoisonne et la morale et l’esthétique modern
1155 iter que M. Fernandez aborde par ce biais l’œuvre de Gide, qui plus qu’aucune autre me paraît liée à cette confusion. Mais
1156 confusion. Mais s’il est bien établi que les lois de la vie sont essentiellement différentes des lois de l’œuvre d’art, il
1157 la vie sont essentiellement différentes des lois de l’œuvre d’art, il ne s’en suit pas forcément que l’on doit nier toute
1158 phie et le Roman, dont pour ma part je suis loin d’ admettre plusieurs thèses beaucoup trop absolues. M. Fernandez tente d
1159 thèses beaucoup trop absolues. M. Fernandez tente de prouver par exemple que l’œuvre d’art ne peut être un moyen de connai
1160 r exemple que l’œuvre d’art ne peut être un moyen de connaissance personnelle. Après quoi il écrit : « II y a, en fait, de
1161 quoi il écrit : « II y a, en fait, deux manières de se connaître, à savoir se concevoir et s’essayer. » Fort bien, mais l
1162 ais l’œuvre n’est-elle pas une façon particulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussion de ces thèses subti
1163 s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussion de ces thèses subtiles, d’autant que la position de l’auteur dans cet es
1164 de ces thèses subtiles, d’autant que la position de l’auteur dans cet essai me paraît encore ambiguë : on peut se demande
1165 peut se demander s’il nie vraiment l’interaction de la vie et de l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause des confusion
1166 nder s’il nie vraiment l’interaction de la vie et de l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause des confusions qu’il y déc
1167 tement par opposition à la conception proustienne de la personnalité — « mosaïque de sensations juxtaposées » — qu’il défi
1168 ption proustienne de la personnalité — « mosaïque de sensations juxtaposées » — qu’il définit sa propre théorie de la « ga
1169 s juxtaposées » — qu’il définit sa propre théorie de la « garantie des sentiments », où l’on est en droit de voir le germe
1170 « garantie des sentiments », où l’on est en droit de voir le germe d’un moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur
1171 ntiments », où l’on est en droit de voir le germe d’ un moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur les données moder
1172 se fonderait solidement sur les données modernes de la psychologie et de la philosophie. Pour nous prémunir contre le pou
1173 ent sur les données modernes de la psychologie et de la philosophie. Pour nous prémunir contre le pouvoir d’analyse — une
1174 philosophie. Pour nous prémunir contre le pouvoir d’ analyse — une analyse qui retient les éléments de la personnalité moin
1175 d’analyse — une analyse qui retient les éléments de la personnalité moins le « principe unificateur » — que la psychologi
1176 point si dangereux, il nous propose l’expérience d’ un Newman, les exemples d’un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « p
1177 us propose l’expérience d’un Newman, les exemples d’ un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’a
1178 rience d’un Newman, les exemples d’un Meredith et d’ un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’action, faire de l
1179 d’un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’action, faire de la psychologie à la volée », et donc connaître l’h
1180 ont su « penser dans le train de l’action, faire de la psychologie à la volée », et donc connaître l’homme dans l’élan qu
1181 du cubisme littéraire, et qu’il serait bien utile d’ adopter, si l’on veut éviter les confusions qui sont en train d’ôter s
1182 tient surtout à sa forme : il est parfois agaçant de pressentir sous l’expression trop technique ou obscure, une richesse
1183 xpression trop technique ou obscure, une richesse d’ idées neuves et fortes, mais péniblement comprimées. Ce défaut de form
1184 et fortes, mais péniblement comprimées. Ce défaut de forme est peut-être inhérent, dans une certaine mesure, au genre de c
1185 être inhérent, dans une certaine mesure, au genre de critique pratiqué par Fernandez. Périlleuse situation que la sienne,
1186 sienne, en effet, où l’on court le double risque de paraître trop littéraire aux philosophes, et trop philosophe aux litt
1187 n’empêche que son livre manifeste une belle unité de pensée, et qu’il propose quelques directions très nettes de synthèse.
1188 et qu’il propose quelques directions très nettes de synthèse. Avec une œuvre comme Plaisir des Sports de Jean Prévost, et
1189 synthèse. Avec une œuvre comme Plaisir des Sports de Jean Prévost, et les essais politiques de Drieu la Rochelle, les Mess
1190 Sports de Jean Prévost, et les essais politiques de Drieu la Rochelle, les Messages de Fernandez sont les premières contr
1191 ais politiques de Drieu la Rochelle, les Messages de Fernandez sont les premières contributions à l’établissement d’une ét
1192 ont les premières contributions à l’établissement d’ une éthique adaptée aux besoins modernes. w. « Ramon Fernandez : Mes
1193 (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juillet 1926, p. 124-125.
31 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Les Bestiaires (septembre 1926)
1194 ement littéraire sur ce nouveau tome des mémoires de Montherlant : dans ce récit plus encore que dans les œuvres précédent
1195 ins l’œuvre d’art que l’auteur ; dans ce portrait de Montherlant toréador, à 16 ans, c’est surtout le Montherlant actuel q
1196 vre vaut par son allure plus que par des qualités de composition ou de perfection formelle. Pour quelques-uns de ces trait
1197 llure plus que par des qualités de composition ou de perfection formelle. Pour quelques-uns de ces traits d’énergie ou de
1198 tion ou de perfection formelle. Pour quelques-uns de ces traits d’énergie ou de savante sensualité, pour ces insolences jo
1199 fection formelle. Pour quelques-uns de ces traits d’ énergie ou de savante sensualité, pour ces insolences jolies et les su
1200 lle. Pour quelques-uns de ces traits d’énergie ou de savante sensualité, pour ces insolences jolies et les subites violenc
1201 les subites violences, qui composent la séduction de cet « homme de la Renaissance », pour quelques descriptions des prair
1202 lences, qui composent la séduction de cet « homme de la Renaissance », pour quelques descriptions des prairies espagnoles
1203 ques descriptions des prairies espagnoles pleines de simple grandeur, j’ai supporté mille fastidieux détails techniques et
1204 t longue fidélité aux taureaux braves et simplets d’ esprit ! Qu’ils paissent éternellement dans les prairies célestes, pou
1205 sir certaines pages magnifiques et sobres, jetées de haut avec la nonchalance des vrais puissants, je compte qu’il saura f
1206 sset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1926, p. 397-398.
32 1926, Articles divers (1924–1930). Soir de Florence (13 novembre 1926)
1207 Soir de Florence (13 novembre 1926)h Des cris mouraient vers les berges du
1208 e la ville présente au couchant, dans ce corridor de lumière où elle accueille le ciel — et derrière, elle devient plus se
1209 crète. Vers l’est, des collines fluides et roses. De l’autre côté, c’est le vide, où s’en vont lentement les eaux et les l
1210 reposante. Cette imparfaite accoutumance au monde de sensations inconnues où nous étions baignés nous promettait pourtant
1211 promettait pourtant une connaissance plus intime de certaine tristesse. Seule une maison blanche est arrêtée tout près de
1212 est arrêtée tout près de l’eau. Mais ce n’est pas d’ elle que vient cette chanson jamais entendue qui nous accompagne depui
1213 ui nous accompagne depuis un moment sur le chemin de l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant d’un char tiré par des
1214 de l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant d’ un char tiré par des bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu parlais d
1215 s bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu parlais de chromos, de romantisme… nous voici dans une réalité bien plus étrange
1216 cs. Comme une apparition. (Tu parlais de chromos, de romantisme… nous voici dans une réalité bien plus étrange.) Une atmos
1217 ns une réalité bien plus étrange.) Une atmosphère de triste volupté emplit notre monde à ce chant. L’odeur du fleuve est s
1218 dans une beauté que saluent tant de souvenirs n’a d’ autre nom que celui de l’instant, ô mélodieuse lassitude. Vivre ainsi
1219 luent tant de souvenirs n’a d’autre nom que celui de l’instant, ô mélodieuse lassitude. Vivre ainsi simplement. Sans pensé
1220 insi simplement. Sans pensée, perdus dans un soir de n’importe où, un soir de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe
1221 sée, perdus dans un soir de n’importe où, un soir de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe de pureté. Deux phrases
1222 r de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe de pureté. Deux phrases rapides ondulent dans l’air lourd. Le chant desc
1223 ennent au ras du fleuve sombre. Nul désir en nous de comprendre ce lamento. Le ciel est un silence qui s’impose à nos pens
1224 impose à nos pensées. Ici la vie n’a presque plus de sens, comme le fleuve. Elle n’est qu’odeurs, formes mouvantes, remous
1225 rait sacrilège, comme une barre droite au travers d’ un tableau. Nos yeux ont regardé longtemps — où va l’âme durant ces mi
1226 s sèches… Puis la brume est venue comme une envie de sommeil. Une lampe dans la maison blanche nous a révélé proche la nui
1227 Nous nous sommes retournés vers la ville. Fleurs de lumières sur les champs sombres du ciel de l’est, et une façade parfa
1228 Fleurs de lumières sur les champs sombres du ciel de l’est, et une façade parfaite répond encore au couchant. San Miniato
1229 ent des ombres informes et des harmonies troubles de parfums et de courbes compliquées. Nous secouons un sortilège pénétra
1230 informes et des harmonies troubles de parfums et de courbes compliquées. Nous secouons un sortilège pénétrant comme cette
1231 ds et faibles, caressant en nous la lâche volupté de sentir l’esprit se défaire et couler sans fin vers un sommeil à l’ode
1232 et couler sans fin vers un sommeil à l’odeur fade de fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse d’être pliée au vent
1233 s un sommeil à l’odeur fade de fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse d’être pliée au vent qui ne parle jamais. N
1234 e fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse d’ être pliée au vent qui ne parle jamais. Nous fûmes si près de choir da
1235 ui nous enivrait, promettant à nos sens, fatigués de l’esprit qui les exerce, des voluptés plus faciles — pour infuser dan
1236 lus faciles — pour infuser dans nos corps charmés d’ un repos sans rêves une langueur dont on ne voudrait plus guérir… Mais
1237 rbes qu’épousent nos ferveurs, angles purs, repos de l’esprit qui s’appuie sur son œuvre ! La sérénité de cette façade éle
1238 l’esprit qui s’appuie sur son œuvre ! La sérénité de cette façade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe d’un équilibre
1239 façade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe d’ un équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près de nous, érigeait l’
1240 t le signe d’un équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près de nous, érigeait l’image de la lutte et des forces humaine
1241 grand pont de fer, près de nous, érigeait l’image de la lutte et des forces humaines, et rendait sous des coups un son qui
1242 sous des coups un son qui nous évoqua les rumeurs de villes d’usines. Il y avait la vie des hommes pour demain, et il étai
1243 oups un son qui nous évoqua les rumeurs de villes d’ usines. Il y avait la vie des hommes pour demain, et il était beau d’y
1244 t la vie des hommes pour demain, et il était beau d’ y songer un peu avant de nous abandonner à l’oubli luxueux des rues. L
1245 es formes devinées dans l’espace nous environnent d’ une obscure confiance. Livrons-nous aux jeux des hommes-qui-font-des-g
1246 tes. Les autos répètent sans fin les notes mêlées d’ une symphonie qui va peut-être composer tous les bruits de la ville en
1247 mphonie qui va peut-être composer tous les bruits de la ville en un chant immense. Il passe une possibilité de bonheur par
1248 lle en un chant immense. Il passe une possibilité de bonheur par personne et les devantures ne cherchent qu’à vous plaire.
1249 rabesque des sentiments et le mouvement perpétuel de l’amour. Plaisir de se sentir engagé dans un système d’ondes de force
1250 nts et le mouvement perpétuel de l’amour. Plaisir de se sentir engagé dans un système d’ondes de forces qui tisse la nuit
1251 mour. Plaisir de se sentir engagé dans un système d’ ondes de forces qui tisse la nuit vibrante, intérêts, politesses, poli
1252 aisir de se sentir engagé dans un système d’ondes de forces qui tisse la nuit vibrante, intérêts, politesses, politiques,
1253 des musées ! — et si tu veux soudain le son grave de l’infini, pour être seul parmi la foule, lève les yeux, au plus beau
1254 les yeux, au plus beau ciel du monde. h. « Soir de Florence », La Semaine littéraire, Genève, n° 1715, 13 novembre 1926,
33 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jacques Spitz, La Croisière indécise (décembre 1926)
1255 lques idées graves en leur présentant les miroirs de personnages cocasses à souhait, qui manifestent, avec un certain manq
1256 souhait, qui manifestent, avec un certain manque de conviction et des poses de mannequins, les tendances contradictoires
1257 avec un certain manque de conviction et des poses de mannequins, les tendances contradictoires d’un individu. C’est pour t
1258 oses de mannequins, les tendances contradictoires d’ un individu. C’est pour traiter ce sujet pirandellien qu’on s’embarque
1259 pirandellien qu’on s’embarque dans une croisière de vacances, qui finit par un naufrage dans la littérature, le navire su
1260 oit réellement amusant, et qu’il trouve une sorte d’ unité vivante dans le rythme des désirs jamais simultanés de ses petit
1261 vante dans le rythme des désirs jamais simultanés de ses petits héros. M. Spitz cherche à faire sourire, on le sent ; pour
1262 (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1926, p. 810.
34 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alfred Colling, L’Iroquois (décembre 1926)
1263 Iroquois (décembre 1926)z Ce roman a le charme d’ un automne, une amertume enveloppée, une atmosphère trop claire où les
1264 ur fatigué se reprend à souffrir, il ne sait plus de quels souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette d’un amour réveil
1265 els souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette d’ un amour réveillé l’envahit. Et Closain rencontre, dans l’inévitable b
1266 osain rencontre, dans l’inévitable bar, le couple de juifs espagnols qui va l’entraîner avec son mauvais cœur, dans une av
1267 uteur ne se soit pas mieux abandonné à son sujet, d’ un pathétique assez neuf. z. « Alfred Colling : L’Iroquois (Émile-Pa
1268 Paul, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1926, p. 810-811.
35 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)
1269 André Malraux, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’Europe à un França
1270 l’Occident (décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’ Europe à un Français qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton
1271 inois écrit d’Europe à un Français qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton des Lettres persanes : le Chinois s’ét
1272 e on devine une détresse. C’est encore une vision de l’Occident qui naît de ce petit livre si dense, si inquiétant. Le Chi
1273 e. C’est encore une vision de l’Occident qui naît de ce petit livre si dense, si inquiétant. Le Chinois voit dans l’Europe
1274 « une barbarie attentivement ordonnée, où l’idée de la civilisation et celle de l’ordre sont chaque jour confondues ». No
1275 t ordonnée, où l’idée de la civilisation et celle de l’ordre sont chaque jour confondues ». Nous cherchons à conquérir non
1276 humilions sans trêve notre sensibilité au profit de ce « mythe cohérent » vers quoi tend notre esprit. La passion apparaî
1277 cadres — perpétuel conflit du réel avec nos rêves de puissance : notre ambition la plus haute échoue. La tristesse règne s
1278 tesse règne sur nos villes. (Neurasthénie, ce mal de l’Occident.) Et notre vertu suprême, aussi, est douloureuse : le sacr
1279 té essentielle » que le Chinois distingue au cœur de la vie occidentale apparaît mieux par la comparaison de l’idéal asiat
1280 vie occidentale apparaît mieux par la comparaison de l’idéal asiatique avec le nôtre. Mais je crois que toute intelligence
1281 ritiques du Chinois et sympathiser avec son idéal de culture. Il n’y a pas là deux points de vue irréductibles, du moins M
1282 es, du moins M. Malraux a fait parler son Chinois de telle façon qu’ils ne le paraissent point. Et alors le relativisme an
1283 lativisme angoissant qui semblait devoir résulter de cette confrontation, s’évanouit : c’est bien plutôt une unité supérie
1284 évanouit : c’est bien plutôt une unité supérieure de l’esprit humain que nous découvrons, et qui nous permettra de juger à
1285 humain que nous découvrons, et qui nous permettra de juger à notre tour certaines démences qui enfièvrent l’Europe. Tandi
1286 us prenons chaque jour une conscience plus claire de la vanité de nos buts, « capables d’agir jusqu’au sacrifice, mais ple
1287 aque jour une conscience plus claire de la vanité de nos buts, « capables d’agir jusqu’au sacrifice, mais pleins de dégoût
1288 plus claire de la vanité de nos buts, « capables d’ agir jusqu’au sacrifice, mais pleins de dégoût devant la volonté d’act
1289 « capables d’agir jusqu’au sacrifice, mais pleins de dégoût devant la volonté d’action qui tord aujourd’hui notre race… ».
1290 acrifice, mais pleins de dégoût devant la volonté d’ action qui tord aujourd’hui notre race… ». Et peut-être n’est-il pas d
1291 ourd’hui notre race… ». Et peut-être n’est-il pas de position plus périlleuse, puisqu’elle risque de ne laisser subsister
1292 s de position plus périlleuse, puisqu’elle risque de ne laisser subsister en nous qu’un « étrange goût de la destruction e
1293 ne laisser subsister en nous qu’un « étrange goût de la destruction et de l’anarchie, exempt de passion, divertissement su
1294 en nous qu’un « étrange goût de la destruction et de l’anarchie, exempt de passion, divertissement suprême de l’incertitud
1295 e goût de la destruction et de l’anarchie, exempt de passion, divertissement suprême de l’incertitude… » aa. « André Mal
1296 archie, exempt de passion, divertissement suprême de l’incertitude… » aa. « André Malraux : La Tentation de l’Occident (
1297 certitude… » aa. « André Malraux : La Tentation de l’Occident (Grasset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de G
1298 sset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1926, p. 811-812.
36 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)
1299 Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)b Nous voyons un mythe prendre corps p
1300 us voyons un mythe prendre corps parmi les ruines de ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’une anarchie dont on
1301 de ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’ une anarchie dont on ne veut pas avouer qu’elle est plus nécessaire —
1302 us trompant nous-mêmes, sous le prétexte toujours de probité intellectuelle ou de courage moral, nous avons élevé à la hau
1303 le prétexte toujours de probité intellectuelle ou de courage moral, nous avons élevé à la hauteur d’une vertu première — e
1304 u de courage moral, nous avons élevé à la hauteur d’ une vertu première — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi n
1305 e vertu première — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi nous obligeaient en réalité on sait quel dégoût, et cer
1306 n réalité on sait quel dégoût, et certains désirs de grabuge moins avouables, — la sincérité, masque fier et un peu doulou
1307 e originale : tant qu’à la fin la notion concrète de sincérité s’évanouit en mille définitions tendancieuses et contradict
1308 e ; envers votre idéal ou envers les fluctuations de votre moi ? Votre sincérité est-elle consentement immédiat à toute im
1309 me telle qu’elle est » (Rivière), ou encore refus de choisir, volonté de tout conserver en soi ? Ou bien une attitude en q
1310  » (Rivière), ou encore refus de choisir, volonté de tout conserver en soi ? Ou bien une attitude en quelque sorte scienti
1311 cientifique, à la fois curieuse et désintéressée, de naturaliste de l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’est pas encor
1312 la fois curieuse et désintéressée, de naturaliste de l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’est pas encore mêlé de l’aff
1313 reusement que M. Brémond ne s’est pas encore mêlé de l’affaire. Au reste, on n’a pas attendu les éclaircissements du subti
1314 us rien comprendre. ⁂ Qu’on imagine un personnage de tableau se mettre à décrire ce qu’il voit autour de lui — et l’étonne
1315 ectateur. Pour parler avec un peu de clairvoyance de ce dont nous avons vécu jusqu’à tel jour de notre jeunesse, il faudra
1316 yance de ce dont nous avons vécu jusqu’à tel jour de notre jeunesse, il faudrait pouvoir sauter hors de soi. Seule, une mé
1317 it pouvoir sauter hors de soi. Seule, une méthode d’ observation et de déduction passablement sèche pourrait nous donner l’
1318 hors de soi. Seule, une méthode d’observation et de déduction passablement sèche pourrait nous donner l’illusion et peut-
1319 donner l’illusion et peut-être certains bénéfices de cette opération idéale. En même temps, la froideur d’une telle méthod
1320 ette opération idéale. En même temps, la froideur d’ une telle méthode atténuerait dans une certaine mesure — parce que néc
1321 aine mesure — parce que nécessaire — ce qu’il y a de déplaisant dans l’effort d’un esprit pour se dégager de confusions au
1322 ssaire — ce qu’il y a de déplaisant dans l’effort d’ un esprit pour se dégager de confusions aussi perfides et si profondém
1323 laisant dans l’effort d’un esprit pour se dégager de confusions aussi perfides et si profondément mêlées à ses plus chères
1324 ères sont aussi les moins calculés », écrit Gide. D’ où l’on peut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits
1325 », écrit Gide. D’où l’on peut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits justifient : sincérité = spontanéit
1326 rousseauiste, inspire, explique un vaste domaine de la littérature contemporaine. Cette sorte-là de sincérité, on la nomm
1327 e de la littérature contemporaine. Cette sorte-là de sincérité, on la nomme gratuité. Lafcadio poussant Fleurissoire « pou
1328 ui aboutit naguère au surréalisme. Tous les héros de roman se sont mis à gesticuler « gratuitement ». Et les critiques d’a
1329 iculer « gratuitement ». Et les critiques d’abord de s’indigner. Aujourd’hui, on les voit assez enchantés de l’affaire : «
1330 ndigner. Aujourd’hui, on les voit assez enchantés de l’affaire : « Gratuit ! », déclarent-ils chaque fois qu’ils ne compre
1331 audrait s’entendre. Et, ici encore, prenons garde de confondre le plan littéraire avec le plan moral. Telle action peut pa
1332 e personnage. Mais quant à l’auteur, il n’y a pas de gratuité. Le geste le plus incongru du héros n’est jamais que le résu
1333 us incongru du héros n’est jamais que le résultat d’ un mécanisme inconscient, aussi révélateur du personnage que ses actio
1334 t gratuit que relativement à un système restreint de références. Il résulte de semblables considérations, dans le domaine
1335 à un système restreint de références. Il résulte de semblables considérations, dans le domaine de la morale, que le meill
1336 lte de semblables considérations, dans le domaine de la morale, que le meilleur moyen de se livrer à ses déterminants, c’e
1337 ns le domaine de la morale, que le meilleur moyen de se livrer à ses déterminants, c’est de mener la vie gratuite que récl
1338 leur moyen de se livrer à ses déterminants, c’est de mener la vie gratuite que réclament les surréalistes. Le contraire de
1339 uite que réclament les surréalistes. Le contraire de la liberté. D’autre part, on veut donner à l’acte gratuit une valeur
1340 s secret dans la personnalité. Ce serait un moyen de connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins pittoresque
1341 Ce serait un moyen de connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins pittoresque et plus « entachée d’utilitaris
1342 is pour être moins pittoresque et plus « entachée d’ utilitarisme », la décision réfléchie, aussi peu gratuite que possible
1343 ision réfléchie, aussi peu gratuite que possible, d’ un Julien Sorel, est-elle moins révélatrice du fond de l’âme humaine ?
1344 e du fond de l’âme humaine ? Que si l’on s’étonne de me voir donner ici la préférence à l’acte volontaire, ou mieux : inté
1345 suffisamment son rôle en se bornant à nous donner de nous-mêmes une connaissance plus intense et plus émouvante ; mais la
1346 se et plus émouvante ; mais la morale, plutôt que de nous constater, doit nous construire — selon le mode le plus libre, l
1347 scurités, etc.). Supposons que j’éprouve un désir d’ action vive, un élan vers certain but précis. Ou bien j’aurais juste
1348 tain but précis. Ou bien j’aurais juste le temps de le noter avant de partir. Ou bien je me mettrai à l’analyser plus lon
1349 ent. Mais alors je le fausse, puisque je le prive de la puissance de se délivrer en gestes, en conséquences matérielles. C
1350 je le fausse, puisque je le prive de la puissance de se délivrer en gestes, en conséquences matérielles. Ce n’est plus l’é
1351 frein lui-même, bientôt — par un mouvement normal de l’attention — et fatalement c’est à la découverte d’une faiblesse que
1352 l’attention — et fatalement c’est à la découverte d’ une faiblesse que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomp
1353 e que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’ accomplir ce que l’élan appelait.   Second exemple. — J’éprouve le be
1354 ppelait.   Second exemple. — J’éprouve le besoin de faire le point : à quoi en suis-je, qui suis-je ? Je revois des actes
1355 ntiments que je crois avoir éprouvés à tel moment de mon passé. Parfois — rarement —, je parviens à me souvenir de certain
1356 . Parfois — rarement —, je parviens à me souvenir de certaines sensations profondes et indéfinies (telle sensation physiqu
1357 profondes et indéfinies (telle sensation physique de bonheur, dans une rue au coucher du soleil, des phares d’automobiles
1358 ur, dans une rue au coucher du soleil, des phares d’ automobiles étoilent le brouillard, les visages se cachent dans des fo
1359 dans des fourrures, personne ne sait la richesse de ta vie…). J’écris ces choses. Puis, dans un ancien carnet de notes, j
1360 . J’écris ces choses. Puis, dans un ancien carnet de notes, je retrouve un être si différent. Les gestes et les sentiments
1361 oposaient à mon souvenir ont été passés au crible de la minute où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’une image
1362 te où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’ une image plus précise, cette minute est baignée d’une lueur de triste
1363 ’une image plus précise, cette minute est baignée d’ une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du p
1364 lus précise, cette minute est baignée d’une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi
1365 te minute est baignée d’une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi de certains déco
1366 énité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi de certains décors modernes : vous changez l’éclairage, et la chaumière
1367 trospection : ce daltonisme du souvenir. Si l’un de ces deux procédés peut m’apprendre quelque chose, c’est bien le secon
1368 ait atteindre « la vérité sur soi » en se servant de la méthode indiquée dans le premier exemple. C’est un cas-limite, j’e
1369 , j’en conviens. Pourtant, n’est-ce pas le schéma de tout un genre littéraire moderne, cette espèce de confession romancée
1370 de tout un genre littéraire moderne, cette espèce de confession romancée dont les livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et
1371 tte espèce de confession romancée dont les livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les e
1372 e de confession romancée dont les livres de Bopp, d’ Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples l
1373 ssion romancée dont les livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples les plus ré
1374 livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples les plus récents et significatifs 
1375 us ces livres évoquent assez précisément la forme d’ un entonnoir. La vie serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. U
1376 se regarder vivre, le personnage à douter du sens de sa vie) et les forces centripètes l’emportent peu à peu, une aspirati
1377 t dans un râle, brusquement c’est le vide. Centre de soi, l’aspiration du néant. J’ai revu à l’envers le film de mon passé
1378 aspiration du néant. J’ai revu à l’envers le film de mon passé : ce qui était élan devient recul, et l’évocation de mes dé
1379 : ce qui était élan devient recul, et l’évocation de mes désirs anciens ne me restitue qu’un dégoût. J’ai cru que je pourr
1380 e n’assiste pas à moi-même, mais à la destruction de moi-même. Par les fissures, un instant, j’ai pu soupçonner des profon
1381 le chaos. Mon corps et moi, le livre si poignant de René Crevel, est la démonstration la plus cynique que je connaisse de
1382 la démonstration la plus cynique que je connaisse de ces ravages du sincérisme. Dans la solitude qu’il s’acharne à approfo
1383 ofondir — il était venu y chercher quelque raison de vivre, il voulait se voir le plus purement (« cette curiosité donnée
1384 s purement (« cette curiosité donnée comme raison d’ une perpétuelle attente »), — ce que l’auteur découvre c’est ce « merv
1385 uteur découvre c’est ce « merveilleux contraire » de l’élan vital qu’il nomme élan mortel — générateur de l’incurable tris
1386 l’élan vital qu’il nomme élan mortel — générateur de l’incurable tristesse qui rôde dans certaine littérature d’aujourd’hu
1387 able tristesse qui rôde dans certaine littérature d’ aujourd’hui. J’ai dit : ravages du sincérisme. C’est plus exactement f
1388 plus exactement faillite qu’il faudrait. Faillite de toute introspection, en littérature et en morale. Impossibilité de fa
1389 ction, en littérature et en morale. Impossibilité de faire mon autoportrait moral : je bouge tout le temps. Danger de fair
1390 toportrait moral : je bouge tout le temps. Danger de faire mon autoportrait moral : je me compose plus laid que nature. Fa
1391 e suis avisé que l’homme éprouve ce qu’il imagine d’ éprouver. » Non. Car à supposer que l’analyse nous crée, elle ne nous
1392 est ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage d’ un enrichissement, d’une consolidation de l’individu mais avant tout u
1393 s cet effort sur soi le gage d’un enrichissement, d’ une consolidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaît
1394 le gage d’un enrichissement, d’une consolidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaître. Cependant, n’est
1395 solidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaître. Cependant, n’est-ce pas lui-même qui ajoutait que l’hom
1396 ncère « en vient à ne plus pouvoir même souhaiter d’ être différent », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la
1397 haiter d’être différent », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la sincérité envisagée comme moyen de connaiss
1398  », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la sincérité envisagée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’
1399 grès moral. De la sincérité envisagée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’un Crevel nous montre assez ce qu’il f
1400 sagée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’ un Crevel nous montre assez ce qu’il faut penser2. Il ne s’en suit pas
1401 assez étroites empiriquement fournies par le sens de son intérêt propre, une analyse sincère ne puisse faire découvrir que
1402 découvrir quelques richesses et ne serve parfois de contrôle efficace. Mais les bénéfices sont maigres en regard des dang
1403 r, tant dans le domaine littéraire que dans celui de l’action. En littérature : refus de construire, de composer ; impuiss
1404 ue dans celui de l’action. En littérature : refus de construire, de composer ; impuissance à inventer. Car inventer, c’est
1405 e l’action. En littérature : refus de construire, de composer ; impuissance à inventer. Car inventer, c’est se porter à l’
1406 Car inventer, c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et, d’un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquo
1407 r, c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et, d’ un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquoi les romanc
1408 créer des personnages ? C’est parce qu’une sorte de sincérité les retient d’imposer aux héros ce rythme volontaire par le
1409 C’est parce qu’une sorte de sincérité les retient d’ imposer aux héros ce rythme volontaire par lequel un Balzac les fait v
1410 lairement. En morale : défaitisme quand il s’agit de gestes qui pourraient entraîner des effets imprévisibles, « réalisme 
1411  réalisme » décourageant, et, bientôt, incapacité d’ agir efficacement. (Il faut, pour sauter, une confiance dans l’élan qu
1412 paraît impossible, absurde.) Enfin, désagrégation de la personnalité, car l’analyse la plus savante, comme l’a fort bien d
1413 ments du moi, moins le principe unificateur ». De quelques sophismes libérateurs La fonction de l’homme est aussi bi
1414 De quelques sophismes libérateurs La fonction de l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sin
1415 érateurs La fonction de l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’un Riviè
1416 fonction de l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’un Rivière n’a plus ri
1417 e de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’ un Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sinc
1418 La sincérité obstinée d’un Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sincérité ? Trop sincère, pas s
1419 n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sincérité ? Trop sincère, pas sincère. Ou bien si l’on prétend que
1420 la sincérité est la recherche, puis l’acceptation de toute tendance du moi, je réponds que le mensonge est sincère aussi,
1421 mensonge est sincère aussi, qui révèle mon besoin de mentir. Il devient dès lors impossible de faire rien qui ne soit sinc
1422 besoin de mentir. Il devient dès lors impossible de faire rien qui ne soit sincère. Peut-on véritablement se mentir à soi
1423 z pour qu’ils vous aident3 — mais jamais au point d’ oublier la vérité qu’on désirait qu’ils cachent pour un moment. « L’ar
1424 ire à la vie, n’est-ce pas être sincère aussi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’indétermination violente
1425 ssi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’indétermination violente qu’est la sincérité selon Rivière. La sinc
1426 ans le vide qu’exige toute foi ; c’est la volonté de sincérité, c’est-à-dire une sincérité tournée au vice, invertie, qui
1427 sincérité tournée au vice, invertie, qui retient de l’oser. Petite anthologie ou que le « style » est de l’homme même
1428 ser. Petite anthologie ou que le « style » est de l’homme même J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce
1429 l’homme même J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaien
1430 s à peu près à ce point de mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient d’appeler sincérité et q
1431 t de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient d’ appeler sincérité et qui me devenait inintelligible en même temps qu’o
1432 inintelligible en même temps qu’odieux. Au hasard de quelques lectures, je pris note des passages suivants (les paraphrase
1433 ote des passages suivants (les paraphraser serait d’ une ingratitude insigne — ils marquent au reste fort bien les jalons d
1434 igne — ils marquent au reste fort bien les jalons de cette recherche) : Puissiez-vous avouer moins de sincérité et montre
1435 de cette recherche) : Puissiez-vous avouer moins de sincérité et montrer plus de style. (Georges Duhamel.) … Nous ne somm
1436 ez-vous avouer moins de sincérité et montrer plus de style. (Georges Duhamel.) … Nous ne sommes pas, nous nous créons. Cer
1437 n qui altérerait leur moi ; ils ne souhaitent que d’ être leur propre témoin, intelligent mais immobile : ce sont les mêmes
1438 istant pas ? (François Mauriac.) La valeur morale de M. Godeau serait définie par l’aspect seul qu’il souffrirait de garde
1439 erait définie par l’aspect seul qu’il souffrirait de garder lui-même à son propre regard. Ainsi la valeur morale d’un homm
1440 -même à son propre regard. Ainsi la valeur morale d’ un homme équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable d’entretenir
1441 équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable d’ entretenir sur lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu’on appelle une œuv
1442 appelle une œuvre sincère est celle qui est douée d’ assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un
1443 une œuvre sincère est celle qui est douée d’assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un rôle ?
1444 celle qui est douée d’assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un rôle ? Oui. Mais si le perso
1445 me même. (André Maurois.) (Quel effroi, ce jour de l’adolescence où l’on soupçonne pour la première fois que certains, p
1446 paraît plus sinistre à la sincérité presque pure de cet âge. Mais il le faut dépasser.)   Si j’en crois l’intensité d’un
1447 il le faut dépasser.)   Si j’en crois l’intensité d’ un sentiment intime, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma
1448 time, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma joie est plus réel que celui qu’une analyse désolée s’imaginait re
1449 rs, ce n’est pas lâcher la proie pour l’ombre que de tendre vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité d’y aller par
1450 vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité d’ y aller par les moyens les plus efficaces ? Mais on nommera cela de l’
1451 moyens les plus efficaces ? Mais on nommera cela de l’hypocrisie. Soit, j’accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge de l’
1452 Soit, j’accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge de l’hypocrisie Non, non !… Debout dans l’ère successive ! Brisez, mo
1453 ................. Le vent se lève, il faut tenter de vivre. Paul Valéry. Certes, du sein de ma triste lucidité, je t’ava
1454 t tenter de vivre. Paul Valéry. Certes, du sein de ma triste lucidité, je t’avais déjà invoquée, hypocrisie consolante e
1455 Mais tu m’offrais un visage un peu crispé, signe d’ une ironie secrète et pour moi douloureuse encore. Pitoyable, trop vis
1456 ent, tu prêtais bien quelques voiles à mon dégoût d’ un moi que la vie me montrait si désespérément vrai, tyrannique, insuf
1457 rément vrai, tyrannique, insuffisant. Mais un pli de ta lèvre, un peu sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’u
1458 sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’ un idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux a
1459 quand mon esprit partait dans le rêve d’un idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aimée ; d’au
1460 t dans le rêve d’un idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aimée ; d’autres soirs, alors qu’une
1461 ux aimée ; d’autres soirs, alors qu’une symphonie de joies émanait de toute la vie : chaque chose proposait une ferveur no
1462 es soirs, alors qu’une symphonie de joies émanait de toute la vie : chaque chose proposait une ferveur nouvelle, et chaque
1463 tat de grâce, un amour — ne pouvait se satisfaire de telle possession particulière, ne pouvait non plus s’imaginer qu’elle
1464 ement à l’invite que je soupçonnais la plus riche d’ inconnu, je m’élançais sur la voie qu’elle m’ouvrait, avec tant de rir
1465 is, vers tout ce que momentanément je choisissais de laisser — et des baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’
1466 baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’ attribuer comme objet à ma jubilation, non pas ce but peut-être dériso
1467 vers quoi je me portais, mais bien ces figurants de mon bonheur que je me conciliais pour des retours possibles. C’est ai
1468 C’est ainsi que fidèle à soi-même au plus profond de l’être, on entretient comme une arrière-pensée sagace et obstinée l’a
1469 une arrière-pensée sagace et obstinée l’assurance d’ une continuité entre ses actions et ses désirs, un quant-à-soi qui ne
1470 discrètement les décisions et les rend complices d’ un dessein logique, peut-être lointain, en quoi consiste l’unité la pl
1471 lointain, en quoi consiste l’unité la plus réelle de l’individu — en dehors du corps. Et ce ne sont point là jeux d’idées
1472 — en dehors du corps. Et ce ne sont point là jeux d’ idées et jongleries verbales. Regards au-dessus de l’amour ! Voir l’he
1473 d’idées et jongleries verbales. Regards au-dessus de l’amour ! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte d’un adieu et
1474 ur ! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte d’ un adieu et calculer rapidement le retour à une fidélité plus profonde
1475 une volonté — si profonde qu’elle n’a pas besoin de s’expliciter pour être efficace — qui m’interdit de nommer ce dont je
1476 s’expliciter pour être efficace — qui m’interdit de nommer ce dont je ne veux plus souffrir. (Car il n’est peut-être qu’u
1477 s souffrir. (Car il n’est peut-être qu’une espèce de souffrance véritablement insupportable, c’est celle qu’on tire de soi
1478 ritablement insupportable, c’est celle qu’on tire de soi-même.) Hypocrisie, ce sourire des sphinx ; hypocrisie, masque amb
1479 ce sourire des sphinx ; hypocrisie, masque ambigu d’ une liberté plus précieuse que toute certitude… Ô vérité, ma vérité, n
1480 é, ma vérité, non pas ce que je suis, mais ce que de toute mon âme je veux être !… 1. La véritable description de l’éla
1481 me je veux être !… 1. La véritable description de l’élan supposé dans le premier exemple, ce serait le récit des gestes
1482 ychologie moderne souligne la quasi-impossibilité de traduire un dynamisme directement dans notre langage statique. 3. « 
1483 langage statique. 3. « Et certes quand il s’agit de parole ou d’écriture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’un
1484 que. 3. « Et certes quand il s’agit de parole ou d’ écriture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’un désir de cert
1485 ffirmation prouve moins une certitude qu’un désir de certitude né de quelque doute au fond. » (René Crevel) b. « Paradoxe
1486 e moins une certitude qu’un désir de certitude né de quelque doute au fond. » (René Crevel) b. « Paradoxe de la sincérité
1487 que doute au fond. » (René Crevel) b. « Paradoxe de la sincérité », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fr
1488 é Crevel) b. « Paradoxe de la sincérité », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 1, décembre 19
37 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Avant-propos (décembre 1926)
1489 ise humeur qui flotte dans l’air nous proposerait de débuter par l’inévitable discours sur les difficultés du temps, en gé
1490 celles en particulier qu’implique la publication de notre revue. Mais nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait de m
1491 is nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait de mauvaise méthode. Et, comme M. Coué, nous nous persuadons que tout ir
1492 jamais, nous semble-t-il, notre revue a sa raison d’ être. La vie d’aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou
1493 mble-t-il, notre revue a sa raison d’être. La vie d’ aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou à refuser de n
1494 le sait, nous oblige à nous affirmer ou à refuser de nous affirmer avec une netteté qui a pu paraître parfois quelque peu
1495 que nous éprouvons irrésistiblement l’obligation d’ être nous-mêmes. Et, disons-le tout de suite, c’est en cela uniquement
1496 s n’est-ce pas la meilleure raison pour nos aînés de chercher plus patiemment encore à nous comprendre et de nous accorder
1497 rcher plus patiemment encore à nous comprendre et de nous accorder une confiance sans laquelle nous ne saurions aller, et
1498 s, ce sont les jeunes qui passent… » Pas question de les saluer ni d’emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place a
1499 unes qui passent… » Pas question de les saluer ni d’ emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place au spectacle qu’il
1500 e les saluer ni d’emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place au spectacle qu’ils offrent et de les considérer ave
1501 e retenir sa place au spectacle qu’ils offrent et de les considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’écrier : « Apr
1502 les considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on
1503 cile de s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais
1504  : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais on est toujours
1505 uge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume d’ appeler notre « désordre ». Mais on est toujours le fils de quelqu’un…
1506 notre « désordre ». Mais on est toujours le fils de quelqu’un… Et, peut-être, la considération du « déluge » peut-elle fa
1507 eur bénévole, un exercice mensuel à votre faculté d’ indulgence. Par contre, nous nous empressons de vous laisser le soin d
1508 té d’indulgence. Par contre, nous nous empressons de vous laisser le soin de juger si nous avons de quoi faire les modeste
1509 tre, nous nous empressons de vous laisser le soin de juger si nous avons de quoi faire les modestes…   Être nous-mêmes, av
1510 ns de vous laisser le soin de juger si nous avons de quoi faire les modestes…   Être nous-mêmes, avons-nous dit, c’est à l
1511 plus » ; nous ne voulons pas être « l’expression de la jeunesse romande ». Nous sommes autre chose. (Belles-Lettres est t
1512 indéfinissable, comme toute chose vivante… Gerbe de fleurs disparates, aux tiges divergentes, mais qu’un ruban rouge et v
1513 , mais qu’un ruban rouge et vert lie par la grâce d’ une volonté sans doute divine… a. « Avant-propos », Revue de Belles-
1514 é sans doute divine… a. « Avant-propos », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 1, décembre 19
38 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Louis Aragon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)
1515 Louis Aragon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)ab « Je n’admets pas qu’on reprenne mes parole
1516 s, qu’on me les oppose. Ce ne sont pas les termes d’ un traité de paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour le
1517 les oppose. Ce ne sont pas les termes d’un traité de paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour les critiques,
1518 ur temps à recenser les incohérences pittoresques de ce petit livre. Quant à ceux que certaines envolées magnifiques et ha
1519 il leur réserve mieux encore : après une kyrielle d’ injures qui ne font pas honneur à l’imagination d’autres fois si prest
1520 ent ce que je dis ». Il y a chez Aragon une folie de la persécution, qui se cherche partout des prétextes, et une passion
1521 et une passion farouche pour la liberté, qui font de cet ombrageux personnage une manière de Rousseau surréaliste. Devant
1522 qui font de cet ombrageux personnage une manière de Rousseau surréaliste. Devant cette ostentation de révolte, ce mélange
1523 de Rousseau surréaliste. Devant cette ostentation de révolte, ce mélange de fanfaronnade et d’intense désespoir, on songe
1524 . Devant cette ostentation de révolte, ce mélange de fanfaronnade et d’intense désespoir, on songe au Frank de La Coupe et
1525 ntation de révolte, ce mélange de fanfaronnade et d’ intense désespoir, on songe au Frank de La Coupe et les Lèvres, à qui
1526 ses compagnons criaient : « Te fais-tu le bouffon de ta propre détresse ? » Tant d’insistance dans le mauvais goût ne m’em
1527 fais-tu le bouffon de ta propre détresse ? » Tant d’ insistance dans le mauvais goût ne m’empêchera pas de le dire, Aragon
1528 nsistance dans le mauvais goût ne m’empêchera pas de le dire, Aragon possède le tempérament le plus hardi et le plus origi
1529 le tempérament le plus hardi et le plus original de la jeune littérature française. Il le proclame « J’appartiens à la gr
1530 nts ». Génie inégal s’il en fut, voici parmi trop de talents intéressants, un écrivain qui s’impose avec des qualités et d
1531 tre littérature pour trouver semblable domination de la langue. Et parmi les modernes, il bat tous les records de l’image,
1532 e. Et parmi les modernes, il bat tous les records de l’image, ce qui nous vaut avec des bizarreries fatigantes et quelques
1533 fatigantes et quelques sombres délires, des pages d’ un lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de justifier s
1534 isme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de justifier ses visions par le moyen d’une métaphysique aussi prétentie
1535 ie pas tenu de justifier ses visions par le moyen d’ une métaphysique aussi prétentieuse qu’incertaine. Son affaire, c’est
1536 l’hallucination du décor des capitales, créatrice d’ un merveilleux de chaque instant, d’une véritable « mythologie moderne
1537 u décor des capitales, créatrice d’un merveilleux de chaque instant, d’une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de
1538 es, créatrice d’un merveilleux de chaque instant, d’ une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite
1539 d’une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite de promenades dont la composition n’est pas sans
1540 logie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite de promenades dont la composition n’est pas sans rappeler celle des Nuit
1541 mposition n’est pas sans rappeler celle des Nuits d’ octobre de Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer de la phil
1542 d’octobre de Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer de la philosophie au lyrisme le plus échevelé en passant par
1543 Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer de la philosophie au lyrisme le plus échevelé en passant par la descript
1544 n passant par la description réaliste ou imaginée d’ une boîte de nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le
1545 r la description réaliste ou imaginée d’une boîte de nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur liv
1546 ription réaliste ou imaginée d’une boîte de nuit, d’ une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’a
1547 ou imaginée d’une boîte de nuit, d’une devanture, d’ un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur d’Anicet. C
1548 d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur d’Anicet. C’est pourtant un des plus significatifs du romant
1549 ublic. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur d’ Anicet. C’est pourtant un des plus significatifs du romantisme nouveau
1550 e, un Nerval sans pudeur, un Musset ivre non plus de vin de France, mais d’alcools pleins de démons, de drogues peut-être
1551 erval sans pudeur, un Musset ivre non plus de vin de France, mais d’alcools pleins de démons, de drogues peut-être mortell
1552 r, un Musset ivre non plus de vin de France, mais d’ alcools pleins de démons, de drogues peut-être mortelles. ab. « Loui
1553 non plus de vin de France, mais d’alcools pleins de démons, de drogues peut-être mortelles. ab. « Louis Aragon : Le Pay
1554 e vin de France, mais d’alcools pleins de démons, de drogues peut-être mortelles. ab. « Louis Aragon : Le Paysan de Pari
1555 -être mortelles. ab. « Louis Aragon : Le Paysan de Paris (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Ge
1556 (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvier 1927, p. 123-124.
39 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Billets aigres-doux (janvier 1927)
1557 dues Sur le mont gris pâlissants Des bouquets de vagues brumes. Insulter ta beauté froide ? Oui, mais à qui s’adresser
1558 s pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe d’ un faux nom. c. « Billets aigres-doux », Revue de Belles-Lettres,
1559 n faux nom. c. « Billets aigres-doux », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 2, janvier 192
40 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)
1560 Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)d Comme le démiurge venait de peser sur le
1561 ateur des étoiles… l’une, se décrochant sans plus d’ hésitation, se mit à pérégriner dans les régions de chasse gardée du c
1562 ’hésitation, se mit à pérégriner dans les régions de chasse gardée du ci-devant soleil. C’est là qu’Urbain, premier du nom
1563 famille, laquelle n’avait compté jusqu’alors que d’ authentiques avocats et un chapelier dont tous s’accordaient à dire qu
1564 accordaient à dire qu’il ne péchait que par excès de bonne humeur printanière, Urbain donc, premier mauvais garçon d’une r
1565 printanière, Urbain donc, premier mauvais garçon d’ une race entre toutes bénie — par qui ? elle était anticléricale, on n
1566 pudiquement dissimulé. Vers 1 heure, elle éclaira d’ une rose caresse lumineuse la chevelure rouge d’Urbain, et son nez, le
1567 a d’une rose caresse lumineuse la chevelure rouge d’ Urbain, et son nez, lequel, par ses dimensions remarquablement exagéré
1568 s remarquablement exagérées, lui valait le surnom de Bin-Bin. Urbain ouvrit les yeux et ne vit rien. On rappelle que les é
1569 On rappelle que les étoiles s’étaient décrochées de leur poste dans l’éternité. « Éternité désaffectée, c’est bien dommag
1570 s irons chercher dans le souvenir les vent-coulis de la mort. Garçon, un café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de
1571 un café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de sa vie normale et s’approchait en faisant la roue — celle à qui souri
1572 oue — celle à qui sourit la Fortune. Urbain, fort d’ une hérédité judiciaire et française, dédaigna des avances que la pert
1573 e et française, dédaigna des avances que la perte de son sens de l’éternel rendait pourtant considérables, au sens étymolo
1574 se, dédaigna des avances que la perte de son sens de l’éternel rendait pourtant considérables, au sens étymologique du ter
1575 pleurait, sentimentale. d. « L’individu atteint de strabisme. Conte métaphysique », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Ne
1576 atteint de strabisme. Conte métaphysique », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 2, janvier 192
41 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Dans le Style (janvier 1927)
1577 Dans le Style (janvier 1927)e Nous recevons d’ un bellettrien facétieux cet « Hommage à Paul Morand » : Billet circ
1578  : Billet circulaire pour Paul Morand, auteur de « Lewis et Irène » L’auteur de maint roman de caractère gras quitte
1579 ul Morand, auteur de « Lewis et Irène » L’auteur de maint roman de caractère gras quitte Charing-Cross, songeant aux titr
1580 ur de « Lewis et Irène » L’auteur de maint roman de caractère gras quitte Charing-Cross, songeant aux titres, aux tire-l’
1581 matique, fait balle au cerveau du poète qui meurt de sommeil naturel. Le tunnel sous la Manche escamoté, le train dépose d
1582 tenant des Anglais fragiles. L’aube tire un écran de pluies sur le paysage commercial. Terminus : Morand, s’éveillant en f
1583 : Mardi dernier a été célébré en l’église grecque de la rue Georges Bizet le mariage de M. Paul Morand avec la princesse H
1584 église grecque de la rue Georges Bizet le mariage de M. Paul Morand avec la princesse Hélène-C. Soutzo. Les témoins étaien
1585 la mariée : Son Excellence M. Diamanty, ministre de Roumanie à Paris. C’est encore mieux dans le style. e. « Dans le st
1586 ieux dans le style. e. « Dans le style », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 2, janvier 192
42 1927, Articles divers (1924–1930). Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)
1587 Conférence d’ Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1
1588 Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)i Le sujet que M. Esmonin, pro
1589 e M. Esmonin, professeur à la Faculté des lettres de Grenoble, traita mardi soir à la Grande salle des Conférences, devant
1590 un des plus passionnants et des plus controversés de l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile de reste
1591 ants et des plus controversés de l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile de rester impartial. M. Lomb
1592 L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile de rester impartial. M. Lombard, recteur de l’Université, en introduisan
1593 ifficile de rester impartial. M. Lombard, recteur de l’Université, en introduisant le conférencier, a fait allusion aux di
1594 cation. M. Esmonin, lui, se place au point de vue de l’historien scrupuleux, qui juge d’après les textes, les causes et le
1595 (Cette attitude est plus rare qu’on ne le croit, de nos jours.) M. Esmonin montra avec beaucoup de clarté comment, entre
1596 avec beaucoup de clarté comment, entre 1578, date de la proclamation de l’édit, et 1685, date de la révocation, la France
1597 arté comment, entre 1578, date de la proclamation de l’édit, et 1685, date de la révocation, la France passa de la plus gr
1598 date de la proclamation de l’édit, et 1685, date de la révocation, la France passa de la plus grande liberté à la plus gr
1599 , et 1685, date de la révocation, la France passa de la plus grande liberté à la plus grande tyrannie. En proclamant la li
1600 religieuse, Henry IV mettait le royaume à la tête de la civilisation ; en interdisant aux réformés d’exercer leur religion
1601 de la civilisation ; en interdisant aux réformés d’ exercer leur religion, mais en même temps de quitter le pays, Louis XI
1602 ormés d’exercer leur religion, mais en même temps de quitter le pays, Louis XIV commit un des actes les plus vexatoires qu
1603 oire ait enregistrés. Après avoir fait un tableau de la France de l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orat
1604 gistrés. Après avoir fait un tableau de la France de l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orateur expose co
1605 e la France de l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orateur expose comment on en vint à la révocation. C’es
1606 tion. C’est d’abord l’influence du clergé, jaloux de ses droits considérables encore ; puis ce sont les conseillers intime
1607 t fort bien leurs intérêts immédiats à leur désir de gagner le ciel, persuadent Louis XIV que la révocation serait une œuv
1608 n serait une œuvre digne du Roi-Soleil et capable de lui faire pardonner les erreurs de sa jeunesse. Le roi, « un niais en
1609 eil et capable de lui faire pardonner les erreurs de sa jeunesse. Le roi, « un niais en matière religieuse » au dire de sa
1610 e roi, « un niais en matière religieuse » au dire de sa belle-sœur, la princesse palatine, se laisse facilement convaincre
1611 ants. Aussi ne s’effraye-t-on pas trop, au début, de l’émigration des fidèles qui suivent leurs pasteurs proscrits. On esp
1612 eurs pasteurs proscrits. On espère bien convertir de gré ou de force tous ceux qui resteront « Les enfants seront du moins
1613 urs proscrits. On espère bien convertir de gré ou de force tous ceux qui resteront « Les enfants seront du moins catholiqu
1614 ont presque anéanties ; les conséquences funestes de l’acte de révocation commencent à se révéler politiques (guerre de la
1615 e anéanties ; les conséquences funestes de l’acte de révocation commencent à se révéler politiques (guerre de la confessio
1616 cation commencent à se révéler politiques (guerre de la confession d’Augsbourg) et surtout morales : car malgré des félici
1617 à se révéler politiques (guerre de la confession d’ Augsbourg) et surtout morales : car malgré des félicitations arrachées
1618 par Louis XIV au pape, les catholiques sont loin d’ être unanimes à louer la révocation. L’un d’eux s’indigne, dans une le
1619 loin d’être unanimes à louer la révocation. L’un d’ eux s’indigne, dans une lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont
1620 L’un d’eux s’indigne, dans une lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont été les meilleurs prédicateurs de notre Évan
1621 « les dragons ont été les meilleurs prédicateurs de notre Évangile ». Et les persécutions contre ceux qui n’ont commis d’
1622 Et les persécutions contre ceux qui n’ont commis d’ autre crime que de « déplaire au roi » vont reprendre de plus belle :
1623 ns contre ceux qui n’ont commis d’autre crime que de « déplaire au roi » vont reprendre de plus belle : la guerre civile s
1624 le succède aux dragonnades. M. Esmonin s’abstient d’ en faire un tableau qu’il suppose présent à l’esprit de ses auditeurs.
1625 faire un tableau qu’il suppose présent à l’esprit de ses auditeurs. Il termine en citant le jugement d’Albert Sorel, selon
1626 e ses auditeurs. Il termine en citant le jugement d’ Albert Sorel, selon qui la date du 16 octobre 1685 marque une déviatio
1627 octobre 1685 marque une déviation dans l’histoire de la France. Déviation telle, en effet, que nous en sentons les conséqu
1628 e, en effet, que nous en sentons les conséquences de nos jours encore, ajoute M. Esmonin. Et nous ne pouvons que nous réjo
1629 e M. Esmonin. Et nous ne pouvons que nous réjouir de retrouver bientôt dans l’ouvrage qu’il va consacrer à Louis XIV l’exp
1630 qu’il va consacrer à Louis XIV l’exposé si dénué de parti pris, si libre et d’une si élégante science du sympathique prof
1631 XIV l’exposé si dénué de parti pris, si libre et d’ une si élégante science du sympathique professeur de Grenoble. i. « 
1632 une si élégante science du sympathique professeur de Grenoble. i. « Troisième conférence des Amis de la pensée protestan
1633 de Grenoble. i. « Troisième conférence des Amis de la pensée protestante : La révocation de l’édit de Nantes », Feuille
1634 des Amis de la pensée protestante : La révocation de l’édit de Nantes », Feuille d’Avis de Neuchâtel, n° 39, 16 février 19
1635 te : La révocation de l’édit de Nantes », Feuille d’ Avis de Neuchâtel, n° 39, 16 février 1927, p. 8.
1636 révocation de l’édit de Nantes », Feuille d’Avis de Neuchâtel, n° 39, 16 février 1927, p. 8.
43 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Barbey, La Maladère (février 1927)
1637 ladère (février 1927)ac « Quel admirable sujet de roman, écrit Gide, au bout de quinze ans, de vingt ans de vie conjuga
1638 ujet de roman, écrit Gide, au bout de quinze ans, de vingt ans de vie conjugale, la décristallisation progressive et récip
1639 , écrit Gide, au bout de quinze ans, de vingt ans de vie conjugale, la décristallisation progressive et réciproque des con
1640 ait que Beyle appelait cristallisation une fièvre d’ imagination qui orne de beautés illusoires l’objet de l’amour. Mais le
1641 cristallisation une fièvre d’imagination qui orne de beautés illusoires l’objet de l’amour. Mais les jeunes gens de ce tem
1642 magination qui orne de beautés illusoires l’objet de l’amour. Mais les jeunes gens de ce temps ne cultivent point cette fi
1643 lusoires l’objet de l’amour. Mais les jeunes gens de ce temps ne cultivent point cette fièvre. Et comme la morale ne sait
1644 vre. Et comme la morale ne sait plus leur imposer de feindre encore ce que le cœur ne ressent plus, il suffit de quelques
1645 encore ce que le cœur ne ressent plus, il suffit de quelques mois aux jeunes époux de la Maladère pour se déprendre de le
1646 plus, il suffit de quelques mois aux jeunes époux de la Maladère pour se déprendre de leurs rêves. Un malentendu grandit e
1647 aux jeunes époux de la Maladère pour se déprendre de leurs rêves. Un malentendu grandit entre eux dans leur isolement, ine
1648 e qu’un mot, un geste décisif, ou certaine amitié de la saison suffirait à dissiper le charme perfide qui les tourmente. M
1649 ais il faudrait d’abord qu’ils se soient délivrés d’ eux-mêmes pour que ce mot, ce geste, soient possibles. C’est d’Armande
1650 our que ce mot, ce geste, soient possibles. C’est d’ Armande surtout qu’on les attendrait, plus franche d’allure. On ne sai
1651 rmande surtout qu’on les attendrait, plus franche d’ allure. On ne sait ce qui la retient : son amour ? son manque d’amour 
1652 e sait ce qui la retient : son amour ? son manque d’ amour ? Pour Jacques, il souffre d’une incurable adolescence, d’un déf
1653 r ? son manque d’amour ? Pour Jacques, il souffre d’ une incurable adolescence, d’un défaitisme sentimental qui l’empêtre d
1654 Jacques, il souffre d’une incurable adolescence, d’ un défaitisme sentimental qui l’empêtre de réticences, et le fait joue
1655 scence, d’un défaitisme sentimental qui l’empêtre de réticences, et le fait jouer bien maladroitement son rôle d’homme… « 
1656 es, et le fait jouer bien maladroitement son rôle d’ homme… « Captif de sa propre jeunesse. » C’est ici un autre sujet du r
1657 er bien maladroitement son rôle d’homme… « Captif de sa propre jeunesse. » C’est ici un autre sujet du roman, qui se mêle
1658 tte analyse trahit Barbey : son art est justement de voiler les intentions du récit et de les exprimer seulement par un ge
1659 st justement de voiler les intentions du récit et de les exprimer seulement par un geste, une nuance du paysage, une image
1660 es moyens qu’il parvient à une certaine puissance de l’effet, aux dernières pages. Il règne dans la Maladère une étrange h
1661 iolence, autour de ces êtres dont la détresse est d’ autant plus cruelle qu’elle est contenue sous des dehors trop polis. U
1662 us des dehors trop polis. Une fois fermé le livre de Barbey, on oublie la justesse de son analyse pour n’évoquer plus que
1663 s fermé le livre de Barbey, on oublie la justesse de son analyse pour n’évoquer plus que des visions où se condense le sen
1664 os, c’était un parc avant l’orage, le rose sombre d’ une joue brûlante et fraîche dans le vent. Et dans la Maladère, un arb
1665 uvrant le manoir perdu, des fumées sur un paysage d’ hiver et soudain sous la lueur d’un incendie, deux visages tordus de p
1666 s sur un paysage d’hiver et soudain sous la lueur d’ un incendie, deux visages tordus de passion. Cette fin est admirable,
1667 sous la lueur d’un incendie, deux visages tordus de passion. Cette fin est admirable, dont la brutalité si longtemps dési
1668 la brutalité si longtemps désirée délivre Jacques d’ un passé obsédant, d’une jeunesse trop complaisante à son tourment.
1669 emps désirée délivre Jacques d’un passé obsédant, d’ une jeunesse trop complaisante à son tourment. ac. « Bernard Barbey 
1670 sset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, février 1927, p. 265.
44 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Montclar (février 1927)
1671 mmes, écrire ne soit que le recensement passionné de leur vie, ou l’aveu déguisé d’une insatisfaction qu’elle leur laisse.
1672 ensement passionné de leur vie, ou l’aveu déguisé d’ une insatisfaction qu’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers
1673 action qu’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers de jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on comprend que ce
1674 u’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers de jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on comprend que ce journal
1675 joindra dans l’armoire aux souvenirs. Cette façon de ne pas y tenir, qu’il manifeste en toute occasion de sa vie est peut-
1676 ne pas y tenir, qu’il manifeste en toute occasion de sa vie est peut-être ce qui nous le rend le plus sympathique. « Offic
1677 ux ? » pour lui, comme pour Barnabooth, il s’agit de « déjouer le complot de la commodité ». Mais plus voluptueux que phil
1678 our Barnabooth, il s’agit de « déjouer le complot de la commodité ». Mais plus voluptueux que philosophe, c’est à l’amour
1679 r la souffrance indispensable au perfectionnement de son âme. Et qu’importe si les Allemands qui, fréquente sontae, pour n
1680 isir, un peu plus viennois que naturel s’il parle de choses d’art comme on fait dans Proust, si les passions qu’il nous pe
1681 eu plus viennois que naturel s’il parle de choses d’ art comme on fait dans Proust, si les passions qu’il nous peint sont i
1682 Il se connaît assez pour savoir ce qui est en lui de l’homme même, ou de l’amateur distingué, — et ne peut pas nous trompe
1683 pour savoir ce qui est en lui de l’homme même, ou de l’amateur distingué, — et ne peut pas nous tromper là-dessus. Il se c
1684 s tromper là-dessus. Il se connaît avec une sorte de froideur que l’on dirait désintéressée si elle n’avait pour effet de
1685 n dirait désintéressée si elle n’avait pour effet de souligner, plus que ses succès, certaines faiblesses qu’il recherche
1686 faiblesses qu’il recherche secrètement, parce que de ces « ratages » naît le perpétuel besoin d’évasion qui est la conditi
1687 e que de ces « ratages » naît le perpétuel besoin d’ évasion qui est la condition de son progrès moral. C’est ainsi qu’il c
1688 e perpétuel besoin d’évasion qui est la condition de son progrès moral. C’est ainsi qu’il consent, non sans une impercepti
1689 , non sans une imperceptible satisfaction, l’aveu d’ une fondamentale indifférence du cœur qui contraste avec une vie volup
1690 etites blessures. Ce n’est pas le moins troublant d’ une telle vie, cette sagesse un peu sombre qui s’en dégage, sagesse qu
1691 r est un lien sans durée. Seules la souffrance ou de secrètes anomalies ont un pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me s
1692 ouffrance ou de secrètes anomalies ont un pouvoir d’ éternité. » Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce qui forme da
1693 pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me semble, d’ insister sur ce qui forme dans le récit de cette vie comme une arrière
1694 semble, d’insister sur ce qui forme dans le récit de cette vie comme une arrière-pensée inquiète et un peu hautaine. Que l
1695 e inquiète et un peu hautaine. Que la composition de cette réminiscence soit assez facile et « artiste » on hésite à en fa
1696 site à en faire reproche à l’auteur. Cette espèce de modestie de l’allure est rare autant que sympathique, dans le temps q
1697 ire reproche à l’auteur. Cette espèce de modestie de l’allure est rare autant que sympathique, dans le temps que sévit l’i
1698 ant, qu’elle ne laisse point oublier que ce livre d’ une résonance si humaine, est mieux que charmant, — douloureux et dési
1699 (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, février 1927, p. 257. ae. Il manque sans doute un mo
1700 927, p. 257. ae. Il manque sans doute un morceau de phrase dans l’édition originale.
45 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Lettre du survivant (février 1927)
1701 ’abord que je m’excuse : c’est un peu prétentieux de vous écrire au moment où je vais me suicider, d’autant plus que vous
1702 de vous écrire au moment où je vais me suicider, d’ autant plus que vous n’y croirez pas — et pourtant… Il faut aussi que
1703 ez ne pas voir dans cette phrase quelque allusion de mauvais goût.) Je vous ai rencontrée quatre ou cinq fois dans des lie
1704 ai rencontrée quatre ou cinq fois dans des lieux de plaisir, comme on dit, sans doute parce que c’est là que se nouent le
1705 existiez en moi, à certain désagrément que j’eus de vous voir si entourée… D’autres fois… je n’ai plus le courage de les
1706 entourée… D’autres fois… je n’ai plus le courage de les dire. Enfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un de mes a
1707 nfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné la
1708 vais demandé à un de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné la promesse. Vos regards rencontrèr
1709 romesse. Vos regards rencontrèrent les miens plus d’ une fois pendant une danse qu’il fit avec vous, mais vous les détourni
1710 ecrètement attirante ; et je pensais que la force de mon désir était telle que vous en éprouviez vaguement la menace. Je d
1711 sais quel démon du malheur me paralysa. Je venais d’ entrevoir l’image d’un couple heureux et banal, votre sourire répondan
1712 alheur me paralysa. Je venais d’entrevoir l’image d’ un couple heureux et banal, votre sourire répondant au mien, comme on
1713 vexé ; vous disparaissiez au milieu d’un cortège de rires empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis une invincible
1714 dait, en passant, si j’étais malade. Je désignais d’ un geste incertain quelques bouteilles de champagne vides ; car on par
1715 ésignais d’un geste incertain quelques bouteilles de champagne vides ; car on pardonne l’ivresse, mais non certaines doule
1716 mais non certaines douleurs. Même, je fus obligé de confier à un ami que j’en avais repris … Les archets jouaient sur mes
1717 es œillères géantes aux pensées, le ciel trop bas d’ un rêve sans issue, pesant comme l’envie d’un sommeil sans fin… J’avai
1718 op bas d’un rêve sans issue, pesant comme l’envie d’ un sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’un liquide me s
1719 sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’ un liquide me soulevait le cœur. L’aube parut. On éteignit toutes les
1720 a table en désordre où je venais de jeter mon col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’une autre femme dont le se
1721 n col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’ une autre femme dont le seul défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux,
1722 illesse d’une autre femme dont le seul défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux, odeur de vieille fumée, et ce refus au so
1723 l défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux, odeur de vieille fumée, et ce refus au sommeil qui meurtrit jusqu’à l’âme.) Co
1724 sommeil qui meurtrit jusqu’à l’âme.) Convulsions d’ oriflammes sur l’orchestre pensif. Ton regard est plus grand que le ch
1725 une chambre étroite… J’ai dormi quelques heures, d’ un sommeil triste, tout enfiévré par la crainte du réveil. Puis je sui
1726 disais-je elle y entrera, et, me glissant auprès d’ elle, je pourrai lui dire très vite quelques mots si bouleversants qu’
1727 evais paraître si perdu. Chaque fois qu’un paquet de dix personnes s’engouffrait dans la cage rouge et or et s’élevait, j’
1728 r descendant… Il aurait fallu monter, mais l’idée de vous trouver peut-être assise en face de votre bel ami laqué, sourian
1729 oule qui se précipitait, mais je n’avais pas pris de numéro, je ne pouvais pas monter. Je finissais par vous voir partout.
1730 Je finissais par vous voir partout. Chaque visage de femme révélait soudain un trait de votre visage. Il aurait fallu cour
1731 Chaque visage de femme révélait soudain un trait de votre visage. Il aurait fallu courir après celle-là qui venait de tou
1732 ir après celle-là qui venait de tourner à l’angle de cette rue et qui avait votre démarche. Mais, pendant ce temps, vous p
1733 éticents, maladroits, contradictoires… Un autobus de luxe s’était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l’intérieur
1734 Mais je n’osais presque pas la regarder, à cause d’ une incertitude qui redonnait tout son empire à ma timidité. Peut-être
1735 tre était-ce vous. Je ne saurai jamais. À l’arrêt de la Place Saint-Michel, elle sortit, en me frôlant, sans me regarder.
1736 s parapluies la dérobèrent à mes yeux. Une bouche de métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec un sifflement particulièr
1737 utes les femmes que j’ai fait souffrir cette nuit d’ un long regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à me
1738 ue j’ai fait souffrir cette nuit d’un long regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à mes pensées des fra
1739 épuisé que je mêlais à mes pensées des fragments de rêves et les personnages des affiches, tout en marchant sans fin dans
1740 nts, je me pris à parler à haute voix, par bribes de phrases incohérentes. Je voyais avec une sombre joie les employés et
1741 les voyageurs s’inquiéter. Bientôt on m’entraîna de force sur un trottoir roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheu
1742 roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheur de la brume m’apaisa. Sur la promesse que je fis que je me sentais mieux
1743 tre maintenant 5 heures du matin. Premiers appels d’ autos dans la ville, mais il me semble que toutes choses s’éloignent d
1744 , mais il me semble que toutes choses s’éloignent de moi vertigineusement, par cette aube incolore. Il y a vingt-quatre he
1745 du la notion du temps. Je ne me souviens plus que de cette déception insupportable et définitive de mon désir. Je ne vous
1746 ue de cette déception insupportable et définitive de mon désir. Je ne vous en accuse pas. À peine si je puis encore évoque
1747 -je pas vraiment aimée, mais bien ce goût profond de ma destruction, ce rongement, cette sournoise recherche de tout ce qu
1748 truction, ce rongement, cette sournoise recherche de tout ce qui me navre au plus intime de mon être… Le revolver est char
1749 recherche de tout ce qui me navre au plus intime de mon être… Le revolver est chargé, sur cette table. (Je le caresse, en
1750 sse, entre deux phrases.) Mais voici que ce geste de ma mort aussi me lasse, l’image que je m’en forme… Je ne comprends pl
1751 i pas son nom. f. « Lettre du survivant », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 3, février 192
46 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Orphée sans charme (février 1927)
1752 ur », écrivait Cocteau dans la préface des Mariés de la tour Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’i
1753 préface des Mariés de la tour Eiffel. Et une note d’ Orphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul symbole dan
1754 Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne
1755 e dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant, c’est d’ y découvrir possibles deux interprétations symboliques au moins ; de n
1756 ibles deux interprétations symboliques au moins ; de ne pouvoir m’empêcher d’y songer sans cesse en lisant cette « tragédi
1757 s symboliques au moins ; de ne pouvoir m’empêcher d’ y songer sans cesse en lisant cette « tragédie » ; de ne pouvoir m’emp
1758 songer sans cesse en lisant cette « tragédie » ; de ne pouvoir m’empêcher non plus de soupçonner Cocteau d’en avoir plus
1759 « tragédie » ; de ne pouvoir m’empêcher non plus de soupçonner Cocteau d’en avoir plus ou moins consciemment concerté la
1760 pouvoir m’empêcher non plus de soupçonner Cocteau d’ en avoir plus ou moins consciemment concerté la possibilité. Orphée, p
1761 , dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il prétend « traquer l’inconnu
1762 prétend « traquer l’inconnu ». Sa femme l’accuse de « vouloir faire admettre que la poésie consiste à écrire une phrase »
1763 est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une anagram
1764 ur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une anagramme un peu ordurière. Ainsi les rêves pu
1765 s, donnés à la fois comme poèmes et comme dictées de l’inconscient, au fond desquels on a si vite fait de distinguer les q
1766 l’inconscient, au fond desquels on a si vite fait de distinguer les quelques préoccupations assez simples dont l’étude cha
1767 ursuivre le jeu. Et puis, il y a aussi des sortes de calembours… Art chrétien, a-t-on dit5. Certes, cette pièce n’est pas
1768 -on dit5. Certes, cette pièce n’est pas dépourvue de certaines des qualités qui, selon Max Jacob, permettraient seules de
1769 alités qui, selon Max Jacob, permettraient seules de taxer de chrétienne une œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivo
1770 i, selon Max Jacob, permettraient seules de taxer de chrétienne une œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivoque des s
1771 ettraient seules de taxer de chrétienne une œuvre d’ art. Mais, d’autre part, cette équivoque des symboles, cette simplicit
1772 dmire sans émoi. ⁂ Certes, les qualités scéniques de cette pièce sont grandes. Je ne saurais même indiquer aucun endroit p
1773 cipes chers à l’auteur du Secret professionnel et de la préface des Mariés — principes dont l’énoncé brillant et définitif
1774 tif restera l’un des titres les plus authentiques de Cocteau. Précision et relief du dialogue, ingénieuse utilisation des
1775 se utilisation des expressions courantes, maximum de « situation » des personnages obtenu avec un minimum de répliques ; e
1776 ituation » des personnages obtenu avec un minimum de répliques ; enfin, un style parfaitement pauvre dans le détail, un vr
1777 parfaitement pauvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiari
1778 pauvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d’ une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiarité dramatiqu
1779 tre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’ une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’un trait pur. Il sem
1780 d’une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’ un trait pur. Il semble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’il
1781 es. « Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’ en être l’organisateur », disait le photographe des Mariés. Dans Orphé
1782 n somme, ce qu’il faut reprocher à Cocteau, c’est d’ avoir réussi complètement une pièce, prouvant une fois de plus que l’a
1783 pièce, prouvant une fois de plus que l’atmosphère de l’« art pur » n’est pas respirable. Il ne manque rien à Orphée, sinon
1784 rphée, sinon peut-être cette indispensable « part de Dieu » — comme dit Gide — qui serait aussi la part de l’humain, l’imp
1785 ieu » — comme dit Gide — qui serait aussi la part de l’humain, l’imperfection secrète qui fait naître l’amour. Parce que l
1786 ’une fois de plus, Cocteau a comprimé des pétales de roses dans du cristal taillé, selon toutes les règles de l’art, mais
1787 s dans du cristal taillé, selon toutes les règles de l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parf
1788 de l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parfum.   (Tout de même, Cocteau est un poète : j’en v
1789 ur mon compte, dans le fait que je ne sais parler de lui autrement que par métaphores.) 5. M. Zimmer, dans la Gazette d
1790 par métaphores.) 5. M. Zimmer, dans la Gazette de Lausanne . Et même il appelait Orphée « une tragédie de l’amour conju
1791 sanne . Et même il appelait Orphée « une tragédie de l’amour conjugal ». Vraiment, nous n’en demandions pas tant… g. « Or
1792 dions pas tant… g. « Orphée sans charme », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 3, février 192
47 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’autre œil (février 1927)
1793 que s’ouvre où l’on attend un miracle pour la fin de la semaine. « Messieurs, disait Dardel, y a pas à tortiller, il faut
1794 s ne sommes pas des imbéciles, nous ne sommes pas de ces gens qui croient que 2 et 2 font 22, et qui confondent Jérôme et
1795 out ça semble idiot. Il y a des soirs où une idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit de
1796 s soirs où une idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit de déranger 5000 personnes en hu
1797 s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit de déranger 5000 personnes en huit soirées, et de les occuper quatre heu
1798 it de déranger 5000 personnes en huit soirées, et de les occuper quatre heures durant… Mais la vision, rapidement entrevue
1799 trevue par chacun dans son for le plus intérieur, d’ une fuite en auto, nous rassure provisoirement… Prosopopée, à propo
1800 e, édentée et tâchant à prendre un accent anglais d’ un comique assez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’un doig
1801 assez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’ un doigt impitoyable son flanc déjà meurtri, la suivaient en hurlant :
1802 oi là ! »… Est-il plus atroce spectacle que celui d’ une maîtresse jadis belle et diserte qui tombe au ruisseau en prononça
1803 le et diserte qui tombe au ruisseau en prononçant de séniles calembours… Pénétrés d’horreur, les bellettriens avaient fui.
1804 eau en prononçant de séniles calembours… Pénétrés d’ horreur, les bellettriens avaient fui. Au détour d’une ivresse, ils re
1805 ’horreur, les bellettriens avaient fui. Au détour d’ une ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’anciens rêves qui
1806 ne ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’ anciens rêves qui hantait les limbes depuis un an déjà. Ils ne tardère
1807 dèrent pas à reconnaître Cinématoma. Naissance de Cinématoma Cinq bellettriens furent commis au soin d’engendrer cet
1808 matoma Cinq bellettriens furent commis au soin d’ engendrer cet adorable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’un
1809 dorable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’ un feu et le contemplent un certain temps en silence. « Well ! », dit
1810 rojet à deux faces. Lugin, qui est théologien, et de la Tchaux, n’a pas la foi. Topin, Mahomet désabusé, constate que jama
1811 de ce paludesque et stérile consistoire, une idée de génie vint s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche de Lugin
1812 s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche de Lugin, sa langue dans la langue de Lugin : « Le rideau se lève sur un
1813 par la bouche de Lugin, sa langue dans la langue de Lugin : « Le rideau se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur
1814 se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur de la scène. Titre : Socrate et Narcisse, un acte à grande figuration. »
1815 uration. » Enfin l’on joua aux petits dés le sort de notre parade — et l’on gagna. Enthousiasmé, « Mimosa » partit pour la
1816 partit pour la Riviera afin de négocier la vente de cette martingale avec des surréalistes hétérodoxes. Il revint juste à
1817 revint juste à temps pour assister à la cérémonie de la pose du point final de « Cinématoma ou les épanchements de la jeun
1818 assister à la cérémonie de la pose du point final de « Cinématoma ou les épanchements de la jeune Synovie », parade « née
1819 u point final de « Cinématoma ou les épanchements de la jeune Synovie », parade « née du mariage de nos veilles et de nos
1820 ts de la jeune Synovie », parade « née du mariage de nos veilles et de nos rêves », ainsi que le disait si poétiquement le
1821 ovie », parade « née du mariage de nos veilles et de nos rêves », ainsi que le disait si poétiquement le programme. Un peu
1822 ue le disait si poétiquement le programme. Un peu d’ histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’I
1823 iquement le programme. Un peu d’histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à
1824 ramme. Un peu d’histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à l’époque où le
1825 que de Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à l’époque où le Cuirassé Potemkine était interdit à l’écran. P
1826 ise en scène fort ingénieuse qui permit à Mossoul de se perdre dans des jupons autrement que par métaphore. À La Chaux-de-
1827 cent doigts dans deux lits. Combien cela fait-il de pieds et d’oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’ét
1828 dans deux lits. Combien cela fait-il de pieds et d’ oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans
1829 -il de pieds et d’oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans les neiges. Un jour, on s’aperçut
1830 6. Revue ou prologue. h. « L’autre œil », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 3, février 192
48 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée… (mars 1927)
1831 1927)af M. Edmond Jaloux offre l’exemple rare d’ un homme que son évolution naturelle a rapproché, dans sa maturité, de
1832 té, des jeunes générations, en sorte que l’espèce de romantisme à la Nerval auquel il aboutit coïncide avec un mouvement d
1833 ses jeunes contemporains, et qu’il vient appuyer de son autorité de critique et surtout de son expérience déjà riche de r
1834 emporains, et qu’il vient appuyer de son autorité de critique et surtout de son expérience déjà riche de romancier. Son re
1835 nt appuyer de son autorité de critique et surtout de son expérience déjà riche de romancier. Son regard se promène sur le
1836 critique et surtout de son expérience déjà riche de romancier. Son regard se promène sur le même monde où se plaisent nos
1837 s, mais il garde une certaine discrétion, cet air de rêverie d’un homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu
1838 garde une certaine discrétion, cet air de rêverie d’ un homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu mage pour p
1839 es avec cette mélancolique grâce. Si quelques-uns de ses bijoux sont taillés comme ceux de Giraudoux, j’y vois un signe ch
1840 uelques-uns de ses bijoux sont taillés comme ceux de Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’amitié de l’aîné au plus jeun
1841 mme ceux de Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’ amitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un de ses personnages
1842 de Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’amitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un de ses personnages pour reme
1843 mitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un de ses personnages pour remercier ; (pouvait-il mieux trouver qu’un René
1844 va pas s’attabler au café en face des personnages de Jaloux. Et peut-être que la comtesse Rezzovitch a rencontré M. Paul M
1845 dû le trouver un peu froid, n’aura pas été tentée de lui faire ces confidences qu’elle livre si facilement au héros plus c
1846 t au héros plus confiant et secrètement incertain de ce roman. À la veille de se marier, Jérôme Parseval, journaliste pari
1847 et secrètement incertain de ce roman. À la veille de se marier, Jérôme Parseval, journaliste parisien, rencontre une femme
1848 incarne aussitôt à ses yeux tout ce qu’il attend de l’amour. Une confidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il ai
1849 sa femme, « mais comme on aime une petite maison de province quand on a failli hériter de Chenonceaux ». Peu à peu l’imag
1850 tite maison de province quand on a failli hériter de Chenonceaux ». Peu à peu l’image d’Irène Rezzovitch s’idéalise et gag
1851 ailli hériter de Chenonceaux ». Peu à peu l’image d’ Irène Rezzovitch s’idéalise et gagne la puissance d’une merveilleuse o
1852 Irène Rezzovitch s’idéalise et gagne la puissance d’ une merveilleuse obsession. Il lui écrit de longues lettres, sans les
1853 ssance d’une merveilleuse obsession. Il lui écrit de longues lettres, sans les envoyer. Il apprend sa mort, et qu’elle l’a
1854 rd’hui un réalisme discret mais précis et le sens de ce qu’il y a en nous d’essentiel, de ce qui détermine nos actes avant
1855 et mais précis et le sens de ce qu’il y a en nous d’ essentiel, de ce qui détermine nos actes avant que la raison n’intervi
1856 s et le sens de ce qu’il y a en nous d’essentiel, de ce qui détermine nos actes avant que la raison n’intervienne, mouveme
1857 tes avant que la raison n’intervienne, mouvements de nos passions à nous-mêmes inavoués, rêves éveillés. Tout un système d
1858 s-mêmes inavoués, rêves éveillés. Tout un système de valeurs lyriques et sentimentales que la raison ignore ou tyrannise a
1859 ère à ce devoir sacré ». M. Jaloux évite le péril d’ un réalisme trop amer et celui du roman lyrique, par l’équilibre qu’il
1860 itent des personnages spirituellement dessinés un de ces drames tout intérieurs dont il dit : « Personne ne peut juger du
1861 , pas même eux ». Dans ce roman, comme dans l’Âge d’ or, un désenchantement profond prend le masque d’une aimable mélancoli
1862 d’or, un désenchantement profond prend le masque d’ une aimable mélancolie. C’est la sourde tristesse des choses qui vous
1863 dues, aveux incompris, et peut-être, un quiproquo de destinées… Le tragique du peut-être ; (comme dans l’une des dernières
1864 ut-être ; (comme dans l’une des dernières phrases de Sylvie : « Là était le bonheur, peut-être… »). Mais le ton reste si l
1865 onde et délicieuse, gagnera à son auteur beaucoup d’ amis inconnus. af. « Edmond Jaloux : Ô toi que j’eusse aimée… (Plon,
1866 Plon, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mars 1927, p. 387-388.
49 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)
1867 Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)i Surprendre est peu
1868 b. Ce soir-là, le programme comprenait : un film d’ avant-guerre ; un film japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire, d
1869 ilm japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire, de René Clair. La Mort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’un
1870 et le Voyage imaginaire, de René Clair. La Mort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’une troupe de province s’a
1871 Mort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’ une troupe de province s’agitent incompréhensiblement dans un décor tr
1872 re (environ 1905) : quelques acteurs d’une troupe de province s’agitent incompréhensiblement dans un décor très pauvre, lé
1873 rine ; et une crise intérieure par un court accès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolite se passe en c
1874 une crise intérieure par un court accès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolite se passe en coulisse.
1875 ès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’ Hyppolite se passe en coulisse. Mais Phèdre avoue tout « devant le cad
1876 te bande est antérieure à l’époque du long baiser de conclusion. Le film japonais : une historiette un peu plus banale que
1877 bien photographiée. C’est le film du type « Jeux de soleil dans les jardins, complets variés, ça fait toujours plaisir de
1878 ardins, complets variés, ça fait toujours plaisir de voir des gens bien habillés. » Soudain éclate Entr’acte (1925). « Une
1879 25). « Une étude sur le Monde des Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où des pressentiments clignent de l’œil. Des p
1880 inées dans le ciel où des pressentiments clignent de l’œil. Des poupées en baudruche gonflent leur tête jusqu’à éclater, t
1881 sent au fond à toute vitesse. Rigueur voluptueuse d’ une colonnade, puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’un gr
1882 Rigueur voluptueuse d’une colonnade, puis un jeu d’ échec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’où se met à desc
1883 , puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’ un gratte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur
1884 hec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’ où se met à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevard
1885 tte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevards et parmi les toits flottants, c’est as
1886 t à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevards et parmi les toits flottants, c’est assez tragique. Mitrai
1887 its flottants, c’est assez tragique. Mitrailleuse de phares d’auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides.
1888 nts, c’est assez tragique. Mitrailleuse de phares d’ auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasse
1889 . Mitrailleuse de phares d’auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasseur, toujours sur son toit
1890 asseur, toujours sur son toit ; il tire sur l’œuf d’ où naît une colombe. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de
1891 be. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de l’aile un dixième de seconde, par intermittences, se pose enfin sur l
1892 apillon éclatant qui battait de l’aile un dixième de seconde, par intermittences, se pose enfin sur l’écran : une danseuse
1893 e enfin sur l’écran : une danseuse sur une plaque de verre, vue par-dessous. Quelques miracles qui suivent sont embrumés d
1894 ont embrumés dans mon souvenir par le rayonnement de la robe, fleur qui s’ouvre pour dégager le mouvement obsédant de deux
1895 ur qui s’ouvre pour dégager le mouvement obsédant de deux jambes, l’harmonie de leurs arabesques à trois dimensions mêlées
1896 le mouvement obsédant de deux jambes, l’harmonie de leurs arabesques à trois dimensions mêlées avec une lenteur et une pe
1897 . Ils revoient la danseuse, font une ronde autour d’ une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, pu
1898 danseuse, font une ronde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Ch
1899 , font une ronde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Ély
1900 nde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une al
1901 e tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une allure grandissan
1902 il roule dans les marguerites, il en sort un chef d’ orchestre dont la baguette éteint tous les personnages et lui-même. ⁂
1903 e pas 20 minutes. Et c’est heureux. Nous manquons d’ entraînement dans le domaine du merveilleux moderne. Un peu plus et no
1904 eux moderne. Un peu plus et nous demandions grâce de trop de plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût
1905 rne. Un peu plus et nous demandions grâce de trop de plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût de même
1906 ’enterrement au ralenti, à l’éclatement des têtes de poupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma. Quand l
1907 oupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma. Quand la danseuse paraît, ils n’attendent que le moment où il
1908 là par exemple, où nous ne pouvons nous empêcher d’ admirer l’utilisation artistique ingénieuse et précise de certaines th
1909 er l’utilisation artistique ingénieuse et précise de certaines théories sur le rêve, le peuple, qui n’a pas vu ces dessous
1910 n ça, c’est comme quand on rêve. » Un des défauts d’ Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines scènes (l’enterr
1911 éfauts d’Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines scènes (l’enterrement). Cela fait bizarre. Or, dans le mond
1912 oit nous « transplanter », un certain naturel est de rigueur ; toute bizarrerie détourne du véritable miracle auquel nous
1913 du véritable miracle auquel nous assistons. Mais de pareils défauts sont presque inévitables dans une production de début
1914 auts sont presque inévitables dans une production de début, et Entr’acte mérite d’être ainsi qualifié : c’est peut-être le
1915 dans une production de début, et Entr’acte mérite d’ être ainsi qualifié : c’est peut-être le premier film où l’on a fait d
1916 aphiques. Ici le geste pictural remplace le geste de l’acteur. Un mouvement ne souligne pas, il exprime, et se suffit. Mai
1917 is comme pour le film 1905, on a sans cesse envie de crier : « Trop de gestes ! » C’est une question d’épuration des moyen
1918 ilm 1905, on a sans cesse envie de crier : « Trop de gestes ! » C’est une question d’épuration des moyens. Rendre le plus
1919 e crier : « Trop de gestes ! » C’est une question d’ épuration des moyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’un
1920 oyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’ un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et dé
1921 d’un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et déjà, il faut admirer dans les films de René Clair u
1922 e. D’ores et déjà, il faut admirer dans les films de René Clair un sens du miracle assez bouleversant. Et je ne parle pas
1923 ersant. Et je ne parle pas du miracle genre conte de fée, comme le Voyage imaginaire en montre (beaucoup trop à mon gré).
1924 cière transforme un homme en chien, cela n’a rien d’ étonnant au cinéma. C’est la photographie d’une chose qui ne serait ét
1925 rien d’étonnant au cinéma. C’est la photographie d’ une chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’est pas enco
1926 que dans le réel ; ce n’est pas encore un miracle de ciné. Et les fées paraissent vieux jeu avec leur baguette, pour moi q
1927 miracle du cinéma, c’est, par exemple, l’éclosion d’ une rose, un homme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mou
1928 omme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mouvements… C’est une réalité quotidienne dans une lumière qui la mét
1929 des nées des nécessités sociales — nous empêchent de découvrir la richesse immédiate. Surréel qui n’est pas synonyme d’inc
1930 ichesse immédiate. Surréel qui n’est pas synonyme d’ incompréhensible, non Madame, car alors quoi de plus surréaliste que l
1931 le film 1905. Ce n’est peut-être qu’une question d’ imagination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est une aide puissan
1932 faisons nos premiers pas, étourdis, dans un pays d’ illuminations vertigineuses, et nous en sommes encore à nous frotter l
1933 and nos regards plus assurés sauront enfin gagner de vitesse les prodiges que déclenche René Clair, verrons-nous, pris par
1934 s-nous, pris par surprise dans l’exploration ivre d’ un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’un ange. i. « Entr
1935 d’un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’ un ange. i. « Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revu
1936 fatidiques, le visage d’un ange. i. « Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue de Belles-Lettres, Lausann
1937 cte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 4, mars 1927,
50 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Notre inquiétude (avril 1927)
1938 rise moderne. M. Daniel-Rops unit en lui à l’état de velléités contradictoires que son intelligence très nuancée maintient
1939 intelligence très nuancée maintient en une sorte d’ instable équilibre, les tendances que ses contemporains ont poussées à
1940 contemporains ont poussées à l’extrême avec moins de prudence mais aussi de lucidité. Séduit par Gide ; admirant Maurras s
1941 ées à l’extrême avec moins de prudence mais aussi de lucidité. Séduit par Gide ; admirant Maurras sans l’aimer ; saluant e
1942 ré par les thèses extrémistes mais non dépourvues d’ une sombre grandeur, des surréalistes, et en même temps par cette solu
1943 ette inquiétude qui fait la grandeur et la misère de l’époque — et qu’il avoue préférer à une certitude trop vite atteinte
1944 irections générales. « Hamlétisme », pouvoir aigu d’ analyse qui conduit à la dispersion autant qu’à l’approfondissement du
1945 sion autant qu’à l’approfondissement du moi, soif de tout et pourtant mépris de tout, procédant d’un goût de l’absolu à la
1946 dissement du moi, soif de tout et pourtant mépris de tout, procédant d’un goût de l’absolu à la fois mystique et anarchiqu
1947 oif de tout et pourtant mépris de tout, procédant d’ un goût de l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien le
1948 t et pourtant mépris de tout, procédant d’un goût de l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien les grands t
1949 ue et anarchique : ce sont bien les grands traits de notre inquiétude. (Mais peut-être M. Rops a-t-il trop négligé le rôle
1950 e extérieur, que je crois décisif, des conditions de la vie moderne.) Après avoir défini quelques « positions en face de l
1951 les plus parfaites qui s’offrent aux jeunes gens d’ aujourd’hui. Il constate que l’une (celle de Gide) ne fait que différe
1952 gens d’aujourd’hui. Il constate que l’une (celle de Gide) ne fait que différer notre inquiétude, tandis que l’autre « ne
1953 angoisse qu’en y substituant ce qui ne vient que de Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur d’un choix presque impossible,
1954 ient que de Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur d’ un choix presque impossible, notre incertitude paraît sans remède. Mai
1955 , M. Daniel-Rops n’a-t-il pas cédé à la tentation de créer des dilemmes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’un i
1956 emmes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’ un inquiet qui veut le rester ? Ces deux solutions peuvent se résumer
1957 foi. Dès lors sont-elles vraiment les deux termes d’ un dilemme, l’une n’étant que le chemin qui mène à l’autre ? Car la fo
1958 ue le chemin qui mène à l’autre ? Car la foi naît de l’inquiétude autant que de la grâce, et régénère sans cesse l’inquiét
1959 utre ? Car la foi naît de l’inquiétude autant que de la grâce, et régénère sans cesse l’inquiétude autant que la sérénité…
1960 autant que la sérénité… Au reste, n’est-elle pas de M. Rops lui-même, cette phrase qui formule admirablement les exigence
1961 ui formule admirablement les exigences conjointes de l’inquiétude et de la foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à le
1962 ement les exigences conjointes de l’inquiétude et de la foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à le chercher encore… »
1963 rrin, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, avril 1927, p. 563-564.
51 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)
1964 je sens qu’une puissance étrangère s’est emparée de mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’elle
1965 mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’elle peut faire désormais vibrer à sa fantaisie, même si
1966 I (Notes écrites en décembre 1925, au sortir d’ une conférence sur le Salut de l’humanité.)   Ce soir en moi trépigne
1967 bre 1925, au sortir d’une conférence sur le Salut de l’humanité.)   Ce soir en moi trépigne une rage. Sur quelles épaules
1968 ne une rage. Sur quelles épaules jeter ce manteau de flammes, puis à qui dédier l’ennui de ma révolte ? Aragon sarcastique
1969 ce manteau de flammes, puis à qui dédier l’ennui de ma révolte ? Aragon sarcastique se tient là-bas dans un rayon échappé
1970 our le pittoresque. — Attrape !   Il n’existe pas de théorie du salut. Il n’existe que des systèmes pour faire taire en no
1971 des Dieux, mais c’est pour détourner nos regards de cela qu’il faut bien nommer le Vide. Tant de séductions nous ont en v
1972 s nous ont en vain tentés, ô tortures fascinantes de la sainteté, seules vous nous appelez encore hors de cette voix de l’
1973 eules vous nous appelez encore hors de cette voix de l’infini où chancellent parmi les éclairs nos premiers pas. Aragon, d
1974 lairs nos premiers pas. Aragon, dans ces tempêtes de nuits filantes où s’enfuient, souffles à peine parfumés, les vices en
1975 st un ricanement splendide comme un éclat de rire de condamné à mort et à l’éternité. Le diable avait pris des avocats don
1976 s palinodies, font encore rêver les anges écœurés d’ azur. Alors un juron mélodramatique, d’une voix torturée, hurle au pap
1977 es écœurés d’azur. Alors un juron mélodramatique, d’ une voix torturée, hurle au pape et au diable un anathème sanglant. Lo
1978 diable un anathème sanglant. Louis Aragon, avocat de l’infini, annonce l’entrée de l’éternelle anarchiste, la Poésie.   On
1979 ouis Aragon, avocat de l’infini, annonce l’entrée de l’éternelle anarchiste, la Poésie.   On dit : « Des mots ! » au lieu
1980 !, trois mots dont l’un savant. Je ne connais pas de meilleur remède contre Dieu. Monsieur, vous avez dit : « C’est incomp
1981 ! » — avec une indignation où j’admire une pointe d’ ironie vraiment supérieure. Car rien ne pouvait mieux exciter, signe d
1982 érieure. Car rien ne pouvait mieux exciter, signe d’ aise extrême, vos glandes salivaires, pourtant si éprouvées par le rep
1983 la porte ferme bien sur l’infini. Rien à craindre de ce côté. Retournez à vos amours. ....................................
1984 ou la poésie — et d’autres, à travers les déserts de la sainteté que hantent les fantômes adorables du désir, — quelques h
1985 désir, — quelques hommes y pénètrent, et le goût de s’amuser ne renaîtra plus en eux. Ni même celui de souffrir. Le derni
1986 e s’amuser ne renaîtra plus en eux. Ni même celui de souffrir. Le dernier rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque
1987 n eux. Ni même celui de souffrir. Le dernier rire d’ Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque d’être seul sur un faux somme
1988 souffrir. Le dernier rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque d’être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles
1989 r rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque d’ être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles s’efforcent — mais
1990 es nargue. Il connaît enfin une solitude défendue de tous côtés par ses rires scandaleux, quelques « goujateries » affecté
1991 ux, quelques « goujateries » affectées par mépris de l’honneur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’un fascinant
1992 eries » affectées par mépris de l’honneur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’un fascinant éclat : « Ô grand Rê
1993 neur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’ un fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des édifices, ne qu
1994 ne quitte plus, attiré par les premiers sophismes de l’aurore, ces corniches de craie où t’accoudant tu mêles tes traits p
1995 les premiers sophismes de l’aurore, ces corniches de craie où t’accoudant tu mêles tes traits purs et labiles à l’immobili
1996 bilité miraculeuse des statues7. » Il s’agit bien de critique littéraire ! Nous sommes ici en présence d’une des tentative
1997 Nous sommes ici en présence d’une des tentatives de libération les plus violentes et belles — malgré tant de maladresses
1998 belles — malgré tant de maladresses dédaigneuses, de bravades et de faciles tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. S
1999 tant de maladresses dédaigneuses, de bravades et de faciles tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu
2000 tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutis
2001 it connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il
2002 Sens de l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il s’agit de rendre impratic
2003 ’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il s’agit de rendre impraticables quelques portes de sortie » ou compromis :   « N
2004 Il s’agit de rendre impraticables quelques portes de sortie » ou compromis :   « Nous étions dominés par le sens d’une réa
2005 u compromis :   « Nous étions dominés par le sens d’ une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au
2006 que certains d’entre nous eussent acheté au prix d’ un martyre… Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’inf
2007 Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’infini, et cet infini nous écrasait. Comment aurions-nous accepté l
2008 aurions-nous accepté le sort communément heureux de nos contemporains qui ont puisé dans Auguste Comte cette tranquillité
2009 i ont puisé dans Auguste Comte cette tranquillité de rejeter définitivement les problèmes métaphysiques ? »   Nous naisson
2010 à quelque chose qui imite la vie dans une époque d’ inconcevables compromissions où triomphe sous tous les déguisements, d
2011 omissions où triomphe sous tous les déguisements, de Ford à Clément Vautel, le matérialisme le plus pauvre auquel se soit
2012 pour nous n’est nulle part9 ». Ultime affirmation d’ une foi que plus rien ne peut duper. Depuis certaines paroles sur la C
2013 s paroles sur la Croix, il n’y a peut-être pas eu d’ expression plus haute de l’angoisse humaine, et vous aurez beau rire,
2014 il n’y a peut-être pas eu d’expression plus haute de l’angoisse humaine, et vous aurez beau rire, pharisiens, et dire qu’e
2015 pharisiens, et dire qu’elle est née dans un café de Paris. « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rien. » Rie
2016 . « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rien. » Riez-en donc, pantins officiels, et vous repus, et vous, dubi
2017 vous repus, et vous, dubitatives barbes. Je viens d’ entendre la voix d’un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dog
2018 , dubitatives barbes. Je viens d’entendre la voix d’ un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dogmes bassement ingén
2019 ix d’un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dogmes bassement ingénieux : « Si j’essaie un instant de m’élever à l
2020 es bassement ingénieux : « Si j’essaie un instant de m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle pu
2021 « Si j’essaie un instant de m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle puisse en aucun cas servir
2022 je me révolte qu’elle puisse en aucun cas servir d’ argument à un homme. » Voilà qui nous fait oublier certaines morales d
2023 . » Voilà qui nous fait oublier certaines morales d’ extrême moyenne d’où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites
2024 fait oublier certaines morales d’extrême moyenne d’ où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites lâches qu’on veut
2025 enne d’où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites lâches qu’on veut nommer renoncements ! Jouant tout sur une ré
2026 tout sur une révélation possible, ou la naissance d’ un prophète qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’est pas à genoux
2027 : pour que cela eût un sens, il faudrait être sûr de n’avoir pas la tête en bas par rapport au soleil. Quelques gestes enc
2028 s gestes encore, interceptant les messages égarés de l’infini… Un tel homme, — est-ce encore Aragon, sinon qui ? — sa gra
2029 ver quelques pages écrites il y a un an, tel soir de colère où le thermomètre eût indiqué 39° selon toute vraisemblance. E
2030 selon toute vraisemblance. Et voici Aragon revêtu d’ une dignité tragique qu’il trouverait sans doute un peu ridicule. C’es
2031 tagieuses. Comment, en effet, ne pas voir la part de littérature que renferme cette œuvre, et qui fait, en dépit des préte
2032 qui fait, en dépit des prétentions désobligeantes de l’auteur, son incontestable « séduction ». Pour un peu, je découvrais
2033 duction ». Pour un peu, je découvrais une manière de prophète un brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je le verrais
2034 orie du scandale pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu’un jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore un Musset,
2035 osé dans notre siècle et chez qui tout est devenu de quelques degrés plus violent, plus acerbe, plus profond. En somme, et
2036 . Et qui sait tirer un admirable parti littéraire de son tempérament vif, insolent et ombrageux. « J’appartiens à la grand
2037 on prophétique, ne serait-ce pas plutôt une sorte de donquichottisme assez fréquent dans les cafés littéraires et dont il
2038 emier à s’amuser ?   Février 1927. Relu Une vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétorique — ma
2039 vrier 1927. Relu Une vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétorique — mais la plus belle, — ce
2040 me un désespoir en quoi je ne vais pas m’empêcher de reconnaître la voix secrète de notre mal de vivre. Désespoir métaphys
2041 ais pas m’empêcher de reconnaître la voix secrète de notre mal de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’une phra
2042 êcher de reconnaître la voix secrète de notre mal de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’une phrase de Vinet —
2043 de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’ une phrase de Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteur
2044 sespoir métaphysique. Je me souviens d’une phrase de Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels
2045 laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels de littérature — : « Un mysticisme creux et affamé est le con
2046 esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels de littérature — : « Un mysticisme creux et affamé est le contrecoup du
2047 le savons… Mais pour Aragon, ce n’est point façon de parler. Son « nulle part » est sans dérobade possible par sous-entend
2048 entendu. Pas plus « ailleurs » que sur ce « globe d’ attente » comme dit Crevel. Pourtant, le plus irrévocable désespoir n’
2049 ma plume, comme une mouche qu’on n’a jamais fini de chasser parce qu’elle n’a pas mérité du premier coup qu’on se donne l
2050 as mérité du premier coup qu’on se donne la peine de l’écraser, — c’est qu’il symbolise tout cet état d’esprit « bien Pari
2051 ise tout cet état d’esprit « bien Parisien » dont de récentes statistiques de librairie montrèrent les ravages bien plus é
2052 t « bien Parisien » dont de récentes statistiques de librairie montrèrent les ravages bien plus étendus qu’on n’osait le c
2053 enu qu’une introspection immobile ne retient rien de la réalité vivante ; si je dénie à des incrédules le droit à parler d
2054 nie à des incrédules le droit à parler des choses de la foi comme étant d’un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ic
2055 e droit à parler des choses de la foi comme étant d’ un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ici certain sens critiqu
2056 nt on voudrait que soient justiciables les œuvres d’ un écrivain, les démarches de sa pensée, ses délires, ses visions. Un
2057 ticiables les œuvres d’un écrivain, les démarches de sa pensée, ses délires, ses visions. Un critique qui n’épouse pas le
2058 s visions. Un critique qui n’épouse pas le rythme d’ une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifi
2059 me d’une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier de sa raison, est destiné à dire des bêtises
2060 e à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier de sa raison, est destiné à dire des bêtises. Cf. certaines remarques —
2061 s bêtises. Cf. certaines remarques — pas toutes — de novembre 1926.   2 mai 1927. « Nous avons dressé notre orgueilleuse r
2062 gueilleuse raison à nous tromper sur ce qu’il y a de profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré. » (Edmond
2063 loux.) Entre un monsieur en noir : Permettez-moi de me présenter… d’ailleurs une ancienne connaissance… le Sens Critique.
2064 dit que je pourrais, en quelque sorte, vous être de quelque utilité… Moi. — Ah ! oui, oui… c’est cela, utilité,… en effe
2065 es jours-ci, beaucoup trop à faire, beaucoup trop d’ êtres et de choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Compren
2066 , beaucoup trop à faire, beaucoup trop d’êtres et de choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Comprenez-moi : su
2067 ntion… Moi. — Que voilà un singulier impertinent de votre part. (Le reconduisant :) Croyez, Monsieur, à mon estime la plu
2068 nous sommes débordés, voyez vous-même, pas moyen de causer aujourd’hui… Quoi ?… Bon, bon, c’est entendu, on ne peut rien
2069 Mais plus tard, plus tard. Tenez, voici un traité de métaphysique, vous lirez ça en attendant. Très bien fait. Excellente
2070 ez, ma vie ? La Muse (mais oui, la Muse, sortant de derrière un rideau). — J’attends votre plaisir… III Il y a des
2071 t avoir tout dit quand ils ont montré à l’origine de telle doctrine mystique une exaltation nerveuse ou des troubles organ
2072 opposent à ces « délires » les thèses rassurantes de la « saine raison », sans se demander jamais si cela ne condamne pas
2073 Il s’est trouvé des Maurras et autres « héritiers de la grande tradition gréco-latine » pour assigner à Minerve le bassin
2074 gréco-latine » pour assigner à Minerve le bassin de la Méditerranée comme promenoir, avec défense sous peine de mort de s
2075 comme promenoir, avec défense sous peine de mort de s’en écarter. Voilà bien leur désinvolture, car enfin, elle est déess
2076 tisane assagie, parfois dévote, phraseuse, sèche, d’ humeur acariâtre et réactionnaire. Vous tracez des frontières géograph
2077 « À bas le clair génie français. » Alors la voix de Rimbardk à la cantonade : Qu’il vienne, qu’il vienne Le temps dont o
2078 s’éprenne ! Les œuvres les plus significatives de ce siècle sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche d’obscurit
2079 significatives de ce siècle sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche d’obscurité que l’on fait à la littérature mo
2080 sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche d’ obscurité que l’on fait à la littérature moderne n’est qu’une manifest
2081 la littérature moderne n’est qu’une manifestation de ce divorce radical entre l’époque et les quelques centaines (?) d’ind
2082 ical entre l’époque et les quelques centaines (?) d’ individus pour qui l’esprit est la seule réalité. C’est pourquoi nous
2083 pourquoi nous ne pourrons plus séparer du concept de l’esprit celui de Révolution. Et j’entends ce mot dans son sens le pl
2084 ourrons plus séparer du concept de l’esprit celui de Révolution. Et j’entends ce mot dans son sens le plus vaste. Il y a e
2085 e-vingt-treize, la Réforme, Karl Marx, la préface de Cromwell. Mais il ne s’agit pas de refaire notre petite révolution à
2086 rx, la préface de Cromwell. Mais il ne s’agit pas de refaire notre petite révolution à nous, dans tel domaine. Et c’est mê
2087 tes : qu’ils aient voulu s’allier aux dogmatiques d’ extrême gauche. Je ne dirai pas, comme on a fait, que c’est très joli
2088 e dirai pas, comme on a fait, que c’est très joli de crier merde pour Horace, Montaigne, Descartes, Schiller, Voltaire, et
2089 , pourquoi se faire marchand des œuvres complètes de Karl Marx ? Si vous ne dites pas aussi merde pour Marx ou Lénine, je
2090 . Est-ce que vraiment vous ne pouvez vous libérer de cette manie française, la politique, et ne voyez-vous pas que c’est f
2091 ique, et ne voyez-vous pas que c’est faire le jeu de vos ennemis de discuter avec eux dans leur langue et de crier rouge p
2092 ez-vous pas que c’est faire le jeu de vos ennemis de discuter avec eux dans leur langue et de crier rouge pour la simple r
2093 ennemis de discuter avec eux dans leur langue et de crier rouge pour la simple raison qu’ils ont dit blanc ? Pensez-vous
2094 cet esprit « bien français » qui s’associe à tant d’ objets de votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il ins
2095 t « bien français » qui s’associe à tant d’objets de votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il inspire ? Al
2096 objets de votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il inspire ? Alors que cette réaction même est ce qu’il y
2097 tent Aragon, Breton et leurs amis alternativement de dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heur
2098 Breton et leurs amis alternativement de dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue
2099 urs amis alternativement de dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue de clore des
2100 ernativement de dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue de clore des discussions
2101 qu’ils ont la passion et l’incommunicable secret de l’invention.   Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes. Un grand
2102 de l’invention.   Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe de violence commandait à nos mœurs. … et
2103 des entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe de violence commandait à nos mœurs. … et nous portant dans nos actions à
2104 s. … et nous portant dans nos actions à la limite de nos forces, notre joie parmi vous fut une très grande joie. Saint-Joh
2105 ction contre tout ce qui prétendait nous empêcher de vivre, de rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garan
2106 re tout ce qui prétendait nous empêcher de vivre, de rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garanties, chap
2107 ui prétendait nous empêcher de vivre, de rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garanties, chapelets d’opti
2108 lte du moi avec ses recettes garanties, chapelets d’ optimisme, tyranniques évidences, ordre et désordre, principes de Desc
2109 ranniques évidences, ordre et désordre, principes de Descartes, mathématiques aux pinces de crabe, examens de conscience t
2110 principes de Descartes, mathématiques aux pinces de crabe, examens de conscience toujours ratés — on ne m’y prendra plus 
2111 artes, mathématiques aux pinces de crabe, examens de conscience toujours ratés — on ne m’y prendra plus ! — morales améric
2112 eurs abstractions que nous haïssions. Notre haine de certaine morale ne venait-elle pas de ce qu’en son nom l’on mesurait
2113 Notre haine de certaine morale ne venait-elle pas de ce qu’en son nom l’on mesurait odieusement une sympathie humaine pour
2114 ine pour nous sans prix ? Mais nous avions besoin de révolution pour vivre, pour nous perdre. Vivre était devenu synonyme
2115 re, pour nous perdre. Vivre était devenu synonyme de magnifique perdition dans des choses plus grandes que nous. Nous nous
2116 nous connaissions dans les coins et nous mourions d’ ennui avec les aspects irrévocablement prévus de nous-mêmes que faisai
2117 s d’ennui avec les aspects irrévocablement prévus de nous-mêmes que faisaient paraître les petits faits de nos longues jou
2118 ous-mêmes que faisaient paraître les petits faits de nos longues journées. Nous aimions la révolution comme on aime l’amou
2119 esse amoureuse ; nous cherchions cette Révolution de toutes nos forces et séductions, comme on cherche cette femme à trave
2120 révolution-vice. Mais on ne vit, on ne meurt que de vices. ⁂ Ici le lecteur se rassure. « Il s’y retrouve. » Il pense qu
2121 les brancards, c’est très bellettrien. Un disque de gramo comme par hasard nasille : Nous avons tous fait ça Plus ou moi
2122 es bonnes farces, et aussi pourtant des histoires de copains qui ont mal tourné, on pensait bien, ah ! cette jeunesse, mai
2123 u six ans et mort des suites. Quand cesserez-vous de nous faire la jambe, pardon escuses, avec ce thème à condamnations pa
2124 mace. Il y a encore des gens pour qui les limites de l’anarchie sont : chanter l’Internationale dans les rues, faire la no
2125 ale dans les rues, faire la noce, écrire un livre de tendances très modernes. Et des gens pour se gausser quand nous écriv
2126 finalement nous écraser par l’évidence définitive de notre absurdité. Car l’homme « s’est fait une vérité changeante et to
2127 fait une vérité changeante et toujours évidente, de laquelle il se demande vainement pourquoi il n’arrive pas à se conten
2128 contenter13 ». Acculés à ce choix : inconscience de ruminants ou neurasthénie, est-ce que vraiment vous vous êtes telleme
2129 st plus combattre, c’est l’épanouissement violent d’ une immense fleur palpitante au parfum de passions, c’est une atmosphè
2130 violent d’une immense fleur palpitante au parfum de passions, c’est une atmosphère toute chargée d’éclairs qui nous attei
2131 m de passions, c’est une atmosphère toute chargée d’ éclairs qui nous atteignent sans cesse au cœur et nous revêtent miracu
2132 ns cesse au cœur et nous revêtent miraculeusement d’ aigrettes de folies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous somme
2133 cœur et nous revêtent miraculeusement d’aigrettes de folies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux.
2134 revêtent miraculeusement d’aigrettes de folies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux. Un orage de
2135 pas nous toucher, nous sommes dangereux. Un orage de tendresse va crever sur le monde. Aigles d’amours, oiseaux doux et cr
2136 orage de tendresse va crever sur le monde. Aigles d’ amours, oiseaux doux et cruels, nous parlerons vos langues aériennes.
2137 es aériennes. On n’acceptera plus que des valeurs de passion. Balayez ces douanes de l’esprit, proclamez le grand Libre-Éc
2138 s que des valeurs de passion. Balayez ces douanes de l’esprit, proclamez le grand Libre-Échange, voici déjà s’avancer des
2139 us sommes prêts à les accueillir. 7. Une vague de rêves (dans Commerce). 8. Et malgré certaines théories bien superfic
2140 surtout pour un homme qui élit Freud « président de la République du Rêve » – c’est presque un non-sens de chercher l’abs
2141 République du Rêve » – c’est presque un non-sens de chercher l’absolue liberté dans le rêve. Le rêve, c’est la tyrannie d
2142 ie des souvenirs ; et ce n’est pas se libérer que de brasser ces chaînes sonores. 9. Lettre à Paul Claudel. 10. Musset d
2143 s sonores. 9. Lettre à Paul Claudel. 10. Musset de La coupe et les lèvres. Mais oui, c’est paradoxal. 11. Les livres le
2144 s plus répandus à Genève sont Ma vie et mon œuvre de Ford et Mon curé chez les riches. Très loin derrière viennent des Fra
2145 , quelques esthètes du machinisme. 13. Le Paysan de Paris. j. « Louis Aragon, le beau prétexte », Revue de Belles-Lettre
2146 is. j. « Louis Aragon, le beau prétexte », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 5, avril 1927,
2147 il 1927, p. 131-144. k. On a conservé la graphie de l’original, sans doute voulue par l’auteur.
52 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Quatre incidents (avril 1927)
2148 e femme dans les rues tant soit peu métaphysiques d’ une capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels
2149 s rues tant soit peu métaphysiques d’une capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels soupirs, d’ail
2150 ysiques d’une capitale de mes songes. On exigeait d’ une saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’
2151 capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’à leurs refle
2152 de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’à leurs reflets se fuss
2153 eurs reflets se fussent évanouis des arcs-en-ciel de névroses dans tous les poèmes où détresse rimait avec maîtresse. Écol
2154 e du voyage, et qu’on ne manque pas le train bleu d’ un désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qu
2155 la suivait entre les devantures qui se passaient de l’une à l’autre deux séries de profils jusqu’au soleil toujours de fa
2156 s qui se passaient de l’une à l’autre deux séries de profils jusqu’au soleil toujours de face. Il ne vit plus que la foule
2157 e deux séries de profils jusqu’au soleil toujours de face. Il ne vit plus que la foule des yeux bleus, son éblouissement.
2158 ci, elle descend à sa rencontre parmi les éclairs d’ un luxe mécanique, le visage dans sa fourrure. Elle découvre en passan
2159 . Elle découvre en passant près de lui le sourire d’ amitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’es
2160 en passant près de lui le sourire d’amitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’est pas elle. Il p
2161 ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone à ceux d
2162 la boutonnière, le marquis pénétra dans le salon de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’un coup de revolver. Pu
2163 on de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’ un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très r
2164 uchesse, lui baisa la main et l’abattit d’un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très remarqué. L
2165 Mais tu es si laid que cela me donne encore plus de plaisir. » Le duc paya et s’enfuit en disant que ce n’était pas lui.
2166 Il neigeait dans les rues sourdes comme un songe de son enfance. Aux fenêtres du palais s’étoilèrent des halos. Le jour t
2167 des halos. Le jour tendre paraissait sous l’égide de la mort. Il vit des fleurs de son enfance, une églantine, quelques ro
2168 issait sous l’égide de la mort. Il vit des fleurs de son enfance, une églantine, quelques roses, un sourire qui perce le c
2169 esses des flocons, plus perfides que des murmures d’ adieu. Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive des jardins.
2170 rt. » Il fait assez beau pour que s’ouvre ce cœur de l’après-midi, comme un camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’o
2171 s’ouvre ce cœur de l’après-midi, comme un camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’odeur merveilleuse des objets et de
2172 t bien sûr, je n’ai pas bougé. C’est une question d’ amitié. Pourtant je suis seul dès cette heure, et mes amis fuiront un
2173 que je reviens seul. Mais moi, qui regarde comme de l’autre bord, je songe qu’il est des visites à de certaines grandes d
2174 de l’autre bord, je songe qu’il est des visites à de certaines grandes dames où je préférais — et lui aussi — me rendre se
2175 s le retenir, Je ne pouvais pas le suivre. On dit de ces phrases. Même, on en pleure. l. « Quatre incidents », Revue de
2176 , on en pleure. l. « Quatre incidents », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 5, avril 1927,
53 1927, Articles divers (1924–1930). Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927)
2177 le passé ? Allons-nous assister à un regroupement de ses forces créatrices ? La question est peut-être prématurée. Mais le
2178 nts nécessaires à ce regroupement existe : il y a de jeunes peintres neuchâtelois. Quant à savoir s’il est possible déjà d
2179 uchâtelois. Quant à savoir s’il est possible déjà de discerner parmi eux certaines tendances générales, nous y reviendrons
2180 que le meilleur ; mais l’émulation, l’atmosphère de combat nécessaire au développement de certains jeunes tempéraments le
2181 ’atmosphère de combat nécessaire au développement de certains jeunes tempéraments leur fait défaut dans la même mesure. Ai
2182 r fait défaut dans la même mesure. Ainsi risquent de s’établir autour d’eux des mœurs un peu bourgeoises dont je ne vais p
2183 a même mesure. Ainsi risquent de s’établir autour d’ eux des mœurs un peu bourgeoises dont je ne vais pas faire le procès,
2184 dispersion des efforts artistiques. Tout ce monde d’ amateurs de découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiq
2185 des efforts artistiques. Tout ce monde d’amateurs de découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant
2186 stiques. Tout ce monde d’amateurs de découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde
2187 out ce monde d’amateurs de découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde où tous l
2188 d’amateurs de découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde où tous les extrémisme
2189 découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde où tous les extrémismes sont prônés
2190 de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’ avant-garde, ce monde où tous les extrémismes sont prônés comme vertus
2191 e à nous revenir munis du passeport indispensable d’ une consécration étrangère. Un jour en effet l’on apprend que tel tabl
2192 re. Un jour en effet l’on apprend que tel tableau de jeune est « coté » chez un gros marchand. Aussitôt, les feuilles loca
2193 hand. Aussitôt, les feuilles locales retentissent de touchants échos : « C’est avec un légitime orgueil que notre petit pa
2194 eillera cette consécration bien méritée du talent d’ un de ses enfants… » Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans u
2195 ra cette consécration bien méritée du talent d’un de ses enfants… » Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans une Ro
2196 ccorde à dire qu’on n’attendait pas moins du fils d’ un tel père. « Voilà le train du monde… » Je ne pense pas qu’il en fai
2197 force se développe. N’était certain petit plaisir d’ impertinence, je me fusse dispensé de redire ces lieux communs, auxque
2198 etit plaisir d’impertinence, je me fusse dispensé de redire ces lieux communs, auxquels pourtant nos circonstances confère
2199 D’ailleurs, sachons le reconnaître, il y a moins de malice que de paresse dans les jugements du public, et moins d’incomp
2200 achons le reconnaître, il y a moins de malice que de paresse dans les jugements du public, et moins d’incompréhension que
2201 de paresse dans les jugements du public, et moins d’ incompréhension que de timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer n
2202 gements du public, et moins d’incompréhension que de timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer ni dates de naissance,
2203 éhension que de timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer ni dates de naissance, ni traits d’enfance géniaux et prophé
2204 ité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer ni dates de naissance, ni traits d’enfance géniaux et prophétiques, ni opinions d
2205 pas de ne citer ni dates de naissance, ni traits d’ enfance géniaux et prophétiques, ni opinions de critiques autorisés. D
2206 ts d’enfance géniaux et prophétiques, ni opinions de critiques autorisés. Du benjamin, Eugène Bouvier, qui a 25 ans, jusqu
2207 si les peintres dont nous allons parler méritent d’ être appelés jeunes, c’est par leurs œuvres avant tout. D’autre part j
2208 graphie. Une œuvre d’art est un merveilleux foyer de contagion contre lequel je ne saurais me prémunir par le moyen d’aucu
2209 tre lequel je ne saurais me prémunir par le moyen d’ aucun de ces appareils à jugements garantis qui posent un critique d’a
2210 el je ne saurais me prémunir par le moyen d’aucun de ces appareils à jugements garantis qui posent un critique d’art diplô
2211 plômé. Premier péché contre l’histoire : au seuil d’ un article consacré aux jeunes artistes neuchâtelois, je vous présente
2212 ésente Conrad Meili, un Zurichois qui nous arriva de Genève il y a de cela cinq ou six ans. Il peignait alors des natures
2213 li, un Zurichois qui nous arriva de Genève il y a de cela cinq ou six ans. Il peignait alors des natures mortes, de petits
2214 ou six ans. Il peignait alors des natures mortes, de petits paysages, il dessinait des nus aux crayons de fard. C’était un
2215 petits paysages, il dessinait des nus aux crayons de fard. C’était un peu plus Blanchet que Barraud, plus Picasso que Mati
2216 res, dans une chambre peinte en bleu vif et ornée de surprenants batiks, il s’est livré pendant quelques années à des rech
2217 à des recherches un peu théoriques et abstraites. De cette époque datent des toiles comme le Souvenir de l’Évêché. Décors
2218 cette époque datent des toiles comme le Souvenir de l’Évêché. Décors et personnages semblent d’une matière idéale. Tout e
2219 venir de l’Évêché. Décors et personnages semblent d’ une matière idéale. Tout est lisse et parfait. Trop parfait seulement.
2220 parfait seulement. Il manque à ces recompositions de la nature, à ces natures remises à neuf, l’imperfection humaine qui t
2221 ection humaine qui touche. Mais l’atmosphère pure de ces espaces définis par quelques plans ne tue pas un certain mystère.
2222 dans la petite cité ouvrière, et c’est merveille de constater combien l’épuration rigoriste de sa technique sert une visi
2223 veille de constater combien l’épuration rigoriste de sa technique sert une vision aigüe de la vie. La série de gravures su
2224 n rigoriste de sa technique sert une vision aigüe de la vie. La série de gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité
2225 chnique sert une vision aigüe de la vie. La série de gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité est un petit chef-d
2226 qu’il intitule la cité est un petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est d’un art très volontaire, qui connaît ses res
2227 un petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est d’ un art très volontaire, qui connaît ses ressources et sait en user ave
2228 t en user avec la sobriété qui produit le maximum d’ expression. Cette « simplicité précieuse », il sait la conférer à tout
2229 affiche ou une mosaïque, c’est elle qui permettra de reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu biz
2230 ïque, c’est elle qui permettra de reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu bizarre qu’il glisse s
2231 e reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu bizarre qu’il glisse si souvent là où on l’attend le m
2232 ad Meili apporte chez nous une inspiration neuve, d’ origine germanique, mais qui a choisi de s’astreindre à la voluptueuse
2233 on neuve, d’origine germanique, mais qui a choisi de s’astreindre à la voluptueuse rigueur latine, et qui tout en s’épuran
2234 les renouveler. Il nous apporte aussi cet élément de vitalité combative qui manque trop souvent au Neuchâtelois. S’il cass
2235 pour le plaisir, mais plutôt par amour du courant d’ air. Cela dérange toujours quelques frileux, mais les autres sont soul
2236 e fût-ce qu’en prenant une initiative comme celle de Neuchâtel 1927 7 il aura bien mérité sa place parmi les artistes neuc
2237 âtelois. Actuellement, Meili achève la décoration d’ une salle d’hôtel en collaboration avec Paul Donzé. Qui eût cru que ce
2238 uellement, Meili achève la décoration d’une salle d’ hôtel en collaboration avec Paul Donzé. Qui eût cru que ce paysagiste
2239 pressionniste s’astreindrait jamais aux exigences de la technique décorative ! Voilà qui laisse espérer parmi nos artistes
2240 rapprochements moins paradoxaux. Donzé n’est pas de ceux pour qui la peinture consiste à habiller une idée. Voyez son por
2241 consiste à habiller une idée. Voyez son portrait de Meili : il ne prend pas le sujet par l’intérieur, mais il taille ce v
2242 a presse, la réduit à la forme qu’il voit. Il y a de la sensualité dans l’écrasement de ses couleurs, une sensualité qui s
2243 l voit. Il y a de la sensualité dans l’écrasement de ses couleurs, une sensualité qui sait se faire délicate quand du haut
2244 nsualité qui sait se faire délicate quand du haut de San Miniato ou de Fiesole, il peint Florence avec des roses et des ja
2245 se faire délicate quand du haut de San Miniato ou de Fiesole, il peint Florence avec des roses et des jaunes jamais mièvre
2246 x allures discrètes promène sur le monde des yeux de Japonais d’une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu’on ne c
2247 scrètes promène sur le monde des yeux de Japonais d’ une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu’on ne croit, mais i
2248 lus loin qu’on ne croit, mais il a toujours l’air de songer à la Hollande, sa seconde patrie si la peinture est sa premièr
2249 peinture neuchâteloise : un lyrisme un peu amer, d’ une tristesse qui ne s’affiche pas, mais s’insinue dans toute sa palet
2250 qu’on cherche en vain chez beaucoup des meilleurs de nos artistes. Mais n’allez pas croire à des grâces faciles ou sentime
2251 grâces faciles ou sentimentales. Il y a une sorte d’ aristocratique dissimulation dans l’œuvre de Bouvier. Sa technique qui
2252 sorte d’aristocratique dissimulation dans l’œuvre de Bouvier. Sa technique qui paraît au premier abord masquer ses intenti
2253  ; mais il faut pour comprendre cet art emprunter de singuliers chemins d’accès. Ce qui d’abord vous prend et vous retient
2254 omprendre cet art emprunter de singuliers chemins d’ accès. Ce qui d’abord vous prend et vous retient dans un tableau de Bo
2255 ’abord vous prend et vous retient dans un tableau de Bouvier, c’est toujours une sorte de dissonance, un défaut par où l’o
2256 s un tableau de Bouvier, c’est toujours une sorte de dissonance, un défaut par où l’on va peut-être se glisser dans l’atmo
2257 où l’on va peut-être se glisser dans l’atmosphère de l’œuvre ; que l’on consente en effet à telle déformation, et tout dev
2258 e mystique exige pour être compris une complicité de sentiments ou d’état d’âme. Je ne verrais guère que Louis de Meuron,
2259 pour être compris une complicité de sentiments ou d’ état d’âme. Je ne verrais guère que Louis de Meuron, parmi ses aînés,
2260 rapprocher, parce qu’il est un des rares peintres de ce pays pour qui la couleur existe avant tout. Mais la nostalgie de B
2261 i la couleur existe avant tout. Mais la nostalgie de Bouvier l’entraîne à mille lieues des jardins de sourires qui s’épano
2262 de Bouvier l’entraîne à mille lieues des jardins de sourires qui s’épanouissent sur les toiles de Meuron. Il semble toujo
2263 ins de sourires qui s’épanouissent sur les toiles de Meuron. Il semble toujours qu’il peigne entre deux pluies. Il aime ce
2264 t, et sait rendre mieux que personne la liquidité d’ un lac, certaines atmosphères délavées et sourdes. « Temps couvert, ca
2265 urtant l’impression, à voir ses dernières toiles, d’ une plus grande certitude intérieure. Les visages sont plus calmes, le
2266 Charles Humbert ou comment on passe en cinq ans de Baudelaire à Rubens. Il fut un temps où l’on put craindre que Charles
2267 ut craindre que Charles Humbert ne devînt le chef d’ une école du gris-noir neurasthénique. Il peignait des natures mortes
2268 t, à faire froid dans le dos ; ou bien des scènes d’ une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déj
2269 en des scènes d’une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples (Madeleine
2270 es d’une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’ Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples (Madeleine Woog, G. H.
2271 l avait fondée avec J. P. Zimmermann) des dessins d’ un dynamisme impétueux révélant un tempérament très rassurant. C’était
2272 intermédiaire, un peu pénible. Dans des bouquets d’ une opulence assez désordonnée, des rouges trop violents éclataient av
2273 tureuse que les formes, il y a une belle richesse de lueurs sur une matière traitée largement et d’une abondance très sûre
2274 se de lueurs sur une matière traitée largement et d’ une abondance très sûrement ordonnée. Je crois qu’on doit beaucoup att
2275 t ordonnée. Je crois qu’on doit beaucoup attendre de ce tempérament qui fait jaillir en lui sans cesse des possibilités im
2276 es possibilités imprévues. Il y a un côté « homme de la Renaissance » chez un Charles Humbert livré à sa fougue originale.
2277 n a plus encore chez un Aurèle Barraud. Il suffit de le voir peint par lui-même pour s’en assurer. La tête large, aux yeux
2278 yeux clairs et assurés, le cou robuste, les mains d’ un si beau dessin, qui ont du poids et nulle lourdeur, tout cela commu
2279 lle lourdeur, tout cela communique une impression de puissance domptée et qui semble se faire une volupté de la discipline
2280 ssance domptée et qui semble se faire une volupté de la discipline qu’elle s’impose. Et voilà qui fait encore plus « Renai
2281 ampe, en compagnie de sa femme (elle peint aussi, d’ un œil regardant le sujet, de l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis
2282 e (elle peint aussi, d’un œil regardant le sujet, de l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis voici François Barraud, le p
2283 ssins qui ressemblent beaucoup aux petites huiles de Charles, moins intensément réalistes, plus fins, mais tout aussi habi
2284 is retrouver, allons errer un peu dans le royaume d’ Utopie. André Evard va nous y introduire, et nous ne saurions trouver
2285 rcevoir, peut-être. Il suivait son petit bonhomme de chemin sans se douter qu’il avait pris quelques années d’avance sur s
2286 n sans se douter qu’il avait pris quelques années d’ avance sur ses contemporains. Un jour les jeunes le rattrapent. Saluta
2287 s choses bien curieuses sur son compte. Il a fait de la pâtisserie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et d’oranges
2288 la pâtisserie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et d’oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à
2289 rie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et d’ oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à Paris des
2290 r… Retournez-en une autre, ce doit être un dessin d’ horlogerie, ou quelque plan d’une machine à mouvement perpétuel. Une a
2291 doit être un dessin d’horlogerie, ou quelque plan d’ une machine à mouvement perpétuel. Une autre encore : cette fois-ci c’
2292 eux où se coupent des plans transparents, cellule de quelque palais de glaces en miniature, sorte de boîte à miracles où s
2293 des plans transparents, cellule de quelque palais de glaces en miniature, sorte de boîte à miracles où sous un éclairage t
2294 e de quelque palais de glaces en miniature, sorte de boîte à miracles où sous un éclairage très net, mais inusité, l’objet
2295 et, mais inusité, l’objet le plus banal se charge de mystère. Que va-t-il se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe
2296 se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe de quel occulte prodige ? Intrigué, vous reprenez ce que vous pensiez n’
2297 intitulé « nature morte ». Pourquoi pas naissance d’ un songe ? C’est en effet un rêve de précision qui s’incarne dans ces
2298 pas naissance d’un songe ? C’est en effet un rêve de précision qui s’incarne dans ces motifs géométriques, pour le plaisir
2299 rne dans ces motifs géométriques, pour le plaisir de la perfection exercée par jeu. Mais quel support à de nouvelles songe
2300 a perfection exercée par jeu. Mais quel support à de nouvelles songeries ! Ces horlogeries impossibles sont des pièges à c
2301 rte. Attention qu’André Evard n’aille trouver une de ces machines à explorer l’au-delà. En vérité il faut être sorcier ou
2302 r en instruments métaphysiques ces bonnes montres de précision de La Chaux-de-Fonds… Avant de quitter les peintres, rappel
2303 nts métaphysiques ces bonnes montres de précision de La Chaux-de-Fonds… Avant de quitter les peintres, rappelons le souven
2304 nt de quitter les peintres, rappelons le souvenir de Charles Harder, qui est mort jeune, sans avoir pu donner toute sa mes
2305 toute sa mesure. Il a laissé surtout des dessins, d’ une sûreté un peu traditionnelle, d’un style pourtant assez large et q
2306 des dessins, d’une sûreté un peu traditionnelle, d’ un style pourtant assez large et que n’entravait pas son scrupule réal
2307 scrupule réaliste. ⁂ Mais voici dans son costume d’ aviateur, retour de Vienne, un sculpteur qui saura s’imposer. Léon Per
2308 ⁂ Mais voici dans son costume d’aviateur, retour de Vienne, un sculpteur qui saura s’imposer. Léon Perrin a compris tout
2309 uelque lourdeur dans des morceaux comme le Joueur de rugby. C’était le poids de la pierre, plus que celui du corps de l’at
2310 rceaux comme le Joueur de rugby. C’était le poids de la pierre, plus que celui du corps de l’athlète ; l’œuvre n’atteignai
2311 it le poids de la pierre, plus que celui du corps de l’athlète ; l’œuvre n’atteignait pas encore pleinement sa vie propre.
2312 semble avoir évolué vers une plus grande harmonie de lignes. Je pense surtout à ses bas-reliefs du BIT où se manifeste un
2313 par les sujets et un style qui sait rester ample, d’ une simplicité non dépourvue de puissance. Une fois de plus l’on peut
2314 sait rester ample, d’une simplicité non dépourvue de puissance. Une fois de plus l’on peut admirer la salutaire leçon de s
2315 fois de plus l’on peut admirer la salutaire leçon de style donnée par le cubisme aux artistes qui ont su se dégager de son
2316 par le cubisme aux artistes qui ont su se dégager de son outrance théorique. C’est dans la manière cubiste encore que Perr
2317 errin décora naguère fort plaisamment une pendule de Ditisheim ; que Vincent Vincent, peintre, romancier et critique d’art
2318 ique d’art, compose des coussins, des couvertures de livres, des étoffes, d’une somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perreno
2319 coussins, des couvertures de livres, des étoffes, d’ une somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine de petits tab
2320 ptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine de petits tableaux en papiers découpés, avec une ingéniosité délicieusem
2321 tes pas complète. Mais elle a du moins l’avantage de grouper des artistes qui, par le fait des circonstances peut-être plu
2322 le fait des circonstances peut-être plus que par de naturelles affinités, se trouvent former un mouvement actif déjà, et
2323 ctive. Est-il possible, au sein de ce mouvement, d’ en distinguer d’autres plus organiques ? D’une part il y a des préoccu
2324 s qui pourraient aboutir peut-être à la formation d’ un groupe dont l’activité serait féconde en ce pays. D’autre part, des
2325 et et le domaine où elles se réalisent que celles de Le Corbusier8, Meili, Evard, Perrin, manifestent toutes une recherche
2326 , Evard, Perrin, manifestent toutes une recherche de la simplicité savante et de la perfection du métier, un goût pour la
2327 toutes une recherche de la simplicité savante et de la perfection du métier, un goût pour la construction rigoureuse qui
2328 t de même une orientation générale vers une sorte de classicisme moderne dont les frères Barraud ne seraient pas très éloi
2329 n avenir peut-être proche dira dans quelle mesure de tels groupements correspondent à une réalité artistique. Pour aujourd
2330 vions fait qu’affirmer l’existence et la vitalité d’ une jeune peinture originale dans un pays qu’on s’est trop souvent plu
2331 est trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et d’ une maigre végétation artistique. Pays où l’on préfère la netteté util
2332 lecteurs. 8. Voir sur cet artiste neuchâtelois, de son vrai nom Ch. E. Jeanneret, un article paru dans le numéro de févr
2333 Ch. E. Jeanneret, un article paru dans le numéro de février de cette revue. j. « Jeunes artistes neuchâtelois », Das Wer
2334 nneret, un article paru dans le numéro de février de cette revue. j. « Jeunes artistes neuchâtelois », Das Werk, Zurich,
54 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)
2335 ci un livre dur et sans grâces, qui ne manque pas d’ une beauté assez brutale, pour nous choquer et s’imposer pourtant. M.
2336 un tailleur, biblique, austère et probe, qui n’a d’ ambition que pour ses enfants. Jacob, l’aîné se révolte. Sensualité, i
2337 ité : les caractères se résument dans son avidité de puissance. C’est par l’argent qu’on domine notre âge : il devient gra
2338 ssure sa fortune au prix du peu cynique reniement de ses origines. Le vieux père s’effondre de honte et de douleur. « On v
2339 niement de ses origines. Le vieux père s’effondre de honte et de douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Ma
2340 es origines. Le vieux père s’effondre de honte et de douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Mais Jacob a r
2341 père s’effondre de honte et de douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Mais Jacob a renié ses parents, non
2342 eu juif, prend une âpre rapidité avec l’ascension de Jacob et ses luttes. On pardonne bon nombre de platitudes et de vulga
2343 on de Jacob et ses luttes. On pardonne bon nombre de platitudes et de vulgarités pour les derniers chapitres, denses, viol
2344 s luttes. On pardonne bon nombre de platitudes et de vulgarités pour les derniers chapitres, denses, violents, et dont le
2345 , on connaît mon orgueil : osez donc me condamner d’ être plus fort que cette bourgeoisie fatiguée, et de suivre le destin
2346 être plus fort que cette bourgeoisie fatiguée, et de suivre le destin que vous m’avez assigné à force de m’humilier et de
2347 que vous m’avez assigné à force de m’humilier et de me craindre. » ah. « Bernard Lecache : Jacob (NRF, Paris) », Biblio
2348 (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1927, p. 689-690.
55 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, La Mort difficile (mai 1927)
2349 Crevel, La Mort difficile (mai 1927)ai Le jeu de tout dire est une des plus tragiques inventions de l’inquiétude actue
2350 e tout dire est une des plus tragiques inventions de l’inquiétude actuelle. Sous couleur de démasquer l’humain, et par l’a
2351 é qu’on y apporte, l’on en vient à une conception de la sincérité qui me paraît proprement inhumaine. Tout dire, vraiment 
2352 inhumaine. Tout dire, vraiment ? C’est l’exigence d’ une détresse cachée ; elle fait bientôt considérer toute joie comme il
2353 sincérité ne serait-elle à son tour que le masque d’ un goût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où l’on voit commen
2354 le masque d’un goût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où l’on voit comment Pierre en vient à sacrifier Diane, son
2355 écrivait Mon Corps et Moi. Quand l’analyse féroce de Crevel fouille les pensées de Pierre ou de Diane, les gestes d’Arthur
2356 nd l’analyse féroce de Crevel fouille les pensées de Pierre ou de Diane, les gestes d’Arthur, le roman vit et nous touche
2357 féroce de Crevel fouille les pensées de Pierre ou de Diane, les gestes d’Arthur, le roman vit et nous touche par la force
2358 lle les pensées de Pierre ou de Diane, les gestes d’ Arthur, le roman vit et nous touche par la force de ce tourment ou de
2359 ’Arthur, le roman vit et nous touche par la force de ce tourment ou de ce sauvage égoïsme ; mais qu’elle s’acharne sur le
2360 vit et nous touche par la force de ce tourment ou de ce sauvage égoïsme ; mais qu’elle s’acharne sur le détail dégoûtant e
2361 elle s’acharne sur le détail dégoûtant et mesquin de certain milieu bourgeois, et l’on voit bien que l’auteur n’est pas en
2362 n voit bien que l’auteur n’est pas encore détaché de la matière pour en tirer une œuvre d’art. La sincérité audacieuse mai
2363 ore détaché de la matière pour en tirer une œuvre d’ art. La sincérité audacieuse mais sans bravade qui donne à ce livre sa
2364 mais sans bravade qui donne à ce livre sa valeur de document humain, nuit à sa valeur littéraire. Je n’aime guère ce styl
2365 ttéraire. Je n’aime guère ce style abstrait, semé de redites et d’expressions toutes faites qui trahissent une écriture hâ
2366 ’aime guère ce style abstrait, semé de redites et d’ expressions toutes faites qui trahissent une écriture hâtive. Mais il
2367 ent une écriture hâtive. Mais il y a dans l’œuvre de René Crevel un sens de la douleur et un sérieux humain qui forcent la
2368 . Mais il y a dans l’œuvre de René Crevel un sens de la douleur et un sérieux humain qui forcent la sympathie. ai. « Ren
2369 Kra, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1927, p. 690.
56 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Éluard, Capitale de la douleur (mai 1927)
2370 Paul Éluard, Capitale de la douleur (mai 1927)aj Nocturnes aux caresses coupantes comme cer
2371 resses coupantes comme certaines herbes. Capitale de la douleurak, ce sont de belles syllabes sereines, et dans cette vill
2372 rtaines herbes. Capitale de la douleurak, ce sont de belles syllabes sereines, et dans cette ville, Éluard est le plus séd
2373 s noctambules. Rêves éveillés, entre deux gorgées d’ un élixir dont il voudrait bien nous faire croire que le diable est l’
2374 faire croire que le diable est l’auteur. Beaucoup d’ oiseaux volètent, se balancent au bord des verres, se posent sur les c
2375 cent au bord des verres, se posent sur les cordes d’ une lyre dont ils font grésiller l’accord, une patte en l’air, becquèt
2376 l’accord, une patte en l’air, becquètent le cœur d’ une femme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont de jolies flèc
2377 mme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont de jolies flèches empoisonnées. Quelque chose, tout de même, de laqué, d
2378 lèches empoisonnées. Quelque chose, tout de même, de laqué, d’élégant, de « bien français » ; et le mot sang n’évoque ici
2379 oisonnées. Quelque chose, tout de même, de laqué, d’ élégant, de « bien français » ; et le mot sang n’évoque ici qu’une tac
2380 Quelque chose, tout de même, de laqué, d’élégant, de « bien français » ; et le mot sang n’évoque ici qu’une tache de coule
2381 çais » ; et le mot sang n’évoque ici qu’une tache de couleur, plus sentimental que cruel. « J’ai la beauté facile et c’est
2382 sque pas sa blessure. Mais c’est ici qu’il s’agit de ne pas confondre inexplicable avec incompréhensible. aj. « Paul Élu
2383 incompréhensible. aj. « Paul Éluard : Capitale de la douleur (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genè
2384 ouleur (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1927, p. 693-694. ak. En romain dans l’édition o
57 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans les idées (mai 1927)
2385 chelle, La Suite dans les idées (mai 1927)al «  De quoi s’agit-il ? de détruire ou de rafistoler ? » Entre ces deux tent
2386 s les idées (mai 1927)al « De quoi s’agit-il ? de détruire ou de rafistoler ? » Entre ces deux tentations, cédant à l’u
2387 i 1927)al « De quoi s’agit-il ? de détruire ou de rafistoler ? » Entre ces deux tentations, cédant à l’une autant qu’à
2388 un ? Non, enfin un. Tous les autres y ont apporté de secrètes complaisances, ou une arrière-pensée d’apologie, ou même sim
2389 de secrètes complaisances, ou une arrière-pensée d’ apologie, ou même simplement un besoin d’être aimés qui faussaient leu
2390 e-pensée d’apologie, ou même simplement un besoin d’ être aimés qui faussaient leurs voix pour les rendre plus touchantes.
2391 une saine rudesse. « Il s’examine jusqu’au ventre de sa mère et cognoit que dès lors il a esté corrompu et infect et adonn
2392 te » qui révèle encore dans le fond quelque chose de solide, d’authentique. J’aime cette violence de redressement où je di
2393 vèle encore dans le fond quelque chose de solide, d’ authentique. J’aime cette violence de redressement où je distingue bie
2394 e de solide, d’authentique. J’aime cette violence de redressement où je distingue bien autre chose que les « éclats de l’i
2395 où je distingue bien autre chose que les « éclats de l’impuissance ». Un plus délicat eut compris que certains des morceau
2396 hique. Et puis, tout de même, on est bien heureux de rencontrer chez les jeunes écrivains français un homme qui ait à ce p
2397 ains français un homme qui ait à ce point le sens de l’époque, une vision si claire et si tragique de la civilisation d’Oc
2398 de l’époque, une vision si claire et si tragique de la civilisation d’Occident. Les questions capitales posées ailleurs d
2399 ision si claire et si tragique de la civilisation d’ Occident. Les questions capitales posées ailleurs depuis longtemps par
2400 nce par quelques jeunes gens. Il faut louer Drieu d’ avoir échappé au surréalisme en tant qu’il n’est que le triomphe de la
2401 u surréalisme en tant qu’il n’est que le triomphe de la littérature sur la vie, mais d’avoir su en garder une passion pour
2402 ue le triomphe de la littérature sur la vie, mais d’ avoir su en garder une passion pour la pureté, un « jusqu’au boutisine
2403 ion, — et je sais bien que c’est là un des signes de sa décadence. Il y a du chirurgien chez ce soldat devenu « scribe » e
2404 utal : mais faisons-lui confiance, voici un homme d’ aujourd’hui, presque sans pose, et décidé à mépriser le bluff. al. «
2405 Sans Pareil) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1927, p. 694.
58 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)
2406 , Monsieur, normalement bon. L’idée, par exemple, d’ étrangler un chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais de peiner
2407 n chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais de peiner quelque être, même ennemi, — car celui-là je le méprisais trop
2408 Mes parents me savaient vierge et c’était la joie de leur vie, car ils aimaient en moi par-dessus tout la vertu que je leu
2409 . Pourtant, je ne détournai pas mes yeux des yeux de cette femme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’e
2410 e détournai pas mes yeux des yeux de cette femme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’elle pleurait, je
2411 te femme, qui m’aimait, et nous étions très jolis de bonheur et d’insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon
2412 m’aimait, et nous étions très jolis de bonheur et d’ insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon père savait t
2413 jolis de bonheur et d’insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon père savait tout. Il effleura mon front de
2414 soir, mon père savait tout. Il effleura mon front de ses lèvres sans une parole quand je vins lui souhaiter le bonsoir. Le
2415 lui, sans doute, j’étais perdu. Mais il souffrait d’ autre chose encore : il se savait vieux, maintenant. » Je songeais jus
2416 maintenant. » Je songeais justement à un sourire de mon amie quand il voulut m’adresser la parole après un silence vertig
2417 it mon sourire et pleura. Alors une rage s’empara de mon corps tout entier, je criai un juron, claquai la porte et courus
2418 e plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais un mot d’ adieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans une direction quelc
2419 la gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’ une nuit et je partais dans une direction quelconque. Il advint que ce
2420 direction quelconque. Il advint que ce fut celle de l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus d’articles sur la m
2421 l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus d’ articles sur la mode et la politique, que j’envoyais à divers journaux
2422 divers journaux. Un jour, parcourant un quotidien de mon pays où je cherchais mon dernier papier, je lus mon nom en grosse
2423 m en grosses lettres : c’était l’annonce du décès de mon père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’un café ; une b
2424 n père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’ un café ; une brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me re
2425 augmenter ma volupté. Bientôt je ne pus me tenir de chantonner. J’entrai dans un établissement luxueux d’où sortaient à c
2426 hantonner. J’entrai dans un établissement luxueux d’ où sortaient à chaque tour du tambour des bouffées de musique. » La fe
2427 ù sortaient à chaque tour du tambour des bouffées de musique. » La femme en bleu dansait en regardant au plafond. Après de
2428 x tangos, nous montions ensemble dans une chambre d’ hôtel où l’on ne voyait d’abord qu’un bouquet transfiguré par la lumiè
2429 uet transfiguré par la lumière et que reflétaient de nombreuses glaces. Les fenêtres que j’ouvris firent tourner des solei
2430 une avenue et ses autos rouges, tout un couchant de grand port de la Méditerranée. Nous nous aimâmes en sifflotant encore
2431 ses autos rouges, tout un couchant de grand port de la Méditerranée. Nous nous aimâmes en sifflotant encore par instants
2432 s aimâmes en sifflotant encore par instants l’air de la dernière danse, mais nous avions aussi envie de pleurer, à cause d
2433 e la dernière danse, mais nous avions aussi envie de pleurer, à cause du soir trop limpide et trop vaste, comme un avenir
2434 soir trop limpide et trop vaste, comme un avenir de bonheur fiévreux — celui justement que j’entrevoyais. » Quand elle se
2435 son sac à main : c’était assez pour me permettre d’ entreprendre quelques beaux vols… » Dès lors, je vécus, comme vous me
2436 s, comme vous me voyez vivre encore, dans un état de sincérité perpétuelle envers tous mes élans, accueillant avec un enth
2437 moral et malicieux. » Je ne sais dans quel rapide de l’Europe centrale — région où l’on est forcé de prendre conscience de
2438 e de l’Europe centrale — région où l’on est forcé de prendre conscience de soi-même — je découvris une nuit, au moment de
2439 — région où l’on est forcé de prendre conscience de soi-même — je découvris une nuit, au moment de m’endormir, que ma pas
2440 ue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé des années de joie au profit d’une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je se
2441 ’avait-on pas dérobé des années de joie au profit d’ une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je sentais bien que le
2442 bscurément. Je sentais bien que le ressort secret de la vertu dans laquelle on m’avait emprisonné c’était un bas opportuni
2443 unisme social, résultante des paresses accumulées de tous les cerveaux bourgeois incapables de concevoir un monde sans vie
2444 umulées de tous les cerveaux bourgeois incapables de concevoir un monde sans vieilles filles, sans capitalistes et sans ge
2445 escroquerie morale dont je fus la victime, ce vol de quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais il est trop tard, Monsi
2446 us la victime, ce vol de quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais il est trop tard, Monsieur, pour critiquer les moda
2447 trop tard, Monsieur, pour critiquer les modalités de ma vengeance. Veuillez ne voir dans la confusion où je parais être en
2448 omique, qu’une expression nouvelle, et non dénuée d’ ironie, de mon mépris pour ce qu’ils appellent, ridiculement, les fond
2449 ’une expression nouvelle, et non dénuée d’ironie, de mon mépris pour ce qu’ils appellent, ridiculement, les fondements mêm
2450 ils appellent, ridiculement, les fondements mêmes de la société. » C’est avec le produit du vol d’un tronc de chapelle que
2451 mes de la société. » C’est avec le produit du vol d’ un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel
2452 ociété. » C’est avec le produit du vol d’un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel je fis gra
2453 uel je fis graver : Prêté — rendu, pour la gloire de l’Église. (Ici, il but une gorgée et prit un temps.) » Je vous fais g
2454 t un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… B
2455 e vous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quel
2456 s grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois,
2457 , poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’ hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois, je m’a
2458 t-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois, je m’amuse à joue
2459 jouer le pickpocket. Cela permet, avec un minimum d’ adresse, de découvrir certaines personnalités sous un jour assez parti
2460 ckpocket. Cela permet, avec un minimum d’adresse, de découvrir certaines personnalités sous un jour assez particulier, trè
2461 us un jour assez particulier, très souvent ignoré d’ elles-mêmes auparavant, et pas toujours défavorable, croyez-le bien… L
2462 pas toujours défavorable, croyez-le bien… Le goût de la propriété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et des plus gén
2463 et des plus généralement répandus, j’ai vite fait de classer mon monde d’après les quelques réactions élémentaires qui ne
2464 ues réactions élémentaires qui ne manquent jamais de succéder au moindre vol. » J’ajouterai, cher Monsieur, que l’analyse
2465 psychologique n’est pas mon fort. Je me contente de quelques observations théoriques que je tiens pour vraies, et j’en vé
2466 les manifestations vivantes avec une prodigalité d’ épreuves, contre-épreuves, variantes et enjolivures où je vois le véri
2467 es et enjolivures où je vois le véritable intérêt de ma vie. C’est vous dire que seule une certaine caresse de l’événement
2468 e. C’est vous dire que seule une certaine caresse de l’événement naissant peut encore m’émouvoir. C’est un plaisir de chaq
2469 naissant peut encore m’émouvoir. C’est un plaisir de chaque minute auquel succède immédiatement le sommeil. Je rêve beauco
2470 j’ai pour la poésie imprimée. » J’allais oublier de vous dire qu’on me nomme Saint-Julien. Vous n’ignorez point que l’on
2471 ron des voyageurs… » Saint-Julien parut satisfait de cette dernière plaisanterie. Il but avec beaucoup de délicatesse quel
2472 but avec beaucoup de délicatesse quelques gorgées d’ eau minérale. Isidore sentit alors que la bienséance l’obligeait à éme
2473 ur cette vie dont le récit n’avait pas laissé que de l’agacer en maint endroit. « Une chose avant tout me frappe — dit-il,
2474 lâchant tout de suite ses compliments, ce qui est de mauvaise politique, — c’est l’extraordinaire netteté de votre vie. El
2475 vaise politique, — c’est l’extraordinaire netteté de votre vie. Elle est sans bavures, sans réticences ; elle m’apparaît c
2476 paraît comme un divertissement perpétuel et dénué d’ inquiétude. Et cela n’est pas sans me charmer, croyez-moi. Car, enfin,
2477 couter, c’est que je cherche ce qu’on est convenu d’ appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle de vie. Ma
2478 ’on est convenu d’appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me
2479 pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre co
2480 vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre conduite les conclusions morales qu’elle paraît impliq
2481 s, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre conduite les conclusions morales qu’elle paraît impliquer, c’es
2482 ales qu’elle paraît impliquer, c’est ce caractère de , comment dirai-je…, de juvénile insouciance, pour ne pas dire inconsc
2483 liquer, c’est ce caractère de, comment dirai-je…, de juvénile insouciance, pour ne pas dire inconscience ! qui s’attache à
2484 ts et gestes. L’on croirait ouïr parfois le récit de quelqu’une de ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en
2485 L’on croirait ouïr parfois le récit de quelqu’une de ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux
2486 ouïr parfois le récit de quelqu’une de ces farces d’ étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus
2487 ’étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus ou moins cruels… » — Je vous entends, interrompit S
2488 ts qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus ou moins cruels… » — Je vous entends, interrompit Saint-Jul
2489 t la sincérité tournait vite à l’agressif — effet d’ une timidité naturelle dont il paraissait lui-même gêné. En deux mots,
2490 t raison. Mais justement je n’éprouve aucun désir d’ avoir raison. Je sens aussi bien que vous ce que mes principes peuvent
2491 bien que vous ce que mes principes peuvent avoir de « bien jeune », de banal presque, et, pis, d’agréablement paradoxal.
2492 ue mes principes peuvent avoir de « bien jeune », de banal presque, et, pis, d’agréablement paradoxal. Seulement, pour qui
2493 oir de « bien jeune », de banal presque, et, pis, d’ agréablement paradoxal. Seulement, pour quiconque est aussi profondéme
2494 quiconque est aussi profondément persuadé que moi de l’absurdité radicale de notre vie, la moindre farce, le moindre geste
2495 ondément persuadé que moi de l’absurdité radicale de notre vie, la moindre farce, le moindre geste convenu dans le genre «
2496 onvenu dans le genre « révolté » prend une saveur de raillerie assez amère. Et peut-être apprendrez-vous à découvrir derri
2497 re apprendrez-vous à découvrir derrière certaines de mes plaisanteries la dérision secrète qu’elles masquent par caprice.
2498 ⁂ m. « Récit du pickpocket (fragment) », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 6, mai 1927, p
2499 ve-Fribourg, n° 6, mai 1927, p. 180-185. Une note de bas de page indique : « La rédaction rappelle que les idées émises da
2500 ction rappelle que les idées émises dans la Revue de Belles-Lettres sont propres à leur auteur et qu’elles n’engagent pas
59 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conseils à la jeunesse (mai 1927)
2501 aux romantiques : le goût du suicide, l’habitude de boire et de fumer excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris d
2502 ques : le goût du suicide, l’habitude de boire et de fumer excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris de la réalité
2503 excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris de la réalité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la sensibili
2504 e, le mépris de la réalité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la sensibilité, l’atrophie du sens critique sous
2505 éalité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la sensibilité, l’atrophie du sens critique sous toutes ses formes :
2506 ens, et l’ignorance systématique, le mépris enfin de tous les principes qui sont à la base de la société même. »   Ceci es
2507 is enfin de tous les principes qui sont à la base de la société même. »   Ceci est tiré d’un livre récent sur Aloysius Ber
2508 t à la base de la société même. »   Ceci est tiré d’ un livre récent sur Aloysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques
2509 loysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques de 1830 que ces reproches s’adressent, ou bien plutôt — vous alliez le d
2510 M. Y. Z., qui, dans un petit article du Journal de Genève sur « La maladie du siècle », écrit : « Plante des pommes de
2511 ne homme ! Quand tu seras au bout de la 20e ligne de 200 mètres, ce qui représente quatre kilomètres de plantation, le siè
2512 e 200 mètres, ce qui représente quatre kilomètres de plantation, le siècle ne sera plus malade, les temps seront guéris de
2513 ècle ne sera plus malade, les temps seront guéris de leur crise, les valeurs auront retrouvé leur stabilité, et comme M. A
2514 bilité, et comme M. Albert Muret dont le Journal de Genève parlait naguère, tu mangeras avec appétit une poule au riz ar
2515 tu mangeras avec appétit une poule au riz arrosée d’ un savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou
2516 it une poule au riz arrosée d’un savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou deux petits phénomènes
2517 tout de même un ou deux petits phénomènes sociaux de notre temps que cette méthode ne suffirait pas à supprimer. Or, ils n
2518 lement chez des jeunes « et qui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique de tous les « vices romantiques ». — Citez-
2519 ui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique de tous les « vices romantiques ». — Citez-m’en de ces phénomènes ! — Mo
2520 e de tous les « vices romantiques ». — Citez-m’en de ces phénomènes ! — Mon Dieu, que dire… Il y aurait, par exemple, ce f
2521 re… Il y aurait, par exemple, ce fait du triomphe de la Machine ; ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la gue
2522 mple, ce fait du triomphe de la Machine ; ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la guerre… et puis, tenez ! ce
2523  ; ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la guerre… et puis, tenez ! ce fait surtout de la sacro-sainte Raison
2524 it de la guerre… et puis, tenez ! ce fait surtout de la sacro-sainte Raison utilitaire au service des sacro-saints Princip
2525 s n’est-ce pas, merci du conseil, Monsieur Y. Z., de ce conseil que vous avouez modestement n’être pas inédit. Mais point
2526 tement n’être pas inédit. Mais point n’est besoin de rappeler Candide : nous pensons que bien avant Voltaire il y avait de
2527 rtificiel. n. « Conseils à la jeunesse », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 6, mai 1927, p
60 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes (juillet 1927)
2528 sympathique Paterne. Sous le fallacieux prétexte d’ une flânerie de saison, vous vous attardez aux terrasses des cafés. Pe
2529 terne. Sous le fallacieux prétexte d’une flânerie de saison, vous vous attardez aux terrasses des cafés. Peut-être va-t-el
2530 voici Pierre Girard : lui seul connaît l’adresse de Patsy, mais il ne veut pas vous la donner. Alors pour vous venger, vo
2531 aphiques vous fatigue ; que c’est une vraie manie de nommer à tout propos d’Annunzio, Pola Negri, Charly Clerc, Mrs. Balfo
2532 que c’est une vraie manie de nommer à tout propos d’ Annunzio, Pola Negri, Charly Clerc, Mrs. Balfour. Vous parlez de « pro
2533 la Negri, Charly Clerc, Mrs. Balfour. Vous parlez de « procédés lassants ». Pierre Girard n’écoute plus : il pense à des V
2534 e globe dans son voyage « est arrivé à un endroit de l’éther où il y a du bonheur ». Vous reconnaissez que Pierre Girard e
2535 nnaissez que Pierre Girard est un peu responsable de cette douceur de vivre. Déjà vous ne niez plus sa drôlerie, son aisan
2536 re Girard est un peu responsable de cette douceur de vivre. Déjà vous ne niez plus sa drôlerie, son aisance. Vous accordez
2537 ance. Vous accordez que s’il force un peu la dose de fantaisie, c’est plutôt par excès de facilité que par recherche. Vous
2538 peu la dose de fantaisie, c’est plutôt par excès de facilité que par recherche. Vous voilà même tenté de l’en féliciter.
2539 facilité que par recherche. Vous voilà même tenté de l’en féliciter. Bien plus, vous découvrez dans ses fantoches une mali
2540 proche M. Piquedon de Buibuis, qui parle toujours de Weber… Mais au fait, si vous n’aviez pas lu ce livre ? Ah ! sans hési
2541 vre ? Ah ! sans hésiter, je vous ferais un devoir de ce plaisir. Un devoir !… Car hélas, l’on n’est pas impunément concito
2542 … Car hélas, l’on n’est pas impunément concitoyen de cet oncle Abraham qui interdit à Paterne son neveu de fumer le matin,
2543 et oncle Abraham qui interdit à Paterne son neveu de fumer le matin, de sortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible
2544 i interdit à Paterne son neveu de fumer le matin, de sortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible de ne pas entrer d
2545 ortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible de ne pas entrer dans les cafés. Et puis, c’est égal, ce soir, tout cela
2546 es désertes glisse un grand souffle oblique plein de fraîcheur et de pardon. » am. « Pierre Girard : Connaissez mieux le
2547 se un grand souffle oblique plein de fraîcheur et de pardon. » am. « Pierre Girard : Connaissez mieux le cœur des femmes
2548 Kra, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juillet 1927, p. 114-115.
61 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)
2549 La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)o I Parler littérature Si je pro
2550 I Parler littérature Si je prononce le nom de tel de vos confrères, si je dis : « Avez-vous lu… », vous voilà rouge
2551 arler littérature Si je prononce le nom de tel de vos confrères, si je dis : « Avez-vous lu… », vous voilà rouge ; et s
2552 lu… », vous voilà rouge ; et sur moi les foudres de votre paradis poétique. Si je cite tel auteur dont nous fîmes notre n
2553 uteur dont nous fîmes notre nourriture une saison de naguère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pythie. Vous
2554 nourriture une saison de naguère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est tr
2555 uère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce r
2556 de votre bouche, une injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce roman : c’est trop agré
2557 dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce roman : c’est trop agréable. Vous dites d’un goût qu’on aurait pou
2558 tes de ce roman : c’est trop agréable. Vous dites d’ un goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alo
2559 d’un goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alors, quelque paysan du Danube survenant : — Je vous
2560 in que leurs sincérités gardent au moins l’excuse d’ une audace qu’ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous
2561 voici un bar où je vous suis. Vous y entrez plein de mépris pour Paul Morand par qui découvrîtes le charme de ces lieux. V
2562 is pour Paul Morand par qui découvrîtes le charme de ces lieux. Vous composez un cocktail en guise de métaphore, avec une
2563 d Écart… », dit quelqu’un. À ce coup, l’évocation de Cocteau fait fleurir sur vos lèvres le mot de Cambronne : hommage à L
2564 ion de Cocteau fait fleurir sur vos lèvres le mot de Cambronne : hommage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation de Va
2565 mmage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’Éluard14. Et des phrase
2566 une citation de Valéry, cette œillade se souvient d’ un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l
2567 on de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’ Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse n
2568 14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse un poème où vous aimiez à la folie votr
2569 ie votre douleur. Narcisse se contemple au miroir de son monocle. Au petit matin, il se noie dans un verre à liqueur. Pois
2570 rop qu’ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisir d’ être nu devant un public supposé dévot, et qui n’ose en croire sa pude
2571 qui n’ose en croire sa pudeur, et qui doute enfin de l’impossibilité des miracles ! Quelles voluptés plus subtiles et plus
2572 les et plus aiguës ? On vaincra jusqu’à sa gueule de bois pour en faire des poèmes. Alors je cherche les raisons de votre
2573 en faire des poèmes. Alors je cherche les raisons de votre indignation, quand il m’échappe une citation. Seraient-ce les g
2574 », « hallucinant » ou « purement gratuit ». C’est de la littérature. À force d’avoir mérité ces épithètes, pour nous laud
2575 ment gratuit ». C’est de la littérature. À force d’ avoir mérité ces épithètes, pour nous laudatives, vous vous étonnez au
2576 ur nous laudatives, vous vous étonnez aujourd’hui de la simplicité. Littérateur, va ! qui ne pouvez pas même admettre que
2577 implicité est simple simplement. La bouche brûlée d’ alcools, vous découvrez à l’eau un goût étrange. L’eau est incolore, i
2578 votre mépris pour le pittoresque, vous témoignez d’ un goût du bizarre qui révèle le littérateur. Nous ne pouvons pas fair
2579 pas faire que nous n’ayons rien lu. Vous refusez de compter avec cette réalité de la littérature qui est en nous (dangere
2580 en lu. Vous refusez de compter avec cette réalité de la littérature qui est en nous (dangereuse tant que vous voudrez). Ma
2581 s ce refus n’est pas seulement comme vous pensez, d’ une ingratitude salutaire, c’est refus de limiter le mal. Je vous vois
2582 pensez, d’une ingratitude salutaire, c’est refus de limiter le mal. Je vous vois envahi par des démons que vous prétendez
2583 ahi par des démons que vous prétendez m’interdire de nommer. Mais moi je partage avec certains Orientaux cette croyance :
2584 ez un peu sur la laisse, que j’éprouve la fermeté de ma main. Je vous tiens. Je sais où vous êtes. Vous n’allez pas me sur
2585 du feu. Je dis ces noms, ces opinions, ces titres de livres : tout cela jaillit, s’entrechoque, s’annule. Poussière. Ma vi
2586 lleurs. L’addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vr
2587 addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce
2588 vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt
2589 s de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur
2590 le flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisance de la littérature On reconnaît un écrivain, aujourd’hui, à ce qu’il n
2591 arle littérature. Mais il y a des mépris qui sont de sournoises déclarations d’amour. Tel qui raille l’Église et les curés
2592 a des mépris qui sont de sournoises déclarations d’ amour. Tel qui raille l’Église et les curés, c’est qu’il se fait une t
2593 es curés, c’est qu’il se fait une très haute idée de la religion. Ainsi, de la littérature : votre mépris pour ses réalisa
2594 e fait une très haute idée de la religion. Ainsi, de la littérature : votre mépris pour ses réalisations actuelles donne l
2595 s pour ses réalisations actuelles donne la mesure de ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois
2596 actuelles donne la mesure de ce que vous attendez d’ elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce mépris et cette atte
2597 de ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce mépris et cette attente également exagérés. Vo
2598 e. Que la littérature nous est un moyen seulement d’ atteindre et de préparer d’autres choses, d’autres actions, ou des éta
2599 rature nous est un moyen seulement d’atteindre et de préparer d’autres choses, d’autres actions, ou des états intérieurs q
2600 oses dures, amères comme un destin, comme le goût d’ une pierre rêche sur ta langue et grinçante sous ta dent. Des soupless
2601 que tout se fond catastrophiquement dans l’infini de la seconde. Des peurs sans cause, plus vides que la mort. Toutes ces
2602 ue nulle poésie même ne peut dire, parce que rien de ce qui nous importe véritablement n’est dicible. (Depuis le temps qu’
2603 la poésie, l’état poétique, est notre seul moyen de connaissance concrète du monde. Mais c’est à condition qu’on ne l’écr
2604 ble : cela consisterait dans l’expression directe de la réalité individuelle. Elle serait tellement incommunicable qu’il d
2605 ellement incommunicable qu’il deviendrait inutile de la publier. Et même, en passant à la limite, on peut imaginer que si
2606 s obscurs des allusions furtives à certains états de la réalité. Mais plus les mots se plient à des exigences sémantiques
2607 e, — mariant l’utile à l’agréable selon les rites d’ une esthétique ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signif
2608 à l’agréable selon les rites d’une esthétique ou d’ une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui n
2609 que ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui nous importent. Vous le savez. Alors vous le
2610 avez. Alors vous les lâchez en liberté, par haine de cette esthétique ou de ce sens social, — et voilà qu’ils perdent même
2611 chez en liberté, par haine de cette esthétique ou de ce sens social, — et voilà qu’ils perdent même la problématique utili
2612 oilà qu’ils perdent même la problématique utilité de liaison qui était leur excuse dernière. Avouons-le : rien de ce qu’on
2613 qui était leur excuse dernière. Avouons-le : rien de ce qu’on peut exprimer n’a d’importance véritable. Alors, cessons de
2614 . Avouons-le : rien de ce qu’on peut exprimer n’a d’ importance véritable. Alors, cessons de nous battre contre des moulins
2615 primer n’a d’importance véritable. Alors, cessons de nous battre contre des moulins à vent. La littérature, considérée du
2616 vent. La littérature, considérée du point de vue de la psychologie de l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal
2617 ure, considérée du point de vue de la psychologie de l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal, que l’on satisfa
2618 u anormal, que l’on satisfait dans certains états de crise afin de retrouver son équilibre — et dont on tire parfois quelq
2619 t on tire parfois quelque plaisir, plus rarement, de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète.
2620 t, de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’ une faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un
2621 eu d’une faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer une réalité dont la
2622 qui est proche du sens biblique. Il ne s’agit pas de la connaissance abstraite et rationnelle dont le monde moderne se con
2623 ude que vous la guérirez. Au contraire, il s’agit de l’envisager sans fièvre, pour en circonscrire les effets. J’avoue pre
2624 êt bien vif. Et cela fournit un merveilleux sujet de conversation, au café. Dans un salon, par contre, c’est d’un ridicule
2625 sation, au café. Dans un salon, par contre, c’est d’ un ridicule écrasant : mais rien n’est plus facile que d’y échapper.
2626 dicule écrasant : mais rien n’est plus facile que d’ y échapper. III Sur l’utilité de la littérature Montherlant me p
2627 lus facile que d’y échapper. III Sur l’utilité de la littérature Montherlant me paraît être le moins « littératuré »
2628 araît être le moins « littératuré » des écrivains d’ aujourd’hui. Quand il parle littérature, il a toujours l’air de mettre
2629 . Quand il parle littérature, il a toujours l’air de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre
2630 rs l’air de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de passer s
2631 de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de passer sous sile
2632 ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de passer sous silence. C’est assez drôle de voir le malaise des chers c
2633 convenu de passer sous silence. C’est assez drôle de voir le malaise des chers confrères. Ils ne pardonnent pas à ce toréa
2634 miliarités avec une Muse qu’ils n’ont pas coutume d’ aborder sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séduct
2635 se qu’ils n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séductions. On sait bien, d’
2636 n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séductions. On sait bien, d’ailleurs,
2637 order sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séductions. On sait bien, d’ailleurs, qu’elle les entretient
2638 t bien, d’ailleurs, qu’elle les entretient. Bande de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas
2639 illeurs, qu’elle les entretient. Bande de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas encore aval
2640 de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas encore avalé. On m’affirme que je n’y échapperai p
2641 ble ; mais, pour sûr, jamais vivre pour écrire16. De tous les prétextes que l’on a pu avancer pour légitimer l’activité li
2642 plus satisfaisant, celui qui rend le mieux compte de la réalité, c’est André Breton qui l’a exprimé : « On publie pour che
2643 es pas tant, n’est-ce pas, à poursuivre une quête de l’esprit. Et vous savez ce qu’elle nous vaut : les mépris, les haines
2644 les mépris, les haines douloureuses ou grossières de tous ceux qui ne peuvent ou ne veulent y voir que révoltes contre leu
2645 s instables certitudes, et qui nous font un péché de notre acceptation des réalités spirituelles parce qu’elles troublent
2646 e reconnaître. Quand bien même elle n’aurait plus d’ autre excuse que celle-là, la littérature mériterait d’exister : qu’el
2647 re excuse que celle-là, la littérature mériterait d’ exister : qu’elle soit le langage chiffré de notre inquiétude et de no
2648 erait d’exister : qu’elle soit le langage chiffré de notre inquiétude et de nos naissantes certitudes, le seul langage peu
2649 le soit le langage chiffré de notre inquiétude et de nos naissantes certitudes, le seul langage peut-être qui nous permett
2650 udes, le seul langage peut-être qui nous permette d’ échanger les signaux de l’angoisse sur quoi se fondent, en ces temps,
2651 eut-être qui nous permette d’échanger les signaux de l’angoisse sur quoi se fondent, en ces temps, nos amitiés miraculeuse
2652   Voici donc les seules révélations que j’attende de la littérature : que celle des autres m’aide à prendre conscience de
2653 que celle des autres m’aide à prendre conscience de moi-même ; que la mienne m’aide à découvrir quelques êtres par le mon
2654 ir quelques êtres par le monde… Il ne s’agit plus de mépris ni d’adoration. J’ai défini une « maladie » dont je parviens à
2655 tres par le monde… Il ne s’agit plus de mépris ni d’ adoration. J’ai défini une « maladie » dont je parviens à tirer quelqu
2656 ue les bienfaits que j’en escompte, il sera temps de songer sérieusement à m’en guérir. Vous me demanderez « alors » ce qu
2657 ir. Vous me demanderez « alors » ce que j’attends de ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympathique Philip
2658 ors » ce que j’attends de ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympathique Philippe Soupault, que « ceci, c’
2659 ) Mais non, cher ami, voici qu’une envie me prend de vous conter un peu cette histoire. Seulement, allons ailleurs ; il y
2660 istoire. Seulement, allons ailleurs ; il y a trop de monde ici. 14. Paul Morand, auteur d’Ouvert et de Fermé la nuit, t
2661 y a trop de monde ici. 14. Paul Morand, auteur d’ Ouvert et de Fermé la nuit, titres également scandaleux. Le Grand Écar
2662 monde ici. 14. Paul Morand, auteur d’Ouvert et de Fermé la nuit, titres également scandaleux. Le Grand Écart, roman de
2663 itres également scandaleux. Le Grand Écart, roman de M. Cocteau, a donné son nom à un établissement de nuit très en vogue
2664 de M. Cocteau, a donné son nom à un établissement de nuit très en vogue à Paris. Cambronne (général), 1770-1842. Louis Ara
2665 ), 1770-1842. Louis Aragon et Paul Éluard, hommes de lettres et poètes surréalistes. Paul Valéry, de l’Académie française.
2666 s de lettres et poètes surréalistes. Paul Valéry, de l’Académie française. Narcisse, personnage mythologique. — Là ! [NdE]
2667  ! [NdE] Le texte publié place également un appel de note plus bas dans le paragraphe, après « Narcisse », sans qu’on sach
2668 après « Narcisse », sans qu’on sache s’il s’agit d’ une erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissance
2669 e », sans qu’on sache s’il s’agit d’une erreur ou d’ une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16.
2670 n sache s’il s’agit d’une erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16. J’en vois cer
2671 lonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’ action. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie de telle sorte
2672 n. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie de telle sorte que leurs mémoires seront des romans « bien modernes ». L
2673  bien modernes ». Leurs amours sont des pastiches de Morand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’à les écrire »
2674 re ». o. « La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-
2675 Lettres sur le mépris de la littérature », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 8, juillet 192
62 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les derniers jours (juillet 1927)
2676 Rochelle et Emmanuel Berl, sont — avec la Revue de Belles-Lettres — la seule revue de langue française où l’on dise la
2677 vec la Revue de Belles-Lettres — la seule revue de langue française où l’on dise la vérité librement et pour elle-même.
2678 rité librement et pour elle-même. Nous regrettons de n’en pouvoir citer, faute de place, que ces quelques phrases de Drieu
2679 r citer, faute de place, que ces quelques phrases de Drieu : « On voit déjà éclater dans les singuliers mouvements de sym
2680 voit déjà éclater dans les singuliers mouvements de sympathie qu’a provoqués l’infortune de l’Action française la fratern
2681 ouvements de sympathie qu’a provoqués l’infortune de l’Action française la fraternité qui existe, en dépit des protestatio
2682 fraternité qui existe, en dépit des protestations de haine, entre les athées de l’antidémocratisme et les athées du Capita
2683 épit des protestations de haine, entre les athées de l’antidémocratisme et les athées du Capitalisme quand il est conscien
2684 les athées du Capitalisme quand il est conscient de soi-même, et les athées du Socialisme et du Communisme. Tous ceux-là
2685 mmunisme. Tous ceux-là travaillent à l’achèvement d’ un certain monde moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée de t
2686 moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée de tout secours de l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révol
2687 lleuse mécanique sévère et dénuée de tout secours de l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révolteront contre le
2688 Vous réveillerez-vous pour les désaltérer, dieux de l’Orient et de l’Occident ? » Certains cris qui nous échappèrent n’a
2689 ez-vous pour les désaltérer, dieux de l’Orient et de l’Occident ? » Certains cris qui nous échappèrent n’avaient pas d’au
2690 Certains cris qui nous échappèrent n’avaient pas d’ autre sens. 17. 20, rue Chalgrin, Paris 16e. p. « Les derniers jour
2691 rin, Paris 16e. p. « Les derniers jours », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 8, juillet 192
63 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Adieu au lecteur (juillet 1927)
2692 juillet 1927)q Nous passons la main au central de Genève, fidèles à la tradition — en ceci au moins. Nous nous retirons
2693 gnation provoquée sur tous les bancs par certains de nos articles nous épouvante. Notre retraite est toute « statutaire »
2694 taire » — si l’on ose dire. Elle nous permet donc de considérer la situation sans fièvre, sans lamentations d’adieu.   On
2695 dérer la situation sans fièvre, sans lamentations d’ adieu.   On nous a parfois traités de fous (avec ou sans sourire). Nou
2696 lamentations d’adieu.   On nous a parfois traités de fous (avec ou sans sourire). Nous sommes à l’âge de nous en réjouir.
2697 fous (avec ou sans sourire). Nous sommes à l’âge de nous en réjouir. On s’est beaucoup étonné de nous voir « si différent
2698 ’âge de nous en réjouir. On s’est beaucoup étonné de nous voir « si différents » de nos aînés. Nous avons l’énorme candeur
2699 st beaucoup étonné de nous voir « si différents » de nos aînés. Nous avons l’énorme candeur de trouver ça naturel. On nous
2700 rents » de nos aînés. Nous avons l’énorme candeur de trouver ça naturel. On nous a fait des reproches contradictoires. Nou
2701 x mots sur la paradoxale situation intellectuelle d’ une revue d’étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accord
2702 a paradoxale situation intellectuelle d’une revue d’ étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accorde pour trouv
2703 lectuelle d’une revue d’étudiants comme la nôtre. D’ un côté, en effet, on s’accorde pour trouver légèrement ridicule un je
2704 i recherche activement la Sagesse (« Ça n’est pas de votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise des « énormités » qui p
2705 nt la Sagesse (« Ça n’est pas de votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise des « énormités » qui peuvent échapper à un
2706 s vous souciez vraiment trop peu des conséquences de ce que vous écrivez ! ») En définitive, il semble que certains n’att
2707 En définitive, il semble que certains n’attendent de nous que d’innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vé
2708 e, il semble que certains n’attendent de nous que d’ innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vérité l’on n’
2709 tendent de nous que d’innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vérité l’on n’a pas à se préoccuper de prévo
2710 tions dont en vérité l’on n’a pas à se préoccuper de prévoir les conséquences, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connu
2711 ces, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connue d’ avance et stérilisée par la loi, les mœurs et l’habitude. Nous n’avons
2712 s mœurs et l’habitude. Nous n’avons aucun remords d’ avoir déçu cette catégorie de lecteurs. Aucun remord non plus d’avoir
2713 ’avons aucun remords d’avoir déçu cette catégorie de lecteurs. Aucun remord non plus d’avoir troublé quelques bonnes petit
2714 ette catégorie de lecteurs. Aucun remord non plus d’ avoir troublé quelques bonnes petites somnolences par des cris intempe
2715 ir et pour en accepter les conséquences. Et puis, de temps à autre, voici que nous parvient un signe d’amitié qui ne tromp
2716 e temps à autre, voici que nous parvient un signe d’ amitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots, on s’est compris. Que po
2717 mots, on s’est compris. Que pouvions-nous espérer d’ autre ? Il y eut quelques découvertes qui nous consolèrent de tout le
2718 l y eut quelques découvertes qui nous consolèrent de tout le reste.   Et maintenant voici Genève et son mystère. Car chaqu
2719 écombres où s’anéantirent l’honneur et la fortune de ses derniers rédacteurs, notre Revue-phénix s’élance avec une ardeur
2720 re Revue-phénix s’élance avec une ardeur rajeunie d’ un an dans une direction absolument imprévisible. Que nous apportera l
2721 ument imprévisible. Que nous apportera le Central de Genève ? Tout est possible : la guerre et la paix, la tradition, l’an
2722 s plus blasés. Lecteur, fais confiance au Central de Genève. Souviens-toi de la grandeur de ses traditions et ne va pas aj
2723 fais confiance au Central de Genève. Souviens-toi de la grandeur de ses traditions et ne va pas ajouter à cette lourde cha
2724 au Central de Genève. Souviens-toi de la grandeur de ses traditions et ne va pas ajouter à cette lourde charge le poids de
2725 ne va pas ajouter à cette lourde charge le poids de nos péchés. Ils sont bien nôtres. Et nous y tenons, ah ! comme nous y
2726 nous y tenons ! q. « Adieu au lecteur », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 8, juillet 192
64 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean-Louis Vaudoyer, Premières amours (août 1927)
2727 (août 1927)an Ces trois nouvelles n’ont guère de commun entre elles que la forme : ce sont de lentes réminiscences, de
2728 uère de commun entre elles que la forme : ce sont de lentes réminiscences, des évocations intérieures, — et dans l’abandon
2729 , des évocations intérieures, — et dans l’abandon de leurs méandres, peu à peu, se précisent les circonstances d’une avent
2730 andres, peu à peu, se précisent les circonstances d’ une aventure ancienne. Entre hier et demain : Une femme « encore jeun
2731 t demain : Une femme « encore jeune » se souvient d’ un danseur de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme
2732 e femme « encore jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté
2733 e jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans, d’ une aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté du corps de so
2734 i aurait pu être… Un homme médite à côté du corps de son ami suicidé pour une femme qu’ils ont aimé tous deux (L’Amie du M
2735 ous deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’ un été de vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent
2736 (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’un été de vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent troubler
2737 premières inquiétudes du désir viennent troubler de ravissantes amours d’adolescents. Et c’est Un vieil été. Cette nouvel
2738 du désir viennent troubler de ravissantes amours d’ adolescents. Et c’est Un vieil été. Cette nouvelle, très supérieure au
2739 eux autres, est une réussite rare par la justesse de l’observation autant que par la sympathie de l’auteur pour ses héros.
2740 esse de l’observation autant que par la sympathie de l’auteur pour ses héros. Indulgence et regrets, un ton qui permet le
2741 i permet le tact dans la hardiesse. On reste ravi de tant d’adresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonch
2742 le tact dans la hardiesse. On reste ravi de tant d’ adresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonchalance.
2743 esse. On reste ravi de tant d’adresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonchalance. M. Vaudoyer ressuscite
2744 dresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonchalance. M. Vaudoyer ressuscite ces adolescences avec une tend
2745 lescences avec une tendre minutie, avec une sorte d’ amoureuse application du souvenir, d’une séduction certaine. C’est un
2746 ec une sorte d’amoureuse application du souvenir, d’ une séduction certaine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d
2747 souvenir, d’une séduction certaine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d’une si subtile convenance avec son obj
2748 ine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d’ une si subtile convenance avec son objet qu’il en saisit sans mièvreri
2749  ; l’évocation toute nervalienne en sa nostalgie, de la jeune étrangère dont on rêve à 15 ans ; et voici ce je ne sais quo
2750 réalité ressuscitée… » Sachons gré à M. Vaudoyer d’ avoir su donner à ces œuvrettes une si exquise humanité : par lui le «
2751 Plon, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1927, p. 244-245.
65 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Rainer Maria Rilke (décembre 1927)
2752 anique, il faudra opposer l’excellent petit livre d’ Edmond Jaloux. C’est un recueil de divers articles et essais, dont cer
2753 ent petit livre d’Edmond Jaloux. C’est un recueil de divers articles et essais, dont certains — le Message de Rilke — sont
2754 rs articles et essais, dont certains — le Message de Rilke — sont du meilleur Jaloux, de ce Jaloux qui sait parler mieux q
2755 — le Message de Rilke — sont du meilleur Jaloux, de ce Jaloux qui sait parler mieux que personne des poètes scandinaves e
2756 loux, qui a rencontré plusieurs fois Rilke, trace de lui un portrait qu’on dirait, en peinture, très « interprété ». Non p
2757 . Non pas une photographie morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est peut-être p
2758 e photographie morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est peut-être plus vraie qu
2759 morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est peut-être plus vraie que le vrai, je
2760 enne que ne fut Rilke. Rilke y apparaît comme une de ces âmes mystiques et raffinées telles qu’on en découvre chez certain
2761 e cet univers dont je rêvais n’était pas un objet de songe mais d’expérience ». Mais une telle « expérience », je crois, n
2762 dont je rêvais n’était pas un objet de songe mais d’ expérience ». Mais une telle « expérience », je crois, ne peut être se
2763 religion qu’aux convertis — qui n’ont plus besoin de preuves. Il reste qu’un livre comme celui-ci tend un merveilleux pièg
2764 in que la sempiternelle « stratégie littéraire », de gazetiers ; au cœur de ces sujets qui paraît-il, ne sont pas d’actual
2765 « stratégie littéraire », de gazetiers ; au cœur de ces sujets qui paraît-il, ne sont pas d’actualité : la solitude, la m
2766 au cœur de ces sujets qui paraît-il, ne sont pas d’ actualité : la solitude, la maladie, la peur. ao. « Edmond Jaloux :
2767 Paul, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1927, p. 787-788.
66 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)
2768 tion littéraire. Bien sûr, c’est cela, le malaise d’ écrire. Bopp est très intelligent. Et plein de verve, et pas embarrass
2769 ise d’écrire. Bopp est très intelligent. Et plein de verve, et pas embarrassé du tout pour vous lâcher un beau pavé mathém
2770 ue au milieu d’une effusion « lyrique », histoire de n’avoir pas l’air dupe. Mais il a des façons parfois bien désobligean
2771 Mais il a des façons parfois bien désobligeantes de voir juste. Et quand son bonhomme se plaint de ce que son œuvre lui a
2772 es de voir juste. Et quand son bonhomme se plaint de ce que son œuvre lui apparaît en même temps que « fatale », « si arbi
2773 u phénomène littéraire. La « Promenade » du héros de Bopp est une sorte de pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes
2774 . La « Promenade » du héros de Bopp est une sorte de pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes certaines de ses rema
2775 Cela rend peut-être moins convaincantes certaines de ses remarques sur l’inspiration. D’autre part la simplicité de l’obje
2776 ues sur l’inspiration. D’autre part la simplicité de l’objet était nécessaire à la sécurité de cette sorte d’analyse, — en
2777 plicité de l’objet était nécessaire à la sécurité de cette sorte d’analyse, — encore que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu
2778 jet était nécessaire à la sécurité de cette sorte d’ analyse, — encore que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu’il était de ta
2779 re que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu’il était de taille à affronter d’autres dédales ! Mais il a su mettre plus de cho
2780 onter d’autres dédales ! Mais il a su mettre plus de choses qu’il n’y paraît d’abord dans ces 50 pages. Beaucoup sont exce
2781 même est une réussite. Léon Bopp, c’est le combat d’ un tempérament avec l’esprit de géométrie. Un scientisme assez insolen
2782 p, c’est le combat d’un tempérament avec l’esprit de géométrie. Un scientisme assez insolent et les joyeuses révoltes de s
2783 cientisme assez insolent et les joyeuses révoltes de sa verve « interfèrent » en lui. Et aussi (presque imperceptible, mai
2784 ète complaisance à se regarder vivre qui est bien d’ aujourd’hui — entre autres. ap. « Léon Bopp : Interférences (La Rena
2785 ivre, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1927, p. 791.
67 1927, Articles divers (1924–1930). Dés ou la clef des champs (1927)
2786 clef des champs (1927)k « On sent l’absurdité d’ un semblable système. » Musset. Une rose et un journal oubliés sur l
2787 rose et un journal oubliés sur le marbre vulgaire d’ une table de café. Je venais de m’asseoir et de commander une consomma
2788 ournal oubliés sur le marbre vulgaire d’une table de café. Je venais de m’asseoir et de commander une consommation. Comme
2789 re d’une table de café. Je venais de m’asseoir et de commander une consommation. Comme d’habitude, un peu après six heures
2790 m’asseoir et de commander une consommation. Comme d’ habitude, un peu après six heures. J’étais seul. Le café est un lieu a
2791 du bureau, les gages insupportablement familiers d’ une vie honnête de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’un apé
2792 ges insupportablement familiers d’une vie honnête de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’un apéro, on entre ici d
2793 ête de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’ un apéro, on entre ici dans le jardin des songeries les plus étranges
2794 étranges qu’appelle la musique. Je me gardai donc d’ ouvrir le journal. Les Petites nouvelles ont un pouvoir tyrannique sur
2795 cela m’intéresse au fond : les faits-divers, rien de moins divers. Mais je suis pris dans l’absurde réseau des lignes, et
2796 tte mécanique me restitue chaque fois un peu plus de lassitude, un peu plus d’ennui. J’essayai donc de rêver. Mais cette r
2797 chaque fois un peu plus de lassitude, un peu plus d’ ennui. J’essayai donc de rêver. Mais cette rose oubliée me gênait : pe
2798 de lassitude, un peu plus d’ennui. J’essayai donc de rêver. Mais cette rose oubliée me gênait : perdre une rose pour le pl
2799 . Il déplia le journal et se mit à lire les pages d’ annonces. On m’apporta une liqueur. Et quand j’eus fini de boire, mes
2800 es. On m’apporta une liqueur. Et quand j’eus fini de boire, mes pensées plus rapides s’en allèrent un peu vers l’avenir et
2801 oulait dans la banlieue printanière ; des soupers d’ amis dans notre modeste salle à manger ; des jaquettes de couleur pour
2802 dans notre modeste salle à manger ; des jaquettes de couleur pour ma femme… Mais l’homme avait posé son journal. Soudain,
2803 . Il en parcourait rapidement les pages, la proie d’ une agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer un moment. Nous fi
2804 roie d’une agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer un moment. Nous fixâmes comme enjeu nos consommations. Je gagna
2805 r vaguement. Les couleurs du bar me remplissaient d’ une joie inconnue. Et je me refusais sans cesse aux questions qu’en mo
2806 uel. C’était un jeu très simple où l’esprit libre de calculs se tend ardemment vers la conclusion d’un hasard qui opère au
2807 e de calculs se tend ardemment vers la conclusion d’ un hasard qui opère au commandement de la main. Ce soir-là, une confia
2808 conclusion d’un hasard qui opère au commandement de la main. Ce soir-là, une confiance me possédait, telle que je savais
2809 mouvants où je me voyais figurer comme une sorte de « personnage aux dés ». Ce furent d’abord des images décousues de sa
2810 aux dés ». Ce furent d’abord des images décousues de sa vie, brillantes ou misérables, passionnées. Mais bientôt : — « Des
2811 -il, tu pourrais me remercier. Vois quels chemins de perdition j’ouvre sans cesse à ta course aveugle ; tu n’aurais pas tr
2812 tout seul, avec tes airs pessimistes. De nouveau, d’ un coup de dés, je bouscule tous tes calculs, ha ! tu te disais : le v
2813 avec tes airs pessimistes. De nouveau, d’un coup de dés, je bouscule tous tes calculs, ha ! tu te disais : le voilà riche
2814 tu te réjouissais, parce que tu n’as pas beaucoup d’ imagination, et que tu es un pauvre vaudevilliste qui use à tort et à
2815 pauvre vaudevilliste qui use à tort et à travers de situations complètement démodées et d’intrigues usées jusqu’à la cord
2816 à travers de situations complètement démodées et d’ intrigues usées jusqu’à la corde, jusqu’à la corde pour les pendre, ha
2817 pensais que j’allais me cramponner à cette espèce de bonheur qu’ils croient lié à la possession, et que j’allais vivre aus
2818 leur vie à la gagner9, et leur façon inexplicable de lier des valeurs morales aux cours de bourse. « Heureux quoique pauvr
2819 nexplicable de lier des valeurs morales aux cours de bourse. « Heureux quoique pauvre » comme ils disent dans leurs manuel
2820 s voler, pour leur apprendre. Et leur manie aussi de situer le paradis dans la classe d’impôts immédiatement supérieure à
2821 r manie aussi de situer le paradis dans la classe d’ impôts immédiatement supérieure à la leur. Ils voudraient que leur vie
2822 voudraient que leur vie garantît un 5 % régulier de plaisirs, avec assurance contre faillites morales et douleurs d’amour
2823 ec assurance contre faillites morales et douleurs d’ amour — ô vertige sans prix du lâchez-tout ! Ils ont inventé les caiss
2824 prix du lâchez-tout ! Ils ont inventé les caisses d’ épargne, monuments d’une bassesse morale inconcevable, temples de leur
2825 Ils ont inventé les caisses d’épargne, monuments d’ une bassesse morale inconcevable, temples de leurs paresses et de leur
2826 ments d’une bassesse morale inconcevable, temples de leurs paresses et de leurs lâchetés, glorification de leur impuissanc
2827 morale inconcevable, temples de leurs paresses et de leurs lâchetés, glorification de leur impuissance à concevoir un autr
2828 eurs paresses et de leurs lâchetés, glorification de leur impuissance à concevoir un autre bonheur que celui qu’ils ont re
2829 cevoir un autre bonheur que celui qu’ils ont reçu de papa-maman et l’Habitude, leur marraine aux dents jaunes. Ah ! perdre
2830 ’est toujours à qui perd gagne ! Sauter follement d’ une destinée dans l’autre, de douleurs en ivresses avec la même joie,
2831 e ! Sauter follement d’une destinée dans l’autre, de douleurs en ivresses avec la même joie, mon cheval fou, mon beau Dési
2832 i est en train de me soutirer les quelque billets de mille dont je venais de régler le sort, puisque demain dès l’aube, j’
2833 aube, j’irai tenter la misère aux yeux las pleins de rêves, la misère qui fait des soirs si doux aux amants quand ils n’on
2834 ants quand ils n’ont plus que des baisers au goût d’ adieu, et l’avenir où se mêlent incertaines, une tendresse éperdue et
2835 r des visions. Les lustres doraient un brouillard de fumée, et la musique noyait mes pensées. Je vis qu’une femme était as
2836 cette rose qui s’effeuilla sur les dés, et partit d’ un long rire. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à me regard
2837 mit à me regarder bizarrement et j’étais possédé de joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musi
2838 garder bizarrement et j’étais possédé de joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musique et la ru
2839 loguaient follement au-dessus des rues parcourues de longs cris en voyage. Je me sentis perdre pied délicieusement. Et de
2840 yage. Je me sentis perdre pied délicieusement. Et de cette nuit peut-être, je ne saurai jamais rien… (sinon qu’au lendemai
2841 es paroles — ou peut-être n’étaient-ce que celles de mes folies ? Je me répète : paradoxes, mais cela ne suffit plus à m’e
2842 ue je devrais tenter quelque chose. Je suis plein de rêves, certains soirs. Il faut pourtant rentrer chez moi, et ma femme
2843 le lait va monter. Alors, dans ma chambre, avant d’ aller souper, je m’abats sur mon lit, les cheveux dans les mains. Et j
2844 sur ma lâcheté. Et je t’apostrophe, soudain plein de mépris et de désespoir, ô vie sans faute, vie sans joie… Ah ! plus am
2845 é. Et je t’apostrophe, soudain plein de mépris et de désespoir, ô vie sans faute, vie sans joie… Ah ! plus amère, plus amè
2846 te haïr… 9. Calembour sur une idée juste. (Note de l’éd.) k. « Dés ou la clef des champs », Neuchâtel 1928 : beaux-arts
68 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Princesse Bibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)
2847 C’est un livre sympathique ; et il vaut la peine de le dire car la chose n’est pas si fréquente dans la production actuel
2848 tion actuelle. On retrouve aux premiers chapitres de Catherine-Paris cette magie des sensations et des rêves de l’enfance
2849 ine-Paris cette magie des sensations et des rêves de l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée même, qui
2850 l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée même, qui faisaient déjà du Perroquet Vert un petit chef-d’œuv
2851 ient déjà du Perroquet Vert un petit chef-d’œuvre de poésie proprement romanesque, naissant des situations mêmes et non de
2852 romanesque, naissant des situations mêmes et non de dissertations lyriques à leur propos. Mais dans ce roman, il n’y a pl
2853 lus seulement la femme, avec le miracle perpétuel de sa sensibilité. Il y a encore la princesse, le témoin intelligent et
2854 e témoin intelligent et un peu ironique des cours d’ Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résu
2855 et un peu ironique des cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résultent à la fois le dé
2856 ique des cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résultent à la fois le défaut de compos
2857 ’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résultent à la fois le défaut de composition du livre e
2858 ce de collaboration résultent à la fois le défaut de composition du livre et sa richesse. L’enfance de Catherine à Paris e
2859 de composition du livre et sa richesse. L’enfance de Catherine à Paris est du roman pur ; la tournée des cours de l’Europe
2860 e à Paris est du roman pur ; la tournée des cours de l’Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’un comte polona
2861 Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’ un comte polonais, grand seigneur médiatisé, vaguement prétendant au t
2862 seigneur médiatisé, vaguement prétendant au trône de Pologne, est plutôt d’un mémorialiste. Madame Bibesco y montre beauco
2863 uement prétendant au trône de Pologne, est plutôt d’ un mémorialiste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté d’esprit,
2864 iste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté d’ esprit, une pénétration de jugement et une ironie assez amère qui éton
2865 tre beaucoup de liberté d’esprit, une pénétration de jugement et une ironie assez amère qui étonnent de la part d’une femm
2866 e roman repart dans une troisième action (l’amour de Catherine pour un aviateur français) assez peu intéressante à vrai di
2867 à vrai dire, parce qu’elle n’est pas à l’échelle de ce qui la précède. Ces défaillances de la technique du roman sont sau
2868 l’échelle de ce qui la précède. Ces défaillances de la technique du roman sont sauvées par un style brillant, plein de tr
2869 u roman sont sauvées par un style brillant, plein de trouvailles spirituelles, malicieuses ou poétiques ; et ce n’est pas
2870 « pointes » faciles mais cela même ne manque pas de naturel… On peut regretter que ce livre ne réalise pas une synthèse p
2871 u roman et des mémoires. Mais si son début permet de croire que le Perroquet Vert ne restera pas une réussite isolée dans
2872 réussite isolée dans l’œuvre purement romanesque de la princesse Bibesco, Catherine-Paris annonce par ailleurs un mémoria
2873 eurs un mémorialiste captivant, dans la tradition d’ un Ligne par exemple. aq. « Princesse Bibesco : Catherine-Paris (Gra
2874 sset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvier 1928, p. 121-122.
69 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
2875 bien, au contraire, que l’histoire n’a pas connu de période où les directions d’une civilisation apparaissent plus nettem
2876 stoire n’a pas connu de période où les directions d’ une civilisation apparaissent plus nettement. Un certain ordre s’élabo
2877 e, ou, pour mieux dire, une organisation générale de la vie mondiale. Toutes les forces du temps y concourent obscurément 
2878 ste à jouer l’autruche aux yeux clos, l’avènement de cette organisation toute-puissante n’est plus qu’une question de quel
2879 sation toute-puissante n’est plus qu’une question de quelques années. Mais peut-être est-il temps encore. Ici et là, quelq
2880 Ici et là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’ une époque déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure de toucher
2881 e déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure de toucher aux buts que sa civilisation poursuit depuis près de deux siè
2882 puis près de deux siècles, l’Occidental est saisi d’ un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait peut-être
2883 aurait-il fait fausse route ? Est-il temps encore de le détourner du désastre spirituel vers lequel il entraîne l’Occident
2884 prendre conscience du péril. Nous ne tentons rien d’ autre ici. Il y a une lâcheté, croyons-nous, dans cette complaisance
2885 érale à proclamer le désordre du temps. On a peur de certaines évidences, on préfère affirmer que tout est incompréhensibl
2886 ensible. L’homme moderne recule devant l’évidence de la banqueroute prochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu
2887 ule devant l’évidence de la banqueroute prochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu’une époque entière ait pu s
2888 r, et se tromper mortellement. Il suffit pourtant de regarder autour de nous et d’en croire nos yeux. I. L’homme qui a r
2889 Il suffit pourtant de regarder autour de nous et d’ en croire nos yeux. I. L’homme qui a réussi Je prends Henry Ford
2890 onne ne s’est approché plus que lui du type idéal de l’industriel et du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa
2891 l’industriel et du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa popularité universelle sont signes que l’époque a sen
2892 tion la plus parfaite. Qu’on ne m’accuse donc pas de caricaturer l’objet de ma critique pour faciliter l’accusation : je p
2893 Qu’on ne m’accuse donc pas de caricaturer l’objet de ma critique pour faciliter l’accusation : je prends pour la juger ce
2894 : je prends pour la juger ce que l’époque m’offre de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vi
2895 ue l’époque m’offre de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils d
2896 la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec
2897 à présent », dit‑il. Le plus mémorable événement de ces années de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu
2898 dit‑il. Le plus mémorable événement de ces années de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu’on sache au j
2899 événement de ces années de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose d’« humou
2900 omme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose d’ « humour » il met dans l’expression), c’est la rencontre d’une locomot
2901 r » il met dans l’expression), c’est la rencontre d’ une locomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant de 12 ans, j’ap
2902 ocomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant de 12 ans, j’aperçus cette machine de route, jusqu’au jour présent, ma g
2903 ant où, enfant de 12 ans, j’aperçus cette machine de route, jusqu’au jour présent, ma grande et constante ambition a été d
2904 ur présent, ma grande et constante ambition a été de construire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse so
2905 nstruire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’un mo
2906 Les étapes de sa jeunesse sont : la construction d’ un moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’une première
2907 sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’ un moteur à explosion, enfin d’une première automobile fabriquée, à te
2908 eur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’ une première automobile fabriquée, à temps perdu, alors qu’il est simp
2909 « et commence à réaliser son rêve, le type unique d’ automobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite de chiffres indiqu
2910 tomobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite de chiffres indiquant le progrès de sa production, d’année en année. On
2911 c’est une suite de chiffres indiquant le progrès de sa production, d’année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres c
2912 e chiffres indiquant le progrès de sa production, d’ année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres celui des milliards
2913 mais ce n’est pour lui qu’un résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rê
2914 qu’un résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a
2915 de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est don
2916 it autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu d’ hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augme
2917 il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augmenter enco
2918 faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’ augmenter encore cette production. Ford est le plus puissant industrie
2919 monde ; le plus riche, au point qu’il peut parler d’ égal à égal avec beaucoup d’États ; le plus parfait aussi. Son succès
2920 int qu’il peut parler d’égal à égal avec beaucoup d’ États ; le plus parfait aussi. Son succès sans précédent le met à l’ab
2921 aussi. Son succès sans précédent le met à l’abri de toutes les attaques, du point de vue technique. L’organisation de ses
2922 taques, du point de vue technique. L’organisation de ses usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il
2923 ation de ses usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter
2924 sines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution
2925 st un résultat qu’on n’a pas le droit humainement de sous-estimer. Les griefs que les socialistes font aux capitalistes eu
2926 re. Au contraire, il a résolu la question sociale d’ une façon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesq
2927 açon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesquels ont coutume de promettre à leurs électeurs une organ
2928 aux doctrinaires de gauche, lesquels ont coutume de promettre à leurs électeurs une organisation complète du monde, seule
2929 nisation complète du monde, seule méthode capable d’ empêcher les abus des capitalistes. Du même coup, en supprimant l’escl
2930 Du même coup, en supprimant l’esclavage financier de l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée de la lutte des cla
2931 l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée de la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuv
2932 ause avouée de la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solid
2933 la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propre
2934 la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir q
2935 de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’on éprouve
2936 mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’on éprouve toujours au
2937 à cela le plaisir qu’on éprouve toujours au récit de succès mirobolants, et le charme un peu facile mais fort goûté du gra
2938 me un peu facile mais fort goûté du grand public, de l’humour américain, l’on comprendra sans peine la popularité mondiale
2939 a sans peine la popularité mondiale des « idées » d’ Henry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’y applau
2940 leur montre le chemin qu’ils seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’y engagent dès aujour
2941 ment, pendant qu’il reste quelques chances encore de régler pacifiquement le conflit du capital et du travail. « Se fordis
2942 crivait récemment un économiste. Ford, perfection de l’industriel, offre au monde moderne le premier exemple de son achève
2943 striel, offre au monde moderne le premier exemple de son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif de la moderne civili
2944 son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif de la moderne civilisation occidentale. Voici donc venue l’heure de la j
2945 ivilisation occidentale. Voici donc venue l’heure de la juger. Le héros de l’époque, c’est l’homme qui a réussi. Mais à qu
2946 e. Voici donc venue l’heure de la juger. Le héros de l’époque, c’est l’homme qui a réussi. Mais à quoi ? C’est la plus gra
2947 ps. II. M. Ford a ses idées, ou la philosophie de ceux qui n’en veulent pas Nous avons dit tout à l’heure quel fut l
2948 Nous avons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que to
2949 vons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que toute sa car
2950 érons-la sous cet angle. Il y a d’abord la vision de l’auto routière : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’effo
2951 d’abord la vision de l’auto routière : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’efforce d’en réaliser l’objet par s
2952 ance de sa passion froide et tenace. Il s’efforce d’ en réaliser l’objet par ses propres moyens, à un exemplaire ; puis, il
2953 ition, il conçoit ce mythe extravagant du bonheur de l’humanité par la possession d’automobiles Ford. Et, comme il est trè
2954 vagant du bonheur de l’humanité par la possession d’ automobiles Ford. Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de
2955 Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de démêler les conditions les plus rationnelles de la production, avec c
2956 t de démêler les conditions les plus rationnelles de la production, avec cette netteté et cette décision qu’une passion co
2957 ion qu’une passion contenue peut donner à l’homme d’ action. Enfin, le voici en mesure de produire des quantités énormes d’
2958 ner à l’homme d’action. Enfin, le voici en mesure de produire des quantités énormes d’autos. Seulement, pour pouvoir conti
2959 voici en mesure de produire des quantités énormes d’ autos. Seulement, pour pouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’inté
2960 ouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’intérêt de la production, il faut créer la consommation. La réclame s’en charge.
2961 a réclame s’en charge. Par le procédé très simple de la répétition, on fait croire aux gens qu’ils ne peuvent plus vivre h
2962 eux sans auto. Voilà l’affaire lancée. La passion de Ford se donne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui do
2963 nne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui donner une apparence d’utilité publique. À chaque page de ses liv
2964 t plus maintenant que de lui donner une apparence d’ utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrait relever les
2965 r une apparence d’utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrait relever les sophismes plus ou moins conscient
2966 ients par lesquels il prétend ramener le bénéfice de la production à celui du consommateur. Prenons cette petite phrase qu
2967 mateur. Prenons cette petite phrase qui n’a l’air de rien : « Nul ne contestera que, si l’on abaisse suffisamment les prix
2968 client. Mais cherchons un peu les causes réelles de cet abaissement de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’une
2969 hons un peu les causes réelles de cet abaissement de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’une cause accessoire. D
2970 t trop chère ; mais surtout que le besoin qu’on a de tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble alors que l’industrie
2971 er bagage. Mais c’est ici que Ford montre le bout de l’oreille, et que son but réel est la production pour elle-même, non
2972 . Elle peut amener, en se généralisant, une sorte de suicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d
2973 , une sorte de suicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel
2974 uicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme,
2975 umain, par perte de son instinct de préservation, d’ autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du b
2976 son instinct de préservation, d’autorégulation et d’ alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de
2977 est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de la réclame a même but, mêmes effets. Mais le plus grave est peut-être
2978 grand paradoxe du monde moderne »3, ce qu’il y a de profondément antihumain dans la conception fordienne de l’oisiveté. F
2979 fondément antihumain dans la conception fordienne de l’oisiveté. Ford a créé un second dimanche dans la semaine, « retouch
2980 cond dimanche dans la semaine, « retouché l’œuvre de la Création », comme dit Ferrero. Le bon peuple s’extasie. Il ne peut
2981 e. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et de la souris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne une apparence
2982 relâche les ouvriers et leur donne une apparence de liberté, c’est pour mieux les prendre dans son engrenage. L’emploi de
2983 ur mieux les prendre dans son engrenage. L’emploi de leurs loisirs est prévu. Il est déterminé par la réclame, les produit
2984 ord qu’il faut user, etc. Il a pour but véritable d’ augmenter la consommation. Il rend plus complet l’esclavage de l’ouvri
2985 la consommation. Il rend plus complet l’esclavage de l’ouvrier, puisqu’il englobe jusqu’à son repos dans le cycle de la pr
2986 puisqu’il englobe jusqu’à son repos dans le cycle de la production. Cercle vicieux : plus la production s’intensifie, plus
2987 us la production s’intensifie, plus il faut créer de besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progre
2988 on s’intensifie, plus il faut créer de besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progressant. Mais la
2989 jusqu’à quel point Ford est conscient des buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de
2990 point Ford est conscient des buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de produire peu
2991 effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de produire peut très bien envahir un cerveau moderne au point d’en excl
2992 eut très bien envahir un cerveau moderne au point d’ en exclure toute considération de finalité. Mais cet aveuglement fonda
2993 moderne au point d’en exclure toute considération de finalité. Mais cet aveuglement fondamental n’empêche pas notre indust
2994 lement fondamental n’empêche pas notre industriel de philosopher sur les sujets les plus divers. Les aphorismes sont assez
2995 lus divers. Les aphorismes sont assez révélateurs de la mentalité capitaliste américaine. Voici, par exemple, une définiti
2996 te américaine. Voici, par exemple, une définition de la liberté : La liberté consiste à travailler pendant le temps conve
2997 nt le temps convenable et à gagner, par ce moyen, de quoi vivre convenablement tout en restant maître de régler à sa guise
2998 quoi vivre convenablement tout en restant maître de régler à sa guise le détail de sa vie privée. Cette liberté particuli
2999 en restant maître de régler à sa guise le détail de sa vie privée. Cette liberté particulière, et cent autres pareilles,
3000 nt, au total, la grande Liberté idéale et mettent de l’huile dans les rouages de la vie quotidienne. Cette Liberté idéale
3001 rté idéale et mettent de l’huile dans les rouages de la vie quotidienne. Cette Liberté idéale réduite au rôle d’huile dan
3002 uotidienne. Cette Liberté idéale réduite au rôle d’ huile dans les rouages, n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que d
3003 n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que dire de cette admirable simplification : « Sur quoi repose la société ? Sur l
3004 e prix que nous payons à la terre la satisfaction de nos besoins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher
3005 la satisfaction de nos besoins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom
3006 me des machines. J’y vois la réalisation concrète d’ une théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les h
3007 alisation concrète d’une théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les hommes. » C’est le bonheur, le s
3008 réclame. « Ce que j’ai à cœur, aujourd’hui, c’est de démontrer que les idées mises en pratique chez nous ne concernent pas
3009 s-nous… Mais, comment expliquer que des centaines de milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent s
3010 , comment expliquer que des centaines de milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent sans réserve
3011 rétienne », applaudissent sans réserve aux thèses de cet orgueilleux et naïf messianisme matérialiste ? Un seul doute effl
3012 ialiste ? Un seul doute effleure Ford vers la fin de son livre : Le problème de la production a été brillamment résolu… M
3013 eure Ford vers la fin de son livre : Le problème de la production a été brillamment résolu… Mais nous nous absorbons trop
3014 t ne pensons pas assez aux raisons que nous avons de le faire. Tout notre système de concurrence, tout notre effort de cré
3015 ns que nous avons de le faire. Tout notre système de concurrence, tout notre effort de création, tout le jeu de nos facult
3016 t notre système de concurrence, tout notre effort de création, tout le jeu de nos facultés semblent dirigés uniquement ver
3017 rence, tout notre effort de création, tout le jeu de nos facultés semblent dirigés uniquement vers la production matériell
3018 ord passe outre et se remet à discuter des points de technique. Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital du problè
3019 problème moderne. D’ailleurs, les idées générales de cette sorte sont rares dans son livre. En général, il se borne à parl
3020 dans son livre. En général, il se borne à parler de problèmes techniques où son triomphe est facile. C’est le technicien
3021 perfectionnée mérite les sacrifices qu’elle exige de l’homme moderne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimisme d’homm
3022 ne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimisme d’ homme à qui tout réussit, messianisme de la machine, méconnaissance gl
3023 optimisme d’homme à qui tout réussit, messianisme de la machine, méconnaissance glorieuse des forces spirituelles, le tout
3024 rieuse des forces spirituelles, le tout agrémenté d’ humour et exposé avec un simplisme qui emporte à coup sûr l’adhésion d
3025 l’adhésion du gros public : telle est l’idéologie de celui que M. Cambon, dans sa préface, égale aux plus grands esprits d
3026 n, dans sa préface, égale aux plus grands esprits de tous les temps. On me dira que Ford a mieux à faire que de philosophe
3027 es temps. On me dira que Ford a mieux à faire que de philosopher. Je le veux. Mais si j’insiste un peu sur ses « idées »,
3028 ’on pourrait appeler le plus actif du monde, l’un de ceux qui influent le plus sur notre civilisation, possède la philosop
3029 ffrénée, trop folle, pour être justiciable encore de nos vérités essentielles ? Il semble bien que notre temps ait prononc
3030 otre temps ait prononcé définitivement le divorce de l’esprit et de l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La fo
3031 prononcé définitivement le divorce de l’esprit et de l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La formidable erreur
3032 fordisme contre l’Esprit La formidable erreur de la bourgeoisie moderne c’est de croire que les choses pourront aller
3033 formidable erreur de la bourgeoisie moderne c’est de croire que les choses pourront aller ainsi longtemps encore. On se re
3034 ler ainsi longtemps encore. On se refuse à l’idée d’ une catastrophe, pourtant plus que probable, par crainte de se voir ob
3035 elle qu’on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et de ses exigences. Mais le « rien de nouveau sous le soleil » derrière le
3036 e paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe d’ une complicité avec un état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Espr
3037 prise dans notre vie, il détourne la civilisation de son but véritable : aller à l’Esprit, y conduire les peuples. Ainsi,
3038 Esprit, y conduire les peuples. Ainsi, détournant de l’essentiel une grande part des forces humaines, il travaille contre
3039 it. Rien n’est gratuit. Nous payons notre passion de posséder la matière du prix de la seule possession véritable, la conn
3040 yons notre passion de posséder la matière du prix de la seule possession véritable, la connaissance de l’Esprit. C’est déj
3041 de la seule possession véritable, la connaissance de l’Esprit. C’est déjà un fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer
3042 , la connaissance de l’Esprit. C’est déjà un fait d’ expérience. Et qui n’en pourrait citer un exemple individuel ? Nous sa
3043 ’homme d’affaires à l’américaine tient les choses de l’Esprit. Dans le cas le plus favorable, « il se passera bien de cett
3044 ns le cas le plus favorable, « il se passera bien de cette littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’est pas utile, elle e
3045 ou autres œuvres destinées à charmer les loisirs de personnes oisives et raffinées, réunies pour admirer mutuellement leu
3046 tout est dit ! Le simplisme arrogant avec lequel, de nos jours, on tranche les grandes questions humaines est une des mani
3047 es est une des manifestations les plus frappantes de notre régression. Cette perte du sens de l’âme se nomme bon sens amér
3048 appantes de notre régression. Cette perte du sens de l’âme se nomme bon sens américain. On en fait quelque chose de jovial
3049 omme bon sens américain. On en fait quelque chose de jovial et d’alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereu
3050 américain. On en fait quelque chose de jovial et d’ alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout. On
3051 uelque chose de jovial et d’alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas une philo
3052 s’en doute, cela en prend la place. Les facultés de l’âme, inutilisées, s’atrophient. Pourvu, dit-on, que subsiste le peu
3053 affaires, tout ira bien. (On pense que les formes de la morale peuvent exister sans leur substance religieuse.) L’homme mo
3054 nce religieuse.) L’homme moderne manie les choses de l’âme avec une maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en
3055 rne manie les choses de l’âme avec une maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en être Une fois qu’on a com
3056 homme s’abandonne à des lois géométriques. Un jeu de chiffres d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immu
3057 donne à des lois géométriques. Un jeu de chiffres d’ horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immuable comme l
3058 ’à l’existence, et à une liberté qu’il s’empresse d’ aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore
3059 une liberté qu’il s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore que son travail aux
3060 plus subtilement encore que son travail aux lois d’ une offre et d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont
3061 nt encore que son travail aux lois d’une offre et d’ une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docil
3062 l’homme qui était un membre vivant dans le corps de la Nature, lié par les liens les plus subtils et les plus profonds à
3063 ls et les plus profonds à tous les autres membres de la Nature, choses, bêtes et anges, — le voici devenu sourd à cette ha
3064 enu sourd à cette harmonie universelle, incapable d’ en comprendre les correspondances divines et humaines, insensible même
3065 onomiques et des exigences les plus rudimentaires de son corps. Il a perdu le contact avec les choses naturelles, et par l
3066 te détresse, — qu’il met d’ailleurs sur le compte de sa fatigue. Neurasthénie. La conquête du confort matériel l’a laissé
3067 u confort matériel l’a laissé oublier les valeurs de l’esprit au point qu’il n’éprouve plus même cette carence ; seulement
3068 il découvre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a c
3069 vre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a cassé les
3070 a laissé se détendre, ou il a cassé les ressorts de sa joie : l’effort libre et généreux, le sentiment d’avoir inventé ou
3071 a joie : l’effort libre et généreux, le sentiment d’ avoir inventé ou compris par soi-même, la liberté et une certaine duré
3072 ale et capricieuse dans le plaisir, la conscience de ses besoins et de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisir
3073 dans le plaisir, la conscience de ses besoins et de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a donn
3074 travail. Il a perdu le sens religieux, cosmique, de l’effort humain. Il ne peut plus situer son effort individuel dans le
3075 , il en est l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rappor
3076 l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstrait
3077 mais c’est pourtant lui seul qui nous permettrait de jouir de notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à l
3078 t pourtant lui seul qui nous permettrait de jouir de notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus
3079 ignes. Nous perdons, en l’acquérant, par l’effort de l’acquérir, les forces mêmes qui nous la firent désirer. 2° Accepter
3080 ses conditions. Je dis que les êtres encore doués de quelque sensibilité spirituelle deviennent par le seul fait de rester
3081 nsibilité spirituelle deviennent par le seul fait de rester eux-mêmes dans un monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit
3082 est pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exigences effectives ; et ces exigences sont en cont
3083 en contradiction avec celles que le développement de la technique impose au monde moderne. Ces êtres, d’une espèce de plus
3084 la technique impose au monde moderne. Ces êtres, d’ une espèce de plus en plus rare, qui savent encore quelque chose de la
3085 lus en plus rare, qui savent encore quelque chose de la vie profonde, qui voient encore des vérités invisibles, qui garden
3086 uelle grâce ? un peu de cette connaissance active de Dieu que nos savants nomment mysticisme et considèrent comme un « cas
3087  on les écarte des engrenages où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler
3088 des engrenages où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler les classes pr
3089 e qu’on pourrait appeler les classes privilégiées de l’esprit : fortunes oisives ou misères sans espoir. On en rencontre e
3090 prend ». Irréguliers aux yeux du monde ; la proie d’ on ne sait quelles forces occultes sans doute dangereuses, puisqu’elle
3091 ’elles les rendent inutilisables dans les rouages de la vie moderne. Le triomphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apan
3092 s dans les rouages de la vie moderne. Le triomphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonn
3093 mphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’ une sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et ce
3094 réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette franc-ma
3095 devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientô
3096 e sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’ individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientôt traquée avec la dern
3097 raquée avec la dernière rigueur : avec la rigueur de la nécessité — puisqu’elle est inutile au grand dessein matérialiste
3098 qu’elle est inutile au grand dessein matérialiste de l’Occident. La logique, parlant par la bouche de Ford : « Inutile, do
3099 de l’Occident. La logique, parlant par la bouche de Ford : « Inutile, donc à détruire. » Ford a raison, une fois de plus.
3100 détruire. » Ford a raison, une fois de plus. Pas de compromis possible de ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servi
3101 ison, une fois de plus. Pas de compromis possible de ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon », di
3102 ue. Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps de se désintéresser simplement des buts — si bas soient-ils — d’une civi
3103 éresser simplement des buts — si bas soient-ils — d’ une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il
3104 bas soient-ils — d’une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terr
3105 ilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’un mystic
3106 l se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’ un mysticisme exaspéré, devenu presque fou dans sa prison. Les intelle
3107 enu presque fou dans sa prison. Les intellectuels d’ aujourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’il est possible d’éch
3108 une tâche pressante : chercher s’il est possible d’ échapper au fatal dilemme. Premiers pas vers la solution : l’existence
3109 e. Pour le reste, je pense que c’est une question de foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé que les livres les plu
3110 lus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de
3111 t mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de langue allemande, son succès est enc
3112 chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de langue allemande, son succès est encore plus grand, et de meilleure q
3113 e allemande, son succès est encore plus grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambon,
3114 s grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma vie et mon œu
70 1928, Articles divers (1924–1930). Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)
3115 Mais les Viennois avaient fui dans les opérettes de Strauss, qu’on ne trouve plus nulle part. Dans les dancings, un peupl
3116 uve plus nulle part. Dans les dancings, un peuple de fêtards modérés, Juifs et ressortissants de la Petite-Entente, applau
3117 euple de fêtards modérés, Juifs et ressortissants de la Petite-Entente, applaudissait chaque soir entre deux airs anglais
3118 glais Le Beau Danube bleu, en commémoration polie d’ un passé imaginaire, ou peut-être pour essayer de se prendre encore au
3119 d’un passé imaginaire, ou peut-être pour essayer de se prendre encore au rêve de valse qu’on était venu chercher parce qu
3120 ut-être pour essayer de se prendre encore au rêve de valse qu’on était venu chercher parce que cela vaudrait bien d’autres
3121 vaudrait bien d’autres stupéfiants. Mais un tour de tourniquet anéantissait cette Vienne tout occupée à ressembler à l’id
3122 ge, ouvert au vent glacial, crée autour du centre de la ville une insécurité qui fait songer à la Russie et au sifflement
3123 r à la Russie et au sifflement des balles perdues d’ une révolution. Sept heures du soir : le moment était venu d’arrêter l
3124 ution. Sept heures du soir : le moment était venu d’ arrêter le plan de la soirée, et cette promenade où il y avait juste a
3125 du soir : le moment était venu d’arrêter le plan de la soirée, et cette promenade où il y avait juste assez de passants p
3126 rée, et cette promenade où il y avait juste assez de passants pour qu’on la sentît déserte ne me proposait qu’une frileuse
3127 e frileuse nostalgie. Mais qui fallait-il accuser de cette duperie, qui rendre responsable de ma déception, sinon moi-même
3128 accuser de cette duperie, qui rendre responsable de ma déception, sinon moi-même, me dis-je bientôt. Car je professe qu’u
3129 er son objet, de même qu’atteignant certain degré d’ intensité, un état d’âme crée une situation qui l’exprime — bien qu’on
3130 ées que par un léger décalage dans la chronologie de nos sentiments et de nos actes. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine
3131 décalage dans la chronologie de nos sentiments et de nos actes. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais d’un
3132 , n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais d’ un romantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de compromis sen
3133 omantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de compromis sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes d’Hoffman
3134 sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes d’ Hoffmann. Je comprends aujourd’hui le lien qui unissait dans mon espri
3135 n esprit Vienne et Hoffmann : c’était le souvenir de Gérard de Nerval. Mais je pense que je n’avais même pas prononcé inté
3136 dans l’ombre du théâtre, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté d’une place vide : la jolie femme qu’on attend dans
3137 re, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté d’ une place vide : la jolie femme qu’on attend dans ces circonstances, u
3138 uait le rendez-vous que j’avais demandé au hasard d’ arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’empare de tout mon être — a
3139 avais demandé au hasard d’arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’empare de tout mon être — ainsi d’autres deviennent p
3140 arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’empare de tout mon être — ainsi d’autres deviennent patriotes au son d’une fanf
3141 être — ainsi d’autres deviennent patriotes au son d’ une fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve d’un monde que sus
3142 e fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve d’ un monde que suscite en moi seul peut-être cette plainte heureuse des
3143 ïne est à son piano, c’est un duo des ténèbres et de la pureté où vibrent par instants les accords d’une harmonie surnatur
3144 de la pureté où vibrent par instants les accords d’ une harmonie surnaturelle. Et tout cela chanté dans une langue que je
3145 oi, il n’entend pas ma question. L’envie me prend d’ aller le rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation d’un amour t
3146 rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation d’ un amour tragiquement mêlé à des forces inconnues et menaçantes. Mais
3147 enaçantes. Mais la musique est si légère, la voix de la jeune fille si transparente : la mort même en devient moins brutal
3148 istesse amoureuse. Elle n’est plus que l’approche d’ une grandeur où se perdraient nos amours terrestres dans d’imprévisibl
3149 ndeur où se perdraient nos amours terrestres dans d’ imprévisibles transfigurations, — l’heure anxieuse et mélancolique où
3150 là que la forme blanche, sous un brusque faisceau de lumière m’apparaît avec le visage même de mon amour. Je me sens volup
3151 aisceau de lumière m’apparaît avec le visage même de mon amour. Je me sens voluptueusement perdre pied. Vertige de te revo
3152 . Je me sens voluptueusement perdre pied. Vertige de te revoir, vertige de te perdre vraiment, parce que c’est toi, parce
3153 sement perdre pied. Vertige de te revoir, vertige de te perdre vraiment, parce que c’est toi, parce que c’est bien toi de
3154 de moi, c’est une chose singulière que le pouvoir de cette musique. Voici que vous êtes tout près de comprendre… Mon voisi
3155 du ? — C’est, me répondit-il, que seul vous venez d’ atteindre au monde des êtres véritables. Nous nous rencontrons. Vous m
3156 ais le temps approche où vous n’aurez plus besoin de souffrir pour comprendre. Le faisceau de lumière quitta la scène, un
3157 s besoin de souffrir pour comprendre. Le faisceau de lumière quitta la scène, un reflet balaya le parterre, le visage de m
3158 la scène, un reflet balaya le parterre, le visage de mon voisin m’apparut, pâle dans son collier de barbe noire. Je sentis
3159 ge de mon voisin m’apparut, pâle dans son collier de barbe noire. Je sentis que je l’avais déjà reconnu. Il portait une ca
3160 connu. Il portait une cape bleu sombre, à la mode de 1830, qui, à la rigueur, pouvait passer pour une élégance très modern
3161 moderne. Il n’y avait dans toute sa personne rien de positivement démodé ; je n’eus même pas le sentiment de quoi que ce s
3162 itivement démodé ; je n’eus même pas le sentiment de quoi que ce soit d’immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté
3163 e n’eus même pas le sentiment de quoi que ce soit d’ immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté la première reconnai
3164 jeté la première reconnaissance empêcha ma raison d’ intervenir entre la réalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut
3165 e empêcha ma raison d’intervenir entre la réalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut de sa carapace de principes e
3166 éalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut de sa carapace de principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’O
3167 sion et mon cerveau pris au défaut de sa carapace de principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de
3168 eau pris au défaut de sa carapace de principes et d’ évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi,
3169 e principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit d’autre, co
3170 Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit d’ autre, comme des amis qui se connaissent depuis si longtemps qu’un éch
3171 qu’un échange tacite suffit aux petites décisions de la vie quotidienne. Gérard tenait en laisse le fameux homard enrubann
3172 nnois, me dit-il, parce qu’ils y voient une façon de me moquer de leurs petits chiens musclés… Je n’en suis pas fâché. »
3173 -il, parce qu’ils y voient une façon de me moquer de leurs petits chiens musclés… Je n’en suis pas fâché. » Il y avait pe
3174 s jeunes gens avec une femme à chaque bras, l’air de ne pas trop s’amuser. — Ceci du moins n’a guère changé, dis-je, songe
3175 ins n’a guère changé, dis-je, songeant aux Amours de Vienne. — Certes, répondit Gérard, malgré les apparences, cette vie s
3176 ités qui correspondent encore à l’image classique de Vienne. Sentimentalisme capricieux d’ailleurs, dépourvu d’ironie, mai
3177 . Sentimentalisme capricieux d’ailleurs, dépourvu d’ ironie, mais non pas de légèreté. C’est une sorte d’inconstance folâtr
3178 cieux d’ailleurs, dépourvu d’ironie, mais non pas de légèreté. C’est une sorte d’inconstance folâtre qui cache une incapac
3179 ironie, mais non pas de légèreté. C’est une sorte d’ inconstance folâtre qui cache une incapacité définitive à se passionne
3180 soit. Cette ville, qui est toute caresses, a peur de l’étreinte… C’est d’ailleurs une chose que je comprends assez bien, a
3181 moment, comme nous traversions une rue sillonnée de taxis rapides, le homard refusa obstinément de progresser. Gérard dut
3182 ée de taxis rapides, le homard refusa obstinément de progresser. Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires de pinc
3183 Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires de pinces s’accrochèrent désespérément à ses manches. De terreur, le hom
3184 inces s’accrochèrent désespérément à ses manches. De terreur, le homard avait rougi : il conserva toute la nuit une magnif
3185 eur orangée. Gérard semblait habitué à ces sortes de scènes. On reparla de l’inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à
3186 mblait habitué à ces sortes de scènes. On reparla de l’inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à une certaine anémie de
3187 à une certaine anémie des sentiments, à un manque de caractère aussi. La fidélité véritable est une œuvre d’art qui demand
3188 t amour, c’était parce que je découvrais en elles de secrètes ressemblances, qui pour d’autres paraissaient purement mysti
3189 e dont l’idée me vient à la vue de cette vendeuse de fleurs. C’était la petite bossue qui vend des roses et des œillets da
3190 le. Nous nous arrêtâmes non loin, à une devanture de robes de soie, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les rev
3191 nous arrêtâmes non loin, à une devanture de robes de soie, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les revêtiraient
3192 pressés une jeune femme, chapeau rouge et manteau de fourrure brune, inévitablement. Et ce qui se passa fut, hélas, non mo
3193 refusa d’abord les fleurs pour se donner le temps de regarder autour d’elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler n
3194 fleurs pour se donner le temps de regarder autour d’ elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler nous trahit ; elle f
3195 te dont Gérard attendait évidemment quelque chose d’ imprévu, la seule chose contraire à la coutume viennoise. L’enfant éta
3196 ain où nous nous engouffrâmes dans un grand bruit de saxophones et de cors anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango
3197 engouffrâmes dans un grand bruit de saxophones et de cors anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango, un Balkanique t
3198 r en tango, un Balkanique très lisse nous délivra de notre conquête pour la durée des danses. Gérard bâillait : « Voilà ce
3199 anses. Gérard bâillait : « Voilà ce que c’est que de prendre des femmes au hasard, disait-il. Je sens très bien que nous a
3200 vous êtes moderne, vous vous contentez peut-être de cette pêche miraculeuse — c’est une façon de parler — à laquelle on s
3201 être de cette pêche miraculeuse — c’est une façon de parler — à laquelle on se livre dans ces lieux de plaisir — autre faç
3202 de parler — à laquelle on se livre dans ces lieux de plaisir — autre façon de parler. On dit que j’ai vécu d’illusions, av
3203 se livre dans ces lieux de plaisir — autre façon de parler. On dit que j’ai vécu d’illusions, avouez que les miennes étai
3204 sir — autre façon de parler. On dit que j’ai vécu d’ illusions, avouez que les miennes étaient de meilleure qualité : car c
3205 vécu d’illusions, avouez que les miennes étaient de meilleure qualité : car c’est une pauvre illusion que le plaisir qu’o
3206 qu’elles le rattachaient aux buts les plus hauts de notre vie. Ces citadins blasés s’amusent plus grossièrement que des b
3207 s femmes qui élargissent des sourires à la mesure de votre générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de distributeurs
3208 rires à la mesure de votre générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant
3209 re générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant dire que ceux qui les f
3210 uit sont des sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant dire que ceux qui les fréquentent ne savent plus ce q
3211 t épaissis. Regardez ces yeux mornes, ou luisants de concupiscences élémentaires : Ce sont vos contemporains livrés à la d
3212 aisirs achetés au détail dans une foire éclatante de faux luxe. La misère est de voir ici des femmes aussi ravissantes que
3213 s une foire éclatante de faux luxe. La misère est de voir ici des femmes aussi ravissantes que celle-là qui danse en robe
3214 qui danse en robe mauve, avec tant de gravité et de détachement. Je viens souvent la regarder, à cause de la noblesse de
3215 viens souvent la regarder, à cause de la noblesse de sa danse. Je la nomme Clarissa, parce que cela lui va. Mais comme c’e
3216 soit touchée par les mains outrageusement baguées de ces courtiers alourdis de “Knödl”. En Orient on en ferait une chose e
3217 outrageusement baguées de ces courtiers alourdis de “Knödl”. En Orient on en ferait une chose extrêmement précieuse, qu’o
3218 ’on n’approcherait qu’avec un sentiment religieux de la beauté. Mais je crois que l’Orient est devenu fou. Il ne comprend
3219 . » Des bugles agonisaient, aux dernières mesures d’ un tango. Notre encombrante conquête revint s’asseoir auprès de nous.
3220 moins. « Pourquoi vous ne dites rien ? » fit-elle d’ un ton de reproche, évidemment scandalisée par cette atteinte aux lois
3221 Pourquoi vous ne dites rien ? » fit-elle d’un ton de reproche, évidemment scandalisée par cette atteinte aux lois du genre
3222 ment, pauvre colombe dépareillée, vous n’avez pas de ressemblance, et c’est ce qui vous perdra. » La pauvre fille ne compr
3223 homard qui, laissé au vestiaire, y était l’objet de vexations diverses et de curiosités grossières de la part des garçons
3224 stiaire, y était l’objet de vexations diverses et de curiosités grossières de la part des garçons. « Encore une proie inut
3225 une proie inutile lâchée pour l’ombre, dit Gérard d’ un ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est
3226 Gérard d’un ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est la plus douce à mes vagabondages sans but.
3227 lié mes clefs il y a très, très longtemps… Et pas de Lune ce soir, il serait dangereux de s’endormir. » Se penchant vers m
3228 emps… Et pas de Lune ce soir, il serait dangereux de s’endormir. » Se penchant vers moi il prononça : « La nuit sera noire
3229 blanche. » Je ressentis quelque émotion à l’ouïe de cette phrase célèbre. Ensuite, je pensai qu’il arrive aux meilleurs d
3230 re. Ensuite, je pensai qu’il arrive aux meilleurs de se répéter, et que c’était la première fois de la soirée que Gérard «
3231 rs de se répéter, et que c’était la première fois de la soirée que Gérard « faisait du Gérard ». Les cocktails du Moulin-R
3232 s devenaient légères comme des ballons. La rumeur de Vienne baignait nos corps fatigués jusqu’à l’insensibilité et l’Illus
3233 et l’Illusion étendait sur toutes choses une aile d’ ombre flatteuse aux caprices redoutables. Cette nuit-là nous rencontrâ
3234 es, allusions. Plus tard, dans un petit bar laqué de noir jusqu’à mi-hauteur, puis couvert de glaces qui, reflétant le pla
3235 ar laqué de noir jusqu’à mi-hauteur, puis couvert de glaces qui, reflétant le plafond à caissons dorés, l’étendent indéfin
3236 ulé joue très doucement. Nous sommes assis autour d’ une petite table lumineuse, verdâtre, et Gérard, penché sur cet aquari
3237 use, verdâtre, et Gérard, penché sur cet aquarium de rêves, discourt et décrit les images qu’il y découvre. Il y a les ail
3238 y a les ailes du Moulin-Rouge, qui sont les bras de Clarissa dans sa danse, et Clarissa c’est aussi l’Anglaise aux citron
3239 e, et Clarissa c’est aussi l’Anglaise aux citrons de Pompéi, l’Octavie du golfe de Marseille, ou bien plutôt, par je ne sa
3240 nglaise aux citrons de Pompéi, l’Octavie du golfe de Marseille, ou bien plutôt, par je ne sais quelle erreur d’images, — c
3241 lle, ou bien plutôt, par je ne sais quelle erreur d’ images, — ce serait la gravité énigmatique d’Adrienne, mais dans le lo
3242 reur d’images, — ce serait la gravité énigmatique d’ Adrienne, mais dans le lointain, Aurélia lui répond d’un regard pareil
3243 rienne, mais dans le lointain, Aurélia lui répond d’ un regard pareil. Des visages naissent comme des étoiles dans un halo,
3244 antes dans la même minute toutes les incarnations d’ un amour dont l’être éternel apparaît peu à peu, à travers la simultan
3245 nel apparaît peu à peu, à travers la simultanéité de ses manifestations. Gérard parle avec une liberté magnifique et angoi
3246 tous les visages aimés revivent dans cette coupe de songes avec toutes leurs illusions, — illusions des formes passagères
3247 sera toujours cachée, ainsi la Lune et sa moitié d’ ombre. Et parce que tout revit en un instant dans cette vision, il con
3248 il connaît enfin la substance véritable et unique de toutes ses amours, il communie avec quelque chose d’éternel. Tous les
3249 toutes ses amours, il communie avec quelque chose d’ éternel. Tous les drames du monde ne sont que décors mouvants dans la
3250 t que reflets, épisodes, symboles : le vrai drame de son destin est ailleurs. Il se met à m’expliquer des signes, des géné
3251 s les formes animales. Pour lui, les choses n’ont d’ intérêt que par les rapports qu’il leur devine avec la réalité extra-t
3252 france qu’elle entraîne, nous révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu, de leurs moindres coïncidences. La fatigue ca
3253 us révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu, de leurs moindres coïncidences. La fatigue calme son lyrisme et son exal
3254 yrisme et son exaltation. Il semble se rapprocher de moi. Il me raconte de ces superstitions qui ne sont enfantines que po
3255 on. Il semble se rapprocher de moi. Il me raconte de ces superstitions qui ne sont enfantines que pour nos savants retombé
3256 les correspondances, chaque geste, chaque minute d’ une vie résume cette vie entière et fait allusion à tout ce qu’il y a
3257 e qu’il faudrait écrire, c’est une Vie simultanée de Gérard, qui tiendrait toute en une heure, en un lieu, en une vision. 
3258 une vision. » Nous sortîmes. Seules des trompes d’ autos s’appelaient dans la nuit froide. Gérard ne disait presque plus
3259 la neige fraîche ou s’accoudaient à la banquette d’ une boutique à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au léger sifflement
3260 ui éclairait la boutique, et que le vent menaçait d’ éteindre à chaque instant, le homard se réveilla. Gérard m’expliqua qu
3261 on et la fit prendre au homard avec toutes sortes de soins. Les chauffeurs regardaient d’un œil las, trop las pour s’étonn
3262 outes sortes de soins. Les chauffeurs regardaient d’ un œil las, trop las pour s’étonner. Transi, je me balançais d’un pied
3263 trop las pour s’étonner. Transi, je me balançais d’ un pied sur l’autre dans de la neige fondante, tout en croquant une de
3264 ransi, je me balançais d’un pied sur l’autre dans de la neige fondante, tout en croquant une de ces saucisses à la moutard
3265 e dans de la neige fondante, tout en croquant une de ces saucisses à la moutarde qu’on appelle ici « Frankfurter » et aill
3266 mirent à ronfler. Par le grand escalier, au fond de la cour du palais, descendaient les invités du bal. Des femmes sans c
3267 ux faces maigres qui ressemblaient terriblement à d’ anciens Habsbourg, des comtes athlétiques et la silhouette échassière
3268 es comtes athlétiques et la silhouette échassière de la jeune duchesse de Clam-Clamannsfeld dont le manteau de velours ros
3269 une duchesse de Clam-Clamannsfeld dont le manteau de velours rose laissait découvertes des jambes extrêmement hautes tandi
3270 isée jetait des insolences sur les chapeaux noirs de ses cavaliers. Tout cela s’empila dans des autos ; en dix minutes, il
3271 x cheveux noirs en bandeaux, au teint pâle, l’air d’ autrefois. Il avait murmuré : Marie Pleyel. Quand la place se fut apai
3272 encieuse fila devant moi ; je reconnus la voiture de la femme aux bandeaux noirs. Mais les rideaux étaient baissés. Déjà o
3273 orteurs passèrent à toute vitesse, m’éclaboussant de neige et de titres dépourvus de sens. Je dormais debout. 10. Quelqu
3274 èrent à toute vitesse, m’éclaboussant de neige et de titres dépourvus de sens. Je dormais debout. 10. Quelque chose comm
3275 e, m’éclaboussant de neige et de titres dépourvus de sens. Je dormais debout. 10. Quelque chose comme « pâtisserie-crème
71 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Marguerite Allotte de la Fuye, Jules Verne, sa vie, son œuvre (juin 1928)
3276 é la science parce qu’elle ouvre des perspectives d’ évasion — où seuls les poètes savent se perdre. Et c’est bien sa plus
3277 se perdre. Et c’est bien sa plus grande ruse que d’ avoir emprunté le véhicule à la mode pour conduire des millions de lec
3278 le véhicule à la mode pour conduire des millions de lecteurs dans un monde purement fantaisiste où les équations tyranniq
3279 ntaisiste où les équations tyranniques deviennent de merveilleux calembours, où les savants sont réellement dans la lune,
3280 ndent au fond des mers adorer la Liberté et jouer de l’orgue sous les yeux de poulpes géants. Jules Verne a véritablement
3281 la poésie. Et l’on ne veut voir que jolis livres d’ étrennes dans les œuvres du plus grand créateur de mythes modernes, du
3282 d’étrennes dans les œuvres du plus grand créateur de mythes modernes, du seul écrivain dont l’influence soit comparable à
3283 ma ! Claretie raconte que les détenus des maisons de correction se jetaient sur ces volumes « au travers desquels ils resp
3284 mes dans une civilisation qui, selon l’expression de Jules Verne désabusé « emprunte l’aspect d’une nécessité » (et dans l
3285 ssion de Jules Verne désabusé « emprunte l’aspect d’ une nécessité » (et dans la bouche de ce libertaire, cela constituait
3286 nte l’aspect d’une nécessité » (et dans la bouche de ce libertaire, cela constituait un jugement !) Serons-nous longtemps
3287 n jugement !) Serons-nous longtemps encore dupes d’ une conception de la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos p
3288 rons-nous longtemps encore dupes d’une conception de la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos plus grands conteu
3289 on de la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos plus grands conteurs sous prétexte qu’il n’est styliste ni psycho
3290 ateau. Pour ce coup, voilà qui ne m’empêchera pas d’ y monter, il suffit que cet obsédant capitaine Nemo soit à bord, je so
3291 Kra, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juin 1928, p. 768-769.
72 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Aragon, Traité du style (août 1928)
3292 tyle (août 1928)as Ce n’est pas le seul talent de M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeux, de considération. J’admir
3293 nt de M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeux, de considération. J’admire autant le talent de celui qui mène 60 parties
3294 yeux, de considération. J’admire autant le talent de celui qui mène 60 parties d’échecs simultanément, et c’est naturel :
3295 ire autant le talent de celui qui mène 60 parties d’ échecs simultanément, et c’est naturel : je m’en avoue plus éloigné et
3296 avorisent par leurs écrits. Aragon, qui a le sens de l’amour, a dit conséquemment beaucoup de choses vraies (belles). Il e
3297 cent célébrités locales. (Quant à Goethe, traité de clown, cela ne va pas loin.) C’est une belle rage (ô combien partagée
3298 e ne ment pas ; ce livre traite du style, à coups d’ exemples qui méritent de l’être. Et l’on voit bien ici qu’Aragon dépas
3299 traite du style, à coups d’exemples qui méritent de l’être. Et l’on voit bien ici qu’Aragon dépasse ces surréalistes, ces
3300 u’Aragon dépasse ces surréalistes, ces orthodoxes de l’absurde confondu avec le poétique, ou ces disciples de Rimbaud, ou
3301 surde confondu avec le poétique, ou ces disciples de Rimbaud, ou enfin ces littérateurs antilittéraires, ces « Messieurs l
3302 urne sans cesse pour crier : Lâches, vous refusez d’ avancer ! Mais il reste à portée de voix du troupeau. C’est sans doute
3303 , vous refusez d’avancer ! Mais il reste à portée de voix du troupeau. C’est sans doute son rôle. Il le tient magnifiqueme
3304 style (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, Genève, août 1928, p. 1034.
73 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels (novembre 1928)
3305 ers écrits des surréalistes débattent la question de savoir s’ils vont se taire ou non. Mais leur silence ne doit pas entr
3306 ne doit pas entraîner, à leur point de vue, celui d’ autrui sur eux-mêmes. Ils se tournent donc naturellement vers l’action
3307 mes en France — vers la politique. Or ces ennemis de toute littérature voient leurs avances dédaignées par les communistes
3308 eurs avances dédaignées par les communistes, gens d’ action à jugements simples, qui les trouvent trop littérateurs. Rien d
3309 simples, qui les trouvent trop littérateurs. Rien d’ étonnant à cela dans une époque où les valeurs de l’esprit sont en pra
3310 d’étonnant à cela dans une époque où les valeurs de l’esprit sont en pratique universellement méprisées. Mais les surréal
3311 plus qu’ils ne le croient. Certes il était urgent de faire la critique de « cette réalité de premier plan qui nous empêche
3312 ient. Certes il était urgent de faire la critique de « cette réalité de premier plan qui nous empêche de bouger », comme d
3313 it urgent de faire la critique de « cette réalité de premier plan qui nous empêche de bouger », comme dit fort bien M. Bre
3314 « cette réalité de premier plan qui nous empêche de bouger », comme dit fort bien M. Breton. Mais à condition d’aller plu
3315 , comme dit fort bien M. Breton. Mais à condition d’ aller plus loin et de prendre une connaissance positive de ce qu’il y
3316 M. Breton. Mais à condition d’aller plus loin et de prendre une connaissance positive de ce qu’il y a sous cette réalité.
3317 plus loin et de prendre une connaissance positive de ce qu’il y a sous cette réalité. Il est certain que s’ils avaient le
3318 lité. Il est certain que s’ils avaient le courage de se soumettre au concret de l’esprit, ils comprendraient que le « serv
3319 ils avaient le courage de se soumettre au concret de l’esprit, ils comprendraient que le « service dans le temple » s’acco
3320 que le « service dans le temple » s’accommode mal de tant de gesticulations, de gros mots et de discours en très beau styl
3321 mple » s’accommode mal de tant de gesticulations, de gros mots et de discours en très beau style contre un monde très laid
3322 de mal de tant de gesticulations, de gros mots et de discours en très beau style contre un monde très laid dont ils n’ont
3323 ctuels (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, novembre 1928, p. 1410.
74 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, Les Conquérants (décembre 1928)
3324 ux, Les Conquérants (décembre 1928)au Ce récit de la révolution cantonaise en 1925 nous place au nœud du monde moderne 
3325 oderne : on y voit s’affronter en quelques hommes d’ action les forces caractéristiques du temps — argent, races — et ses r
3326 ts qui fait opter ces chefs pour l’une ou l’autre de ces attitudes. (Elles ne sont pas essentiellement contradictoires : e
3327 ontradictoires : elles représentent deux manières de sentir l’unité d’une époque obsédée d’action.) Autour de ces individu
3328 lles représentent deux manières de sentir l’unité d’ une époque obsédée d’action.) Autour de ces individus — Chinois nation
3329 x manières de sentir l’unité d’une époque obsédée d’ action.) Autour de ces individus — Chinois nationalistes ou terroriste
3330 Juifs russes méthodiques — s’émeuvent les masses de coolies, d’ouvriers armés, toute cette Chine qui s’éveille au sein mê
3331 s méthodiques — s’émeuvent les masses de coolies, d’ ouvriers armés, toute cette Chine qui s’éveille au sein même de la lut
3332 més, toute cette Chine qui s’éveille au sein même de la lutte qui met aux prises l’Europe et le monde du Pacifique. On ret
3333 etrouvera ici beaucoup des idées que la Tentation de l’Occident exprimait sous une forme abstraite et poétique. Mais cette
3334 cteurs du drame, l’aspect quotidien et mystérieux d’ une révolution de rues, ou la palpitation inquiétante des villes chino
3335 l’aspect quotidien et mystérieux d’une révolution de rues, ou la palpitation inquiétante des villes chinoises, Malraux fai
3336 iétante des villes chinoises, Malraux fait preuve d’ un art du détail où se révèle le vrai romancier. On serait parfois ten
3337 révèle le vrai romancier. On serait parfois tenté de le rapprocher de Morand, mais il est plus nerveux, sans doute aussi p
3338 mancier. On serait parfois tenté de le rapprocher de Morand, mais il est plus nerveux, sans doute aussi plus sensible. Et
3339 , admirablement objectif, est aussi, mais à coups de faits, une discussion d’idées. Il est surtout la description d’une an
3340 est aussi, mais à coups de faits, une discussion d’ idées. Il est surtout la description d’une angoisse que le nihilisme d
3341 discussion d’idées. Il est surtout la description d’ une angoisse que le nihilisme de M. Malraux veut sans issues : l’angoi
3342 ut la description d’une angoisse que le nihilisme de M. Malraux veut sans issues : l’angoisse que fait naître au cœur du m
3343 naître au cœur du monde contemporain l’absurdité de ses ambitions. Écoutons Garine, l’un de ces chefs (c’est lui qui parl
3344 absurdité de ses ambitions. Écoutons Garine, l’un de ces chefs (c’est lui qui parle au nom de l’auteur, je pense) : « Il m
3345 nnaire ou autre — rêvée par tant de jeunes hommes de l’après-guerre, Malraux l’a vécue, avant de la décrire ; et cet aveu
3346 raux l’a vécue, avant de la décrire ; et cet aveu de Garine est décisif : « La Révolution… tout ce qui n’est pas elle est
3347 ainsi que, masqué par l’enchaînement passionnant de l’action, il se dégage de ce roman un désespoir sec, sans grimace. Ce
3348 nchaînement passionnant de l’action, il se dégage de ce roman un désespoir sec, sans grimace. Cette intelligence et cette
3349 telligence et cette sensibilité ont quelque chose de trop aigu, de dangereux. Mais qu’elles s’appliquent à distinguer les
3350 cette sensibilité ont quelque chose de trop aigu, de dangereux. Mais qu’elles s’appliquent à distinguer les forces détermi
3351 ’appliquent à distinguer les forces déterminantes de l’heure, à les exprimer en un tel drame, et voici André Malraux au pr
3352 ts (Grasset) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1928, p. 1547-1548.
75 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi (décembre 1928)
3353 ère ou Hamlet-Roi (décembre 1928)av L’histoire de Louis II exalte et déçoit l’imagination. On comprend que ce doux-amer
3354 is ne l’ait point trompé : « Avec son beau regard de rêve, — lit-on dans l’Ennemi des Lois — son expression amoureuse du s
3355 ession amoureuse du silence et cet ensemble idéal d’ étudiant assidu aux sociétés de musique… » Barrès cherchait dans ses c
3356 cet ensemble idéal d’étudiant assidu aux sociétés de musique… » Barrès cherchait dans ses châteaux en Espagne lamentableme
3357 n Espagne lamentablement réalisés les témoignages de l’éthique de cet « illustre réfractaire ». N’est-ce point trop demand
3358 entablement réalisés les témoignages de l’éthique de cet « illustre réfractaire ». N’est-ce point trop demander à une exis
3359 échec même ne relève pas, et qui tire sa grandeur de celle du décor ? Guy de Pourtalès n’hésite pas à baptiser son héros «
3360 rtalès n’hésite pas à baptiser son héros « prince de l’illusion et de la solitude ». Mais un prince rêveur n’est pas forcé
3361 as à baptiser son héros « prince de l’illusion et de la solitude ». Mais un prince rêveur n’est pas forcément prince du rê
3362 rs ce livre sait bien le laisser voir. La qualité de l’illusion dont se nourrit Louis II n’est ni aussi pure ni aussi rare
3363 t qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d’ un romantisme assez morose ; mais à grande échelle. M. de Pourtalès a
3364 Pourtalès a su rehausser le tableau avec beaucoup d’ adresse et de charme : Wagner et Nietzsche lui fournissent deux tons f
3365 u rehausser le tableau avec beaucoup d’adresse et de charme : Wagner et Nietzsche lui fournissent deux tons fermes dont le
3366 de. Louis II, ce chimérique, disposait par hasard de moyens d’action puissants : s’il les a gâchés, c’est qu’il a eu peur,
3367 II, ce chimérique, disposait par hasard de moyens d’ action puissants : s’il les a gâchés, c’est qu’il a eu peur, et s’il a
3368 a eu peur c’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet de Liszt et de Chopin, c’était l’amour, donc la douleur ; ici, c’est l’a
3369 ’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet de Liszt et de Chopin, c’était l’amour, donc la douleur ; ici, c’est l’absence d’amo
3370 t l’amour, donc la douleur ; ici, c’est l’absence d’ amour, par refus de souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur d’étr
3371 douleur ; ici, c’est l’absence d’amour, par refus de souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’
3372 s de souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur d’ étreindre aboutit à l’amour de soi dans « l’illusion ». Sachons gré à
3373 re raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’amour de soi dans « l’illusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès de ce qu’il pr
3374 ans « l’illusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès de ce qu’il préfère parler d’illusion là où nos psychiatres proposeraien
3375 gré à M. de Pourtalès de ce qu’il préfère parler d’ illusion là où nos psychiatres proposeraient de moins jolis mots ; mai
3376 er d’illusion là où nos psychiatres proposeraient de moins jolis mots ; mais ce n’est pas la moindre habileté du biographe
3377 as un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résolu d’ une façon fort adroite mais non moins franche. av. « Guy de Pourtalè
3378 et-Roi (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1928, p. 1549.
76 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Le Prince menteur (décembre 1928)
3379 Le Prince menteur (décembre 1928)aw Au hasard d’ une rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit
3380 re 1928)aw Au hasard d’une rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit prince russe et entretient
3381 il aime à raconter certaines scènes terrifiantes de la révolution : il a été condamné à mort, il s’est évadé, on le traqu
3382 le jeune Français par ces évocations et l’espèce de fièvre qu’il y apporte. Mais plusieurs incidents éveillent les soupço
3383 e Français reçoit une lettre trouvée sur le corps de son ami suicidé, pathétique confession qui doit expliquer sa mort et
3384 inclusivement, n’étonnera pas ceux qui ont connu de semblables mythomanes. Le cas méritait d’être exposé. Je regrette seu
3385 t connu de semblables mythomanes. Le cas méritait d’ être exposé. Je regrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à une
3386 le, d’ailleurs assez dense, et dont le mérite est d’ être simple et précise dans l’exposé, sans rien simplifier ni préciser
3387 e caractère. Daniel-Rops voit bien que l’épithète de mythomane n’épuise pas une question dont l’importance dépasse celle d
3388 e celle du cas pathologique. Il y a dans ce culte de la mythomanie qu’on a vu sévir parmi certains milieux d’avant-garde u
3389 ythomanie qu’on a vu sévir parmi certains milieux d’ avant-garde une confusion assez tragique, parce qu’elle constitue une
3390 itue une tentation pour tous les poètes. Le désir de « plus vrai que le vrai » surexcité par l’insolence d’une psychologie
3391 plus vrai que le vrai » surexcité par l’insolence d’ une psychologie qui rabaisse tout, peut conduire à préférer un mensong
3392 un mensonge qui n’est, hélas, qu’une déformation de cette réalité détestée. Le mythomane brouille les cartes mais reste d
3393 ses mensonges exigent, il se reconnaît tributaire de la « vérité trop évidente » ; alors qu’il la faudrait, sans rien faus
3394 aw. « Daniel-Rops : Le Prince menteur (dessins de Jacques Ernotte) (Éditions “Le Rouge et le Noir”) », Bibliothèque uni
3395 et le Noir”) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1928, p. 1553.
77 1928, Articles divers (1924–1930). Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)
3396 1928)m « Remonte aux vrais regards ! Tire-toi de tes ombres… » Paul Valéry. Stéphane est maniaque, comme tous les jeu
3397 Stéphane est maniaque, comme tous les jeunes gens de sa génération. Seulement chez lui, cela ne s’est pas porté sur les au
3398 ivers types humains. Mais on lui sait peu de grés de sa curiosité. Sans doute est-il trop impatient, demande-t-il aux être
3399 en, n’est-ce pas ? Il en tombe d’accord ; accepte d’ attendre comme un enfant sage que le monde lui donne, en son temps, sa
3400 lui a expliqué qu’il fallait la mériter et tâcher de devenir quelqu’un. En d’autres termes, on lui conseille de rentrer en
3401 r quelqu’un. En d’autres termes, on lui conseille de rentrer en lui-même. « Il se ramène en soi, n’ayant plus où se prendr
3402 soi, n’ayant plus où se prendre » comme parle un de nos classiques. Repoussé par le monde parce qu’il n’est pas encore qu
3403 rche à savoir ce qu’il est. C’est une autre manie de sa génération. Mais là encore il se singularise : il n’écrit pas de l
3404 Mais là encore il se singularise : il n’écrit pas de livre pour y pourchasser un moi qui feint toujours de se cacher derri
3405 ivre pour y pourchasser un moi qui feint toujours de se cacher derrière le feuillet suivant, entraîne le lecteur par ruse
3406 rs. C’est pourquoi il en installe un sur sa table de travail, de façon à pouvoir s’y surprendre à tout instant. Cet exerci
3407 r dans les yeux. Il varie sur son visage les jeux de lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa
3408 x. Il varie sur son visage les jeux de lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans l
3409 e lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans les moments de pire découragement ; et
3410 sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans les moments de pire découragement ; et beaucoup d’autr
3411 rte de rire au coin de sa bouche dans les moments de pire découragement ; et beaucoup d’autres hiatus de ce genre, qui l’i
3412 pire découragement ; et beaucoup d’autres hiatus de ce genre, qui l’intriguent à n’en pas finir. Quand il est très fatigu
3413 n aventure. Nous vivons dans un décor flamboyant de glaces. À chaque pas, on offre à Stéphane sa tête, son portrait en pi
3414 ête, son portrait en pied. Il se voit dans l’acte de se raser, de se baigner ; son image descend en face de lui par l’asce
3415 rait en pied. Il se voit dans l’acte de se raser, de se baigner ; son image descend en face de lui par l’ascenseur, elle l
3416 lise chez le coiffeur. Déjà, c’est avec une sorte d’ angoisse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’il est parmi les a
3417 qu’il est parmi les autres. Mais s’il lui arrive de prendre son image pour celle de n’importe quel passant, il se sent co
3418 s s’il lui arrive de prendre son image pour celle de n’importe quel passant, il se sent comme séparé de soi, et si profond
3419 e n’importe quel passant, il se sent comme séparé de soi, et si profondément différent de cette apparence, qu’il doute de
3420 comme séparé de soi, et si profondément différent de cette apparence, qu’il doute de sa réalité. Le mystère de voir ses y
3421 ndément différent de cette apparence, qu’il doute de sa réalité. Le mystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche un
3422 apparence, qu’il doute de sa réalité. Le mystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche une révélation et n’y trouve
3423 cherche une révélation et n’y trouve que le désir d’ une révélation. Peut-on s’hypnotiser avec son propre regard ? Il n’y a
3424 n à soi-même qui pourrait lui rendre la certitude d’ être. Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qui vont en dim
3425 ude d’être. Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qui vont en diminuant vertigineusement et l’égarent dans sa n
3426 ans sa nuit. Je saute quelques délires et pas mal de superstitions. Enfin cette expérience folle le mène à une découverte
3427 folle le mène à une découverte sur les sept sens de laquelle il convient de méditer : la personne se dissout dans l’eau d
3428 ouverte sur les sept sens de laquelle il convient de méditer : la personne se dissout dans l’eau des miroirs. Stéphane es
3429 prend que ce qu’on dépasse ? Et qu’il faut sortir de soi pour se voir ? Il y a dans l’homme moderne un besoin de vérifier
3430 se voir ? Il y a dans l’homme moderne un besoin de vérifier qui n’est plus légitime dès l’instant qu’il se traduit par l
3431 me dès l’instant qu’il se traduit par la négation de l’invérifiable. Stéphane n’a pas eu confiance. Or la personnalité est
3432 pas eu confiance. Or la personnalité est un acte de foi : Stéphane ne sait plus ce qu’il est. Semblablement, il ne sait p
3433 vraie, se borne à décrire l’aspect psychologique d’ une aventure qui en a bien d’autres, d’aspects. Il est bon que le lect
3434 chologique d’une aventure qui en a bien d’autres, d’ aspects. Il est bon que le lecteur dérisoirement troublé par la craint
3435 e le lecteur dérisoirement troublé par la crainte de n’avoir pas saisi le sens véritable d’un texte, trouve parfois de cet
3436 la crainte de n’avoir pas saisi le sens véritable d’ un texte, trouve parfois de cette incompréhension des marques certaine
3437 aisi le sens véritable d’un texte, trouve parfois de cette incompréhension des marques certaines. Si le rapport intime qui
3438 rations précédentes lui échappe, qu’il y voie une de ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot de prière. Orphée perd E
3439 ne de ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot de prière. Orphée perd Eurydice par scepticisme, par esprit scientifiqu
3440 it scientifique, par doute méthodique, par besoin de définir, par défiance envers les dieux. À chaque regard dans notre mi
3441 e nouvelle. La mort dans la transparence glaciale de l’évidence. Un jour, à propos de rien, Stéphane pense avec fièvre :
3442 er son visage, ne serait-ce pas devenir un centre de pur esprit ? » C’est un premier filet d’eau vive qui perce le sol ari
3443 n centre de pur esprit ? » C’est un premier filet d’ eau vive qui perce le sol aride : mais Stéphane n’entend pas encore gr
3444 d pas encore gronder les eaux profondes. Le désir de s’hypnotiser l’irrite toujours vaguement. Mais il fuit son propre reg
3445 s. Un soir, après quelques alcools et un échange de pensées au même titre avec une amie d’une beauté de plus en plus frap
3446 un échange de pensées au même titre avec une amie d’ une beauté de plus en plus frappante, il croit saisir dans un regard d
3447 en plus frappante, il croit saisir dans un regard de cette femme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeu
3448 croit saisir dans un regard de cette femme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeux, mais comme on meurt
3449 hi bruyamment, bâillonnent sa raison, l’empêchent de protester contre le miracle. Parmi tous ses mots fous, noms, baisers,
3450 ais je suis ! » Un peu plus tard, ce fut un jour de grand soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les fenêtres ba
3451 un jour de grand soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les fenêtres battaient. Le soleil et « la mort » se conj
3452 u Comment on perd Eurydice et soi-même », Cahiers de l’Anglore, Genève, n° 1, décembre 1928, p. 37-42.
78 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)
3453 légèrement absurde en face d’un récit comme celui d’ Anderson : voici un homme qui raconte sa vie avec une émouvante simpli
3454 te simplicité et il faudrait avoir la grossièreté de lui répondre d’un air connaisseur que c’est bien composé. J’avoue pre
3455 il faudrait avoir la grossièreté de lui répondre d’ un air connaisseur que c’est bien composé. J’avoue prendre cette autob
3456 onné du passage où il rappelle qu’il écrit la vie d’ un homme de lettres. En réalité, on ne le voit pas encore apparaître s
3457 sage où il rappelle qu’il écrit la vie d’un homme de lettres. En réalité, on ne le voit pas encore apparaître sous cet asp
3458 ces deux premiers tomes, où il décrit des scènes de son enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anderson est éto
3459 tomes, où il décrit des scènes de son enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anderson est étonnant d’apparente
3460 on enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’ Anderson est étonnant d’apparente simplicité. Le récit s’avance à une
3461 esse comme ouvrier. L’art d’Anderson est étonnant d’ apparente simplicité. Le récit s’avance à une allure libre et tranquil
3462 -saxonne et peu à peu entraîne tout un branle-bas d’ évocations hautes en couleur, de rêves, de visages, tandis que ç[à] et
3463 out un branle-bas d’évocations hautes en couleur, de rêves, de visages, tandis que ç[à] et là s’ouvrent des perspectives s
3464 nle-bas d’évocations hautes en couleur, de rêves, de visages, tandis que ç[à] et là s’ouvrent des perspectives saisissante
3465 e des nécessités modernes, dégradantes. Cet amour de l’invention romanesque considérée comme une revanche de la poésie — m
3466 nvention romanesque considérée comme une revanche de la poésie — mais à Chicago on doit appeler ça du bluff — fait de lui
3467 mais à Chicago on doit appeler ça du bluff — fait de lui sans doute le plus méridional des conteurs américains. Avec cela,
3468 onteurs américains. Avec cela, un réalisme, plein de verdeur et souvent d’amertume. Mais là où d’autres placeraient le cou
3469 ec cela, un réalisme, plein de verdeur et souvent d’ amertume. Mais là où d’autres placeraient le couplet humanitariste, lu
3470 autre souvenir. Qui parmi nous sait encore parler de sa mère avec cette virile et religieuse tendresse ? C’est un Chinois,
3471 cain qui viennent nous rapprendre que les sources de la poésie sont dans notre maison. Voici un de ces passages où il sait
3472 ces de la poésie sont dans notre maison. Voici un de ces passages où il sait être, avec sa verve doucement comique, si émo
3473 cette époque je croyais fortement en l’existence d’ une espèce de secrète et à peu près universelle conspiration pour insi
3474 je croyais fortement en l’existence d’une espèce de secrète et à peu près universelle conspiration pour insister sur la l
3475 pour insister sur la laideur. “C’est une frasque de gosses à laquelle nous nous livrons, voilà tout, moi et les autres”,
3476 e que si je m’approchais tout à coup par-derrière d’ un homme ou d’une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se s
3477 approchais tout à coup par-derrière d’un homme ou d’ une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se secouerait enfi
3478 nous en irions bras dessus, bras dessous en riant de nous-mêmes et de tout le reste, nous amusant comme des fous ». Mais n
3479 as dessus, bras dessous en riant de nous-mêmes et de tout le reste, nous amusant comme des fous ». Mais non, on ne le seco
3480 era pas, ce cauchemar, ce monde moderne, ce monde de fous qui n’ont plus que leur raison, ce monde où l’on ne sait plus cr
3481 lles, ce monde qui devient impuissant. Impossible d’ évoquer un personnage précis pour lui faire endosser le blâme, mais co
3482 endosser le blâme, mais comme l’homme nommé Ford, de Détroit, a contribué davantage que n’importe quel autre de mon temps
3483 t, a contribué davantage que n’importe quel autre de mon temps à faire aboutir la standardization à sa fin logique, ne pou
3484 l pas être considéré un jour comme le grand tueur de son époque ? Rendre impuissant c’est à coup sûr tuer. Or on parle de
3485 dre impuissant c’est à coup sûr tuer. Or on parle de l’élever à la présidence de la République. Qu’un tel acte serait adéq
3486 sûr tuer. Or on parle de l’élever à la présidence de la République. Qu’un tel acte serait adéquat ! Tamerlan, dont la spéc
3487 sous lui conservassent la virilité et le respect de soi était de son temps le souverain du monde. Tamerlan pour les ancie
3488 servassent la virilité et le respect de soi était de son temps le souverain du monde. Tamerlan pour les anciens. Ford pour
3489 (Kra, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvier 1929, p. 123-124.
79 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)
3490 s-Lettres, c’est la clef des champs. 2. L’essence de Belles-Lettres, c’est de l’alcool à brûler les cervelles et les réput
3491 des champs. 2. L’essence de Belles-Lettres, c’est de l’alcool à brûler les cervelles et les réputations. 3. Belles-Lettre
3492 poésie est compréhensible et légitime. 4. Je suis de sang-froid, je dis : Belles-Lettres est essentiellement une mystique.
3493 entiellement une mystique. Mais parce que je suis de sang-froid, je ne puis dire grand-chose de plus. On ne se comprend bi
3494 eunes hommes ivres. Mais alors point n’est besoin de formuler cette ivresse ; autrement que par des cris. 5. Avec toutes l
3495 que pour mourir ou pour entrer en religion : rond de cuir ou poète (au sens le plus large de ces mots.) (Mais je tiens à l
3496 on : rond de cuir ou poète (au sens le plus large de ces mots.) (Mais je tiens à le leur dire ici : les anciens bellettrie
3497 triens qui ont perdu toute foi ne connaîtront pas de pardon. Car ils ont vu, et s’ils n’ont pas cru, c’est qu’ils sont fon
3498 e monde moderne ont encore une « essence ». Celle de Belles-Lettres est en agréable odeur à l’Éternel et à Satan pareillem
3499 t ceux qu’elle enivre entrent en état de grâce ou de blasphème, selon. Mais ce qui importe d’abord, n’est-ce point de se l
3500 elon. Mais ce qui importe d’abord, n’est-ce point de se livrer, purement et simplement. 7. (Secret). r. « Belles-Lettres
3501 es champs… » [Réponse à l’enquête sur l’« Essence de Belles-Lettres »], Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève
3502 quête sur l’« Essence de Belles-Lettres »], Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 1, janvier 192
80 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)
3503 Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)s Prison Prisonnier de la nuit mais plus libr
3504 le de jour (mars 1929)s Prison Prisonnier de la nuit mais plus libre qu’un ange prisonnier dans ta tête mais libre
3505 s Quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier d’ une saison morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence
3506 on morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence se ferment sur le vide   Tu pleurerais Mais la grâce est f
3507 leurerais Mais la grâce est facile comme un matin d’ été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour
3508 comme un matin d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’un grand été   qui consent…
3509 d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’un grand été   qui consent… Ailleurs Colo
3510 ent dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’ un grand été   qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses des ma
3511 ent… Ailleurs Colombes lumineuses des mains de mon amour écloses voyageuses ah ! que d’aucun retour vous ne laissiez
3512 es mains de mon amour écloses voyageuses ah ! que d’ aucun retour vous ne laissiez le gage aux plaintes de mon cœur il est
3513 ucun retour vous ne laissiez le gage aux plaintes de mon cœur il est d’autres rivages où mieux qu’ici l’on meurt. Étoil
3514 res rivages où mieux qu’ici l’on meurt. Étoile de jour Il naissait à son destin des rayons glissent et rient c’est
3515 rient c’est la caresse des anges parmi les formes de l’ombre C’était l’aube et le sourire adorable de savoir la dansante
3516 e l’ombre C’était l’aube et le sourire adorable de savoir la dansante liberté d’un désir à sa naissance L’étoile qui l
3517 le sourire adorable de savoir la dansante liberté d’ un désir à sa naissance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’un
3518 issance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’ un silence c’est le miroir d’une absence mais le signe de sa grâce D
3519 eille au sommet ravi d’un silence c’est le miroir d’ une absence mais le signe de sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœu
3520 lence c’est le miroir d’une absence mais le signe de sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœur éclatant du jour scintille
3521 œur éclatant du jour scintillera l’invisible gage d’ un amour perdu. s. « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue de
3522 n amour perdu. s. « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg,
3523 s. « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 5, mars 1929,
81 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)
3524 Souvenirs d’ enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)t Quand avec
3525 Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)t Quand avec un air fin m
3526 peut se permettre quelques malices, quelques jeux d’ esprit ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’être absous a
3527 ettre quelques malices, quelques jeux d’esprit ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’être absous avec le souri
3528 t ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’ être absous avec le sourire par la clientèle des librairies romandes,
3529 par la clientèle des librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou de première communion. Parmi les compatriotes d’Am
3530 entèle des librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou de première communion. Parmi les compatriotes d’Amiel, Godet
3531 librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou de première communion. Parmi les compatriotes d’Amiel, Godet restera l’u
3532 ou de première communion. Parmi les compatriotes d’ Amiel, Godet restera l’un des rares qui ont réussi à se connaître et q
3533 ue fort alerte. Jugez-en à la façon dont il parle de « ses quelques succès, si disproportionnés avec son mérite ». Il ajou
3534 vec son mérite ». Il ajoute : « j’ai eu la chance de discerner très jeune, avec une clairvoyance singulière, mes propres l
3535 lière, mes propres limites, et j’ai eu la sagesse de ne rien tenter au-delà ». C’est le comble de l’économie bourgeoise qu
3536 esse de ne rien tenter au-delà ». C’est le comble de l’économie bourgeoise que cette administration exacte d’un petit capi
3537 onomie bourgeoise que cette administration exacte d’ un petit capital. Le contraire de la poésie, bien sûr. Mais on n’en de
3538 istration exacte d’un petit capital. Le contraire de la poésie, bien sûr. Mais on n’en demande pas tant dans les familles.
3539 souvent à ces récits : ce n’est point un paysage d’ âme qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée, des noms connus. To
3540 ailleurs est élégant. Mais comme tout cela manque de chair. Et de rêve. Est-ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vrai
3541 élégant. Mais comme tout cela manque de chair. Et de rêve. Est-ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de p
3542 ’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de petits mots d’esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? t. «
3543 on ne se nourrissait vraiment que de petits mots d’ esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? t. « Souvenirs d’en
3544 urrissait vraiment que de petits mots d’esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? t. « Souvenirs d’enfance et de
3545 ices ? Noisettes et cornichons ? t. « Souvenirs d’ enfance et de jeunesse, par Philippe Godet », Revue de Belles-Lettres,
3546 tes et cornichons ? t. « Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neu
3547 fance et de jeunesse, par Philippe Godet », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 6, avril 1929,
82 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
3548 Panorama de Budapest (23 mai 1929)b Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six
3549 Panorama de Budapest (23 mai 1929)b Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six heures d’express, changer totalement
3550 Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six heures d’ express, changer totalement d’atmosphère, passer de la lassitude à la
3551 ’est, en six heures d’express, changer totalement d’ atmosphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’une propreté jol
3552 ’express, changer totalement d’atmosphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’une propreté joliette à un désordre p
3553 mosphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’ une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli
3554 ’une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’ un scepticisme poli à une excitation agressive. La simple visite des c
3555 La simple visite des cafés dans l’une et l’autre de ces capitales suffit à vous en donner la sensation : ce que vous pour
3556 sation : ce que vous pourrez voir durant le reste de votre séjour ne fera que confirmer cette première impression. Vienne 
3557 on. Vienne : assis sur les banquettes rembourrées de profondes loges, les clients dégustent des cafés débordants de crème,
3558 loges, les clients dégustent des cafés débordants de crème, avec une apathie qu’aucun orchestre ne vient troubler, aucune
3559 tastrophe imminente, une révolution, le transfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en gros
3560 nsfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en grosses lettres, et tout cela finira bien par s
3561 finira bien par s’arranger, comme au dernier acte d’ une opérette. Ce peuple s’est résigné avec une facilité incroyable à l
3562 spondre à son état d’esprit le plus naturel. Mais de quoi vivent ces bourgeois aimables et insipides, qui passent des aprè
3563 ent des après-midi entiers devant les deux verres d’ eau que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout
3564 nt les deux verres d’eau que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout en essuyant une moustache de cr
3565 à lire des potins tout en essuyant une moustache de crème fouettée ? Budapest : une vague de musique tzigane vous emporte
3566 oustache de crème fouettée ? Budapest : une vague de musique tzigane vous emporte dès l’entrée. Un violon vient vous siffl
3567 ous siffler à l’oreille les notes les plus aiguës d’ une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus
3568 s d’une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus la rumeur des clients, le violoncelle répond de
3569 ssus la rumeur des clients, le violoncelle répond de sa voix profonde et passionnée, sous les roulades d’un cymbalum. Aux
3570 sa voix profonde et passionnée, sous les roulades d’ un cymbalum. Aux parois, la prière pour la résurrection de la Hongrie,
3571 balum. Aux parois, la prière pour la résurrection de la Hongrie, des portraits de lord Rothermere, et sur toutes les porte
3572 pour la résurrection de la Hongrie, des portraits de lord Rothermere, et sur toutes les portes le fameux : « Non ! non ! j
3573 « Non ! non ! jamais ! » Officiers élégants, tout de noir vêtus, belles femmes aux voix agréablement rauques… Sortez pour
3574 le… « Savez-vous qu’on nous a pris les deux tiers de notre pays ?… Non, non, jamais ! » La rue est sale à cause de la font
3575 n, jamais ! » La rue est sale à cause de la fonte de la neige (une boue ocre, épaisse, on envie les bottes que portent les
3576 vie les bottes que portent les femmes), encombrée de piétons qui traversent en tous sens, évitant vivement les trams qui s
3577 s qui déferlent sur les boulevards comme une nuée d’ insectes affolés. Les maisons sont basses, couvertes du haut en bas d’
3578 Les maisons sont basses, couvertes du haut en bas d’ affiches rouges et jaunes et d’inscriptions cascadantes, à l’orientale
3579 tes du haut en bas d’affiches rouges et jaunes et d’ inscriptions cascadantes, à l’orientale (on pense au mot bazar, qui so
3580 jaune aussi). Soudain se dresse une énorme maison de pierre brune, puis une banque en style hongrois, façade aux grandes l
3581 açade aux grandes lignes verticales, peinturlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursoufl
3582 grandes lignes verticales, peinturlurée de bleu, d’ or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de pré
3583 lignes verticales, peinturlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions
3584 turlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions munichoises. Puis un pa
3585 t. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions munichoises. Puis un palais gothique 1880, qui est le Par
3586 olidement amarrée à Pest par quatre énormes ponts de fer. Contre leurs piles, en hiver, viennent se briser avec un fracas
3587 viennent se briser avec un fracas sourd les îlots de glace qui descendent lentement le fleuve. Au cœur de Prophète chauve
3588 glace qui descendent lentement le fleuve. Au cœur de Prophète chauve s’élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tom
3589 e. Au cœur de Prophète chauve s’élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans le Danube, f
3590 de Prophète chauve s’élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans le Danube, froide et n
3591 on amiral régent et ses gardes blancs aux casques d’ or s’avance en proue, dominant superbement cette ville désordonnée. De
3592 sont des rues silencieuses, provinciales, bordées de petits palais à un étage, clos, secrets, abandonnés. Et des crémeries
3593 a chez des gens qui vous ont reçu comme un cadeau de Dieu, — c’est leur formule de salutation — vous constatez que cette p
3594 eçu comme un cadeau de Dieu, — c’est leur formule de salutation — vous constatez que cette profusion de liqueurs légères f
3595 e salutation — vous constatez que cette profusion de liqueurs légères facilite singulièrement les rapports sociaux. On vou
3596 s vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée d’ un des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’un
3597 . Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’ un roi. Et vous voici transporté dans un bal costumé, parmi des gens q
3598 ropéen ne sait le faire, et dansent à tout propos de folles « czardas » qui deviennent tourbillonnantes et finissent en ch
3599 finissent en chutes ivres sur des divans couverts de coussins Rothermere et Grande Hongrie… Ivresse dans le malheur, passi
3600 spoirs presque puérils et nostalgie des grandeurs de naguère, tout cela compose un visage romantique et ardent dont le voy
3601 voyageur s’éprend malgré lui, malgré tout, comme d’ une passion poétique un peu folle… b. « Panorama de Budapest », Jour
3602 ne passion poétique un peu folle… b. « Panorama de Budapest », Journal de Genève, Genève, n° 138, 23 mai 1929, p. 1-2.
3603 peu folle… b. « Panorama de Budapest », Journal de Genève, Genève, n° 138, 23 mai 1929, p. 1-2.
83 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Saisir (juin 1929)
3604 pervielle, Saisir (juin 1929)ay Ce petit livre de poèmes est comme une initiation au silence. Il faut s’en approcher av
3605 isser créer en nous son silence particulier avant d’ entendre les signes qu’il nous propose. Une telle poésie n’offre aux s
3606 ropose. Une telle poésie n’offre aux sens que peu d’ images (à peine quelques « motifs », objets usuels et usés, sur la nua
3607 tifs », objets usuels et usés, sur la nuance mate d’ un paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’
3608 nois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste immobile et sache att
3609 décrit, ce sont des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste immobile et sache attendre que ton cœur
3610 mmobile et sache attendre que ton cœur se détache de toi comme une lourde pierre. » Le corps, que l’âme quitte, redevient
3611 minéral, statue dans le silence « aux yeux gelés de rêverie », il se confond avec l’ombre du monde. Et l’âme peut enfin «
3612 une autre lumière : « Tout semblait vivre au fond d’ un insistant regard. » Le poète des Gravitations est ici descendu plus
3613 itre ! « Saisir » n’est-ce point l’acte essentiel de la poésie ? Toute poésie véritable n’est-elle pas proprement « saisis
3614 e » ? Mais le plus émouvant, c’est ici l’approche d’ un silence partout pressenti, qui s’impose, qui apaise le vain débat d
3615 pressenti, qui s’impose, qui apaise le vain débat de notre esprit : « Car l’on pense beaucoup trop haut, et cela fait un v
3616 Saisir (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juin 1929, p. 762-763.
84 1929, Articles divers (1924–1930). La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)
3617 La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)n « Je lui ai raconté qu’il habite une
3618 nt des heures récite des odes grecques au murmure de l’eau ; la Princesse de Homburg lui a fait cadeau d’un piano dont il
3619 l’eau ; la Princesse de Homburg lui a fait cadeau d’ un piano dont il a coupé les cordes, mais pas toutes, en sorte que plu
3620 ont il a cassé les cordes, c’est vraiment l’image de son âme ; j’ai voulu attirer là-dessus l’attention du médecin, mais i
3621 ’attention du médecin, mais il est plus difficile de se faire comprendre par un sot que par un fou. » L’hiver dernier, m’o
3622 u. » L’hiver dernier, m’occupant assez longuement d’ un des poètes auxquels notre temps doit vouer l’attention la plus grav
3623 ion la plus grave — car il vécut dans ces marches de l’esprit humain qui confinent peut-être à l’Esprit et dont certains d
3624 à tenter le climat, — j’avais rêvé sur ce passage de l’émouvante Bettina, rêvé sans doute assez profondément pour qu’aujou
3625 nt un hasard… Hier, c’était la Pentecôte. La fête de la plus haute poésie. Mais dans ce siècle, où tant de voix l’appellen
3626 où tant de voix l’appellent, combien sont dignes de s’attendre au don du langage sacré ? Cette langue de feu qui s’est po
3627 s’attendre au don du langage sacré ? Cette langue de feu qui s’est posée sur Hölderlin et qui l’a consumé… Digne ? — Un ad
3628 ui l’a consumé… Digne ? — Un adolescent au visage de jeune fille qui rimait sagement des odes à la liberté… Et voici dans
3629 e premier, quand Hölderlin doit quitter la maison de Madame Gontard12, déchirement à peine sensible dans son œuvre. Car ce
3630 n œuvre. Car ce poète n’est peut-être que le lieu de sa poésie, — d’une poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas son auteur
3631 poète n’est peut-être que le lieu de sa poésie, —  d’ une poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas son auteur. Qui parle par
3632 ité presque effrayante. Vient le temps où le sens de son monologue entre terre et ciel lui échappe. Il jette encore quelqu
3633 au moment où meurt Diotima, Hölderlin errant loin d’ elle (dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé d’insolation ;
3634 ima, Hölderlin errant loin d’elle (dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie d’un coup l’en
3635 (dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé d’ insolation ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est une sorte de vieillar
3636 aux croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie d’ un coup l’envahit. C’est une sorte de vieillard qui reparaît en Allema
3637 n ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est une sorte de vieillard qui reparaît en Allemagne. Et durant trente années, ce pauv
3638 pauvre corps abandonné vivra dans la petite tour de Tubingue, chez un charpentier — vivra très doucement, inexplicablemen
3639 rès doucement, inexplicablement, une vie monotone de vieux maniaque. Le buisson ardent quitté par le feu se dessèche. Ce q
3640 ne aux visiteurs venus pour contempler la victime d’ un miracle. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je suis descend
3641 ime d’un miracle. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je suis descendu au bord de l’eau, un peu au-dessous de la ma
3642 peu au-dessous de la maison, en attendant l’heure d’ ouverture. Il y a là une station de canots de louage où j’ai vite déco
3643 endant l’heure d’ouverture. Il y a là une station de canots de louage où j’ai vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à
3644 eure d’ouverture. Il y a là une station de canots de louage où j’ai vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté d’un
3645 vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté d’ un « Hypérion ». En cherchant, je trouverais bien aussi un « Nietzsche
3646 vers l’eau lente. Sur l’autre rive qui est celle d’ une longue île, des étudiants au crâne rasé se promènent un roman jaun
3647 à la main. L’un après l’autre, dans cette paresse de jour férié, les clochers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un
3648 e, dans cette paresse de jour férié, les clochers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors de vieille
3649 chers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors de vieille maison souabe, hauts et sombres, qui paraîtr
3650 sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors de vieille maison souabe, hauts et sombres, qui paraîtraient immenses s’
3651 traient immenses s’ils n’étaient à demi encombrés d’ armoires. Un couloir, la chambre. L’homme qui me conduit est le propri
3652 ? — (et comme je considère un ravissant médaillon de marbre) — Ça, c’est Diotima. » On rougirait à moins. — « Je ne puis p
3653 » On rougirait à moins. — « Je ne puis pas parler de lui, ici à Francfort, écrivait Bettina, car aussitôt l’on se met à ra
3654 menade, et le guide désigne familièrement l’image d’ une femme par le nom qu’elle portait au mystère de l’amour… Trois peti
3655 d’une femme par le nom qu’elle portait au mystère de l’amour… Trois petites fenêtres ornées de cactus miséreux, une pipe q
3656 mystère de l’amour… Trois petites fenêtres ornées de cactus miséreux, une pipe qui traîne sur l’appui ; le jardinet avec s
3657 Vingt-sept ans dans cette chambre, avec le bruit de l’eau et cette complainte de malade épuisé après un grand accès de fi
3658 ambre, avec le bruit de l’eau et cette complainte de malade épuisé après un grand accès de fièvre… L’agrément de ce monde
3659 complainte de malade épuisé après un grand accès de fièvre… L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeun
3660 puisé après un grand accès de fièvre… L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeunesse, voilà si longtemp
3661 L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeunesse, voilà si longtemps, si longtemps qu’elles ont fui. A
3662 en, je n’aime plus vivre. Il y avait encore plus de paix que maintenant. La grande allée sur l’île n’existait pas, en fac
3663 s. Il voyait des prairies et des collines basses, de l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans
3664 prairies et des collines basses, de l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la v
3665 et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la vie » — et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas de plaint
3666 et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas de plainte »… Vivait-il encore ? Ce lieu soudain m’angoisse. Mais le gar
3667 . Il ne vient pas tant de visiteurs, et seulement de 2 à 4… Une rue étouffée entre des maisons pointues et les contreforts
3668 fée entre des maisons pointues et les contreforts de l’Église du Chapitre : je vois s’y engager chaque jour le fou au prof
3669 je vois s’y engager chaque jour le fou au profil de vieille femme qui promène doucement dans cette calme Tubingue le secr
3670 ène doucement dans cette calme Tubingue le secret d’ une épouvantable mélancolie. Les étudiants le rencontrent, qui montent
3671 ui montent au Séminaire protestant : il leur fait de grandes révérences… La rumeur et le cliquetis d’une grande terrasse
3672 de grandes révérences… La rumeur et le cliquetis d’ une grande terrasse de café au bord du Neckar, sous les marronniers. À
3673 La rumeur et le cliquetis d’une grande terrasse de café au bord du Neckar, sous les marronniers. À quatre heures, l’orch
3674 ringues charmantes, jazz et clarinette, chansons de mai. Les bateaux qui dérivent dans le voisinage se rapprochent, tourn
3675 ime pas les jeunes Doktors à lunettes, en costume de bain, qui pagayent vigoureusement, les dents serrées. (« Weg zur Kraf
3676 pas bien ramer et qui lisent des magazines au fil de l’eau, ce qui est le comble des vacances. À une table voisine, des ad
3677 lafrés font des signes énergiques à une compagnie de cavaliers qui passe devant la statue d’Eberhard le Barbu. Des bourgeo
3678 compagnie de cavaliers qui passe devant la statue d’ Eberhard le Barbu. Des bourgeois se rient contre par-dessus leurs chop
3679 tout cela existe dans le même monde ? (Il est bon de poser parfois de ces grandes questions naïves.) Lui aussi a vécu dans
3680 dans le même monde ? (Il est bon de poser parfois de ces grandes questions naïves.) Lui aussi a vécu dans cette ville, tou
3681 t seuls… Et puis, il lui est arrivé quelque chose de terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n’est revenu qu’un vieux
3682 out le monde s’accorde à trouver malsain ce genre de tentatives : cela ne peut que mal finir. Ceux du bon sens hochent la
3683 a tête et citent la phrase la plus malencontreuse de Pascal : le « Qui veut faire l’ange… » a autorisé des générations de
3684 i veut faire l’ange… » a autorisé des générations de « bourgeois cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dan
3685 geois cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je ne sais que
3686 la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je ne sais quelle revanche du médiocre
3687 âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je ne sais quelle revanche du médiocre dont ils se sentent bénéficiai
3688 mme cela on est mieux pour donner le coup de pied de l’âne… Écoutons plutôt Bettina — la vérité est plus humaine, est plus
3689  » Ô cette chambre, où pénètre la facilité atroce de cette fin d’après-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d
3690 ambre, où pénètre la facilité atroce de cette fin d’ après-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle es
3691 fin d’après-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un
3692 midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d’ eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux soi
3693 urs… Faut-il donc que l’un des deux soit absurde, de ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique de la facili
3694 des à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique de la facilité, c’est qu’elle n’est qu’un oubli. Et pourtant, comme elle
3695 à beau fixe. Pourquoi troubler le miroir innocent de ces eaux, ces âmes indulgentes à leur banalité ? Est-ce qu’ils ne sou
3696 our leur donne une petite fièvre, — cette semaine de leur jeunesse où ils ont cru pressentir de grandes choses généreuses
3697 emaine de leur jeunesse où ils ont cru pressentir de grandes choses généreuses autour d’eux… Cela s’oublie. Et l’amour, to
3698 ru pressentir de grandes choses généreuses autour d’ eux… Cela s’oublie. Et l’amour, tout justement, nous fait comprendre,
3699 e : déjà je leur échappe — je t’échappe ô douceur de vivre ! Tout redevient autour de moi insuffisant, transitoire, allusi
3700 iotima de l’Hypérion et des poèmes. n. « La tour de Hölderlin », La Quinzaine artistique et littéraire, Neuchâtel, n° 18,
85 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cassou, La Clef des songes (août 1929)
3701 éger, un peu plus profond que le vrai, où l’Éloge de la folie nous entraînait naguère. Jean Cassou vagabonde à travers ses
3702 res avec lesquels il n’hésite pas à faire un bout de chemin, Hans le gardeur d’oies, le gueux Joseph qui parle à son chien
3703 te pas à faire un bout de chemin, Hans le gardeur d’ oies, le gueux Joseph qui parle à son chien en mourant, une fille qui
3704 fait les mêmes, des bonheurs qui signifient plus de désespoir qu’ils ne s’en doutent… C’est un dévergondage sentimental,
3705 doutent… C’est un dévergondage sentimental, plein de malices et d’envies de pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois da
3706 un dévergondage sentimental, plein de malices et d’ envies de pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois dans les maisons
3707 gondage sentimental, plein de malices et d’envies de pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois dans les maisons des gran
3708 ais bien vite un intermède bouffon, impossible et d’ une désopilante poésie nous replonge dans une atmosphère autre, où les
3709 es personnages ont cet air un peu ivre et capable de n’importe quoi, cet air dangereux et tendre que prennent les hommes e
3710 ages du livre, un peu amers… On voudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci d
3711 oudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci de vraisemblance extérieure ; qui
3712 ou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci de vraisemblance extérieure ; qui ne serait qu’invention,
3713 it fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci de vraisemblance extérieure ; qui ne serait qu’invention, qui inventerai
3714 nvention, qui inventerait sa vérité. Ce serait un de ces miracles de liberté dont nous avons besoin pour croire que le mon
3715 venterait sa vérité. Ce serait un de ces miracles de liberté dont nous avons besoin pour croire que le monde actuel n’est
3716 as un cas désespéré. Mais voici déjà dans l’œuvre de Jean Cassou, et singulièrement dans ce livre, beaucoup de ces petites
3717 re, beaucoup de ces petites merveilles qui valent de gros romans « bien faits ». Car il y a toujours assez de vérité dans
3718 romans « bien faits ». Car il y a toujours assez de vérité dans une histoire où il y a de la poésie. az. « Jean Cassou 
3719 jours assez de vérité dans une histoire où il y a de la poésie. az. « Jean Cassou : La Clef des songes (Émile-Paul, Pari
3720 Paul, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1929, p. 248-249.
86 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Rolland de Renéville, Rimbaud le voyant (août 1929)
3721 eignaient les upanishads et la tentative poétique de Rimbaud, l’on s’étonne qu’il ait fallu plus d’un demi-siècle pour qu’
3722 ue de Rimbaud, l’on s’étonne qu’il ait fallu plus d’ un demi-siècle pour qu’une telle interprétation voie le jour. Cela pou
3723 étation voie le jour. Cela pourrait donner lieu à de mélancoliques réflexions sur le génie « poétique » français… Mais non
3724 français… Mais non, nous préférons voir ici l’un de ces signes qui de toutes parts annoncent une rentrée de l’âme dans la
3725 signes qui de toutes parts annoncent une rentrée de l’âme dans la littérature la plus spirituelle du monde. La thèse que
3726 pirituelle du monde. La thèse que défend l’auteur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’il es
3727 èse que défend l’auteur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réf
3728 ur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre temps
3729 Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre temps, ne fût-ce que pour faite hont
3730 vidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre temps, ne fût-ce que pour faite honte à ceux qui sont encore ca
3731 pour faite honte à ceux qui sont encore capables d’ une telle honte, de leur indifférence à l’endroit de l’être le plus mo
3732 ceux qui sont encore capables d’une telle honte, de leur indifférence à l’endroit de l’être le plus monstrueusement pur q
3733 eusement pur qui se soit révélé par le truchement de la poésie française. — Livre un peu didactique, trop attentif à sa pr
3734 é par cet enthousiasme sacré que requiert l’œuvre de Rimbaud. Regrettons seulement qu’il n’élargisse pas plus une question
3735 ssi centrale — qui est, si l’on veut, la question d’ Orient-Occident. Et pourquoi cette hostilité de sectaire contre l’inte
3736 on d’Orient-Occident. Et pourquoi cette hostilité de sectaire contre l’interprétation proposée par Claudel et Isabelle Rim
3737 baud ? Si Claudel s’est montré partial en faisant de Rimbaud, « mystique à l’état sauvage », un catholique qui s’ignore, i
3738 olique qui s’ignore, il n’est pas plus admissible d’ inférer du mépris de Rimbaud pour le catholicisme à son mépris pour la
3739 il n’est pas plus admissible d’inférer du mépris de Rimbaud pour le catholicisme à son mépris pour la révélation évangéli
3740 évélation évangélique. Je ne vois là que l’indice d’ une confusion bien française, hélas. ba. « André Rolland de Renévill
3741 reil, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1929, p. 250-251. bb. Le féminin est ici conser
87 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Julien Benda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)
3742 Julien Benda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)bc Ce n’est plus l’heure de venir prendre
3743 ternel (novembre 1929)bc Ce n’est plus l’heure de venir prendre position dans un débat où les voix les mieux écoutées o
3744 les avaient à dire. Et d’autre part, les lecteurs de cette revue connaissent la thèse de la Trahison des Clercs 11, thèse
3745 les lecteurs de cette revue connaissent la thèse de la Trahison des Clercs 11, thèse dont la Fin de l’Éternel ne fait que
3746 e de la Trahison des Clercs 11, thèse dont la Fin de l’Éternel ne fait que reprendre la défense contre ses adversaires de
3747 t que reprendre la défense contre ses adversaires de tous bords. Je voudrais souligner seulement la beauté de l’effort dés
3748 bords. Je voudrais souligner seulement la beauté de l’effort désintéressé de Julien Benda, et l’obligation où nous sommes
3749 gner seulement la beauté de l’effort désintéressé de Julien Benda, et l’obligation où nous sommes tous désormais de répond
3750 da, et l’obligation où nous sommes tous désormais de répondre pour nous-mêmes à sa mise en demeure. Je suis loin de partag
3751 emeure. Je suis loin de partager toutes les idées de M. Benda, sur le plan philosophique en particulier, où je me sens bie
3752 son tour quand il tire argument contre une thèse de M. Marcel de ce qu’elle « mène loin… dans l’ordre moral ». Et quand c
3753 nd il tire argument contre une thèse de M. Marcel de ce qu’elle « mène loin… dans l’ordre moral ». Et quand cela serait !
3754 t, de plus impertinents que moi ne manqueront pas de faire observer que la « fin de l’éternel », la chute de l’idée dans l
3755 ne manqueront pas de faire observer que la « fin de l’éternel », la chute de l’idée dans la matière, est un phénomène exa
3756 re observer que la « fin de l’éternel », la chute de l’idée dans la matière, est un phénomène exactement aussi vieux que l
3757 a un sophiste en M. Benda, un polémiste qui joue de la raison ratiocinante tout comme si elle n’était pas le contraire de
3758 nante tout comme si elle n’était pas le contraire de la Raison de Spinoza. Nul mieux que lui ne s’entend définir et classe
3759 mme si elle n’était pas le contraire de la Raison de Spinoza. Nul mieux que lui ne s’entend définir et classer choses et i
3760 t-à-dire fausses mais claires, qui lui permettent de triompher syllogistiquement de l’adversaire, sinon de la difficulté e
3761 qui lui permettent de triompher syllogistiquement de l’adversaire, sinon de la difficulté elle-même. Mais pour gênante que
3762 riompher syllogistiquement de l’adversaire, sinon de la difficulté elle-même. Mais pour gênante que soit souvent son adres
3763 e. Mais pour gênante que soit souvent son adresse de logicien, elle ne doit pas nous masquer l’audace tranquille et admira
3764 pas nous masquer l’audace tranquille et admirable de son point de vue radicalement antimoderne, parce que désintéressé. C’
3765 re, c’est l’impossible. Mais justement, la gloire de M. Benda sera d’avoir soutenu que l’humanité a besoin qu’on lui deman
3766 sible. Mais justement, la gloire de M. Benda sera d’ avoir soutenu que l’humanité a besoin qu’on lui demande l’impossible.
3767 e croirait n’en avoir plus besoin. Cet extrémisme de la pensée intemporelle, en butte aux sarcasmes des extrémistes de dro
3768 emporelle, en butte aux sarcasmes des extrémistes de droite et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms de clowns qui
3769 butte aux sarcasmes des extrémistes de droite et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms de clowns qui me viennent
3770 et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms de clowns qui me viennent l’esprit : Julien Benda… », écrit Aragon. Et D
3771 ons sont exactement celles qu’il fallait attendre de ces auteurs. Ce qu’on ne viendra pas disputer à M. Benda, c’est son d
3772 ndra pas disputer à M. Benda, c’est son dur amour de la vérité tout court. Celle-là même qui paraît anarchique dans un mon
3773 . Rien, pas même la religion. 11. Cf. l’article de M. Daniel Halévy (décembre 1927) et la réponse de M. Benda (janvier 1
3774 de M. Daniel Halévy (décembre 1927) et la réponse de M. Benda (janvier 1928). bc. « Julien Benda : La Fin de l’Éternel (N
3775 enda (janvier 1928). bc. « Julien Benda : La Fin de l’Éternel (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genèv
3776 ternel (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, novembre 1929, p. 638-639.
88 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)
3777 Soudain il lui pousse des ailes, une grande paire d’ ailes. Allait-on s’émerveiller ? Mais déjà Freud expliquait le monstre
3778 le dénonçaient, et les précieuses trouvaient cela d’ un romantisme ! ma chère, d’un mauvais goût ! Cependant le jeune homme
3779 euses trouvaient cela d’un romantisme ! ma chère, d’ un mauvais goût ! Cependant le jeune homme agitait ses ailes non sans
3780 iles non sans une ingénue fierté. Mais au courant d’ air s’enrhuma le grand-papa. On craignit de le perdre. — « Eh ! quoi,
3781 ourant d’air s’enrhuma le grand-papa. On craignit de le perdre. — « Eh ! quoi, — vinrent lui dire ses amis, — l’orgueil t’
3782 inconsolables, ô sans cœur, ô pervers, ô disciple de Nietzsche ! » — Sous le poids de cette accusation, comment ne point c
3783 vers, ô disciple de Nietzsche ! » — Sous le poids de cette accusation, comment ne point céder : il fit couper ses ailes. O
3784 t céder : il fit couper ses ailes. On le félicita de son retour à l’état normal, qui est pédestre. Mais à partir de ce jou
3785 Dieu, dans sa pitié, leur envoya un ange porteur d’ une solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne, car le grand R
3786 le grand Remède, c’est un Simple. Des hurlements de rage ne tardèrent point à s’élever de toutes parts. Les uns défendaie
3787 ie outragée, les autres disaient qu’il n’y a plus de morale, et ces jeunes gens ont une façon de trancher les questions qu
3788 plus de morale, et ces jeunes gens ont une façon de trancher les questions qui vous désarme. Craignant qu’on ne lui fît u
3789 nom d’une secte orientale. Aussitôt la discussion de reprendre, et l’on parla défense de l’Occident. L’ange s’enfuit par l
3790 dent. L’ange s’enfuit par l’un des nombreux trous de leurs raisonnements. L’inspiration Comme le poète terminait sa
3791 Comme le poète terminait sa théorie sur la nature de l’inspiration, un doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait un fi
3792 ïne, mais sans espoir. Il lui écrivit, en sortant de là, dans une crèmerie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant i
3793 rivit, en sortant de là, dans une crèmerie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à une femme blonde ass
3794 Ayant demandé un timbre pour attirer l’attention de la femme blonde — sans résultat —, il écrivit une adresse réelle, et
3795 usable de la part d’un poète en état, sans doute, d’ inspiration. Je trouve dans une enveloppe qu’hier vous m’adressâtes un
3796 veloppe qu’hier vous m’adressâtes une déclaration d’ amour destinée à une femme blonde. Je suis noire. Mais je sais qui c’e
3797 tion est le nom qu’on donne en poésie à une suite de malentendus heureusement enchaînés. » Cette histoire, en effet, lui v
3798 re social. Le Libéralisme. L’inspiration », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, n° 1, novembre 19
89 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Avant-propos
3799 écrire en quarante petites pages tous les méfaits de l’instruction publique. C’est à peine assez pour indiquer leur ordre
3800 que. C’est à peine assez pour indiquer leur ordre de grandeur ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruc
3801 r ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruction publique deux petits livres1 excellents dont je considè
3802 je considère les thèses comme acquises : L’Éloge de l’ignorance, de M. Abel Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfan
3803 s thèses comme acquises : L’Éloge de l’ignorance, de M. Abel Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfants, d’Henri Roor
3804 Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfants, d’ Henri Roorda. Le premier montre que la science apprise à l’école appau
3805 ue la science apprise à l’école appauvrit l’homme de tout ce que son ignorance respectait, et ne lui donne à la place que
3806 t, et ne lui donne à la place que des laideurs et de la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille du bon sens bafoué e
3807 ens bafoué et qui s’en moque, décrit la stupidité de l’enseignement tel qu’il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein
3808 . J’apporte un témoignage personnel, une réaction de tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout cela qui me
3809 tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout cela qui me blesse, la liaison fatale avec la démocratie, de tou
3810 me blesse, la liaison fatale avec la démocratie, de tout ce qui moleste ma liberté et sans doute celle de beaucoup d’autr
3811 out ce qui moleste ma liberté et sans doute celle de beaucoup d’autres à qui forcément, je ressemble. Nous vivons sous un
3812 à sécrétion socialiste qui a été établi par coup de force, que les libéraux ont admis, conformément à leurs maximes, et t
3813 et toléré malgré leur mauvaise humeur. Ce régime de punaises jaunâtres aboutit à l’instruction publique et grâce à elle p
3814 e existence. Je l’ai subi ; l’on va voir comment. De pareils souvenirs légitiment toutes les haines. Je serai méchant, par
3815 reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté. Définition du naïf dans le monde moderne : individu qui sout
3816 lus nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent d’ être complices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’est en fait
3817 à-dessus, ces messieurs se lamentent, la jeunesse d’ aujourd’hui, etc. Évidemment. Mais il y a les jérémiades et il y a les
3818 jérémiades et il y a les raisons. Hors le domaine de l’amour, où tout se confond miraculeusement, gémir n’est pas un argum
3819 gémir n’est pas un argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pa
3820 rde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pas de proposer une nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce
3821 oser une nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on
3822 ée, on la renvoie, même si l’on n’est pas capable d’ en faire soi-même une meilleure. Mais j’aperçois là-bas, vautré derriè
3823 dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler, de grâce mettez-lui les mains sur la bouche ! Donnez-lui sa choucroute,
3824 ève pour mettre en doute l’excellence du principe de l’instruction publique, on crie sur tous les bancs : « Alors, vous êt
3825 ndique un mépris vraiment exagéré pour la jugeote de l’adversaire ou s’il traduit simplement cette mauvaise foi pas même c
3826 iente, cette lâcheté devant la discussion précise de leurs principes par quoi se signalent bien souvent nos tolérants par
3827 je ne sais. Mais je m’attends à cent « réponses » de cette sorte. Et je tiens à les classer par avance en deux catégories
3828 le compte sommairement. Cela n’empêchera personne de me resservir ces arguments, bien que dûment prévus et réduits à néant
3829 prévus et réduits à néant ici même ; mais — gain de temps — je n’aurai plus qu’à renvoyer aux lettres A ou B, selon. A. R
3830 réponds : 1° qu’ils ne peuvent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vertu même de leur sceptic
3831 r ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vertu même de leur scepticisme quant à la valeur réformatrice des idées, m’accuser
3832 ant à la valeur réformatrice des idées, m’accuser de faire une critique dangereuse. 3° que néanmoins je crois à l’efficace
3833 angereuse. 3° que néanmoins je crois à l’efficace de certaines utopies. (Les religions, la découverte de l’Amérique par Ch
3834 certaines utopies. (Les religions, la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, l’Europe napoléonienne, la Russie d
3835 des frères Wright, et tout bêtement, c’est le cas de le dire : l’instruction publique.) Résumé : 1° On a le droit d’aller
3836 ’instruction publique.) Résumé : 1° On a le droit d’ aller contre l’époque, et on le peut efficacement. 2° Rira bien qui ri
3837 infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’ une démocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de
3838 gressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de langage, je les renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai de cet
3839 es renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai de cet aspect du problème que l’on peut appeler la question de droit. Ce
3840 ect du problème que l’on peut appeler la question de droit. Certains, en effet, tirent toute leur force dans les discussio
3841 fet, tirent toute leur force dans les discussions de la tranquillité avec laquelle ils brouillent les faits et les princip
3842 ts et les principes. Tourmentés par les scrupules de leur conscience libérale, ils fuient la rigueur jusque dans leurs rai
3843 gements, même violents, que cela ne manque jamais de provoquer, je me propose de marquer ici la distinction classique du f
3844 cela ne manque jamais de provoquer, je me propose de marquer ici la distinction classique du fait et du droit ; et c’est p
3845 ue dans ses réalisations actuelles, puis au terme de ce recensement lamentable, je poserai la question de savoir si tant d
3846 ce recensement lamentable, je poserai la question de savoir si tant de laideurs et d’outrages au bon sens peuvent être lég
3847 erai la question de savoir si tant de laideurs et d’ outrages au bon sens peuvent être légitimés par le but final de notre
3848 bon sens peuvent être légitimés par le but final de notre institution-tabou. 1. Je ne puis naturellement pas mentionner
3849 les ouvrages scientifiques. Les meilleurs sortent de l’Institut Rousseau.
90 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 1. Mes prisons
3850 des gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs de classe. C’est qu’ils les confondent avec ceux de leur enfance et les
3851 de classe. C’est qu’ils les confondent avec ceux de leur enfance et les font indûment participer de la même grâce. Voyez
3852 x de leur enfance et les font indûment participer de la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’«
3853 er de la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’« il n’y a rien au-dessus » de la tâche des inst
3854 nous faire croire qu’« il n’y a rien au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire de ces belles analyses logiques, e
3855 au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire de ces belles analyses logiques, et grammaticales, où tout retombait dro
3856 es, et grammaticales, où tout retombait droit… Et de ces beaux problèmes d’arithmétique où il fallait si soigneusement sép
3857 ù tout retombait droit… Et de ces beaux problèmes d’ arithmétique où il fallait si soigneusement séparer les calculs du rai
3858 es deux), (pour emplir et vider ensemble), (drôle d’ occupation), (après combien d’heures…) ; et il y avait toujours des ap
3859 r ensemble), (drôle d’occupation), (après combien d’ heures…) ; et il y avait toujours des appartements à meubler. Et on mu
3860 aire ici du sentiment, je suis sensible au charme de cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier de la quin
3861 taisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier de la quinzaine, ça faisait de mauvaises notes dans nos carnets hebdomad
3862 s bien dans un Cahier de la quinzaine, ça faisait de mauvaises notes dans nos carnets hebdomadaires, et une semonce à nous
3863 monce à nous gâter toute une journée. Une journée d’ enfance gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le tapissier par le prix du m
3864 embrouille les règles, qui a sommeil, qui a peur de faire faux, parce que les autres auront fait juste, et qui voudrait b
3865 nce à gratter son ardoise où sèchent des traînées de craie grise, où les chiffres trop gros s’emmêlent… Et c’est cela l’en
3866  ? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond de jardin où l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’une tent
3867 l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’ une tente d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemi
3868 des cloportes dans la toile mouillée d’une tente d’ Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des all
3869 alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins de dimanche sonores et tout pro
3870 , odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foie de morue
3871 s de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’ huile de foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gr
3872 anche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gravement
3873 nores et tout propres, la cuiller d’huile de foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gravement des chos
3874 asse beau demain, Michel Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en automne
3875 el Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en automne, des jeux, des feuill
3876 incertaine, un peu sale et un peu divine, baignée d’ une très vague angoisse que l’on fuyait avec des bonheurs fous dans le
3877 omenades en tenant la forte main du père qui fait de longs pas réguliers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’
3878 de longs pas réguliers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’une dissonance douloureuse2. Deux angoisses domin
3879 ît chaque jour, je pense que tout cela tient trop de place dans notre enfance. À 5 ans, j’avais appris à lire, en cachette
3880 même chose, ici ! » Dans la suite, on se chargea d’ illustrer par d’innombrables exemples cet axiome qui devint la formule
3881  ! » Dans la suite, on se chargea d’illustrer par d’ innombrables exemples cet axiome qui devint la formule de mes première
3882 brables exemples cet axiome qui devint la formule de mes premières douleurs morales. Après six ans de ce régime, on m’avai
3883 de mes premières douleurs morales. Après six ans de ce régime, on m’avait suffisamment rabroué pour que je ne montrasse p
3884 oué pour que je ne montrasse plus aucune velléité d’ originalité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malfa
3885 lfaisante. L’école me rendit au monde, vers l’âge de 18 ans, crispé et méfiant, sans cesse en garde contre moi-même à caus
3886 profondément hypocrite donc, et le cerveau saturé d’ évidences du type 2 et 2 font 4, ou : tous les hommes doivent être éga
3887 fois deux quatre, c’est stérile, mais ça ne fait de mal à personne, et de plus, toutes choses égales d’ailleurs, dans un
3888 is un jour qu’elle contient la cause déterminante de notre malaise. Il me fallut un certain temps pour m’habituer à cette
3889 peut-être des découvertes qui eussent ruiné trop de certitudes apprises. Enfin j’ouvris, c’est-à-dire que je me posai la
3890 vissement. Je songeai aux vertueuses indignations de nos maîtres quand ils dénonçaient « la marque indélébile de l’éducati
3891 tres quand ils dénonçaient « la marque indélébile de l’éducation jésuite ». Nous étions marqués par Numa Droz et les manue
3892 sprit petit-bourgeois, qui est une généralisation de l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui sont une généralisati
3893 dogmes démocratiques, qui sont une généralisation de la règle de trois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut pa
3894 ratiques, qui sont une généralisation de la règle de trois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut par les jésuit
3895 uites : du moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on av
3896 moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez de verdeur d’ esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé e
3897 sez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts de la révolte e
3898 empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts de la révolte et de la libération d’une personnalité : l’imagination, le
3899 avait brisé en nous ces ressorts de la révolte et de la libération d’une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitr
3900 us ces ressorts de la révolte et de la libération d’ une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens d
3901 ation d’une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens de la relativité des décrets humains. Le prix
3902 l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens de la relativité des décrets humains. Le prix de mes souffrances était d
3903 ens de la relativité des décrets humains. Le prix de mes souffrances était donc ce conformisme indispensable aux « immorte
3904 ié, si évident, si parfaitement soumis aux règles d’ une arithmétique élémentaire, ce monde dont la Démocratie apparaissait
3905 ur lequel on nous préparait —, c’était un système d’ abstractions primaires, c’était le rêve raisonnablement organisé des e
3906 s et rassis3 qui tiennent aujourd’hui les charges de l’État, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder pa
3907 ennent aujourd’hui les charges de l’État, piliers d’ un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont ét
3908 oder parce qu’ils l’ont établi à la mesure exacte de leurs besoins. Nous ne croyions plus aux démons, mais à la Commission
3909 mais à la Commission scolaire. Nous n’avions plus de « superstitions grossières » comme celles qui touchent à l’action des
3910 e trompent que les illettrés, mais qu’il convient de s’incliner devant les miracles de la science appliquée. On nous faisa
3911 qu’il convient de s’incliner devant les miracles de la science appliquée. On nous faisait voir tout au long de notre hist
3912 ence appliquée. On nous faisait voir tout au long de notre histoire le Progrès constant de l’humanité vers les lumières, l
3913 out au long de notre histoire le Progrès constant de l’humanité vers les lumières, l’incrédulité et le bien-être matériel.
3914 et le bien-être matériel. Nous savions qu’un fils d’ ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous
3915 iel. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal d’ un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire qu
3916 Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire que le petit ouvrier est bien plus malin. Nous savions un tas
3917 rendait agressif. Mais moi, j’avais trop souffert de cette compression morale pour, une fois matériellement délivré, en su
3918 as plus tôt découvert et nommé cet asservissement de l’esprit et ces mythes stériles, que je les rendis responsables de ma
3919 s mythes stériles, que je les rendis responsables de ma perte de contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie
3920 riles, que je les rendis responsables de ma perte de contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie. 2. Dans
3921 e contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie. 2. Dans le cas le plus favorable, c’est un silence, un vide
91 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 2. Description du monstre
3922 ption du monstre Le service militaire me permit de retrouver quelques-unes de ces réalités. J’y retrouvai aussi plusieur
3923 ce militaire me permit de retrouver quelques-unes de ces réalités. J’y retrouvai aussi plusieurs têtes connues d’anciens c
3924 ités. J’y retrouvai aussi plusieurs têtes connues d’ anciens camarades d’école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’en
3925 aussi plusieurs têtes connues d’anciens camarades d’ école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait d’autant mie
3926 imaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait d’ autant mieux qu’on était devenus plus différents. Car ces différences
3927 s. Car ces différences sont les premières marques de la vie vécue et l’on aime à y découvrir la seule fraternité véritable
3928 ougé. Et pour cause : ils n’étaient jamais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur : de
3929 ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur : de l’un à l’autre il n’y a pas de solution de continuité, la différence
3930 u’un instituteur : de l’un à l’autre il n’y a pas de solution de continuité, la différence n’étant qu’une question d’âge,
3931 teur : de l’un à l’autre il n’y a pas de solution de continuité, la différence n’étant qu’une question d’âge, non d’expéri
3932 continuité, la différence n’étant qu’une question d’ âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injust
3933 la différence n’étant qu’une question d’âge, non d’ expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux d
3934 s doute injuste et faux dans un très grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie de le dire ? L’instituteur sous l’unif
3935 ès grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie de le dire ? L’instituteur sous l’uniforme peut être défini par son inco
3936 ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’ être consciencieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une faço
3937 dante d’être consciencieux, à une façon blessante d’ être supérieur, à une façon livresque d’expliquer les choses, à une fa
3938 blessante d’être supérieur, à une façon livresque d’ expliquer les choses, à une façon théorique de juger les êtres. Ces di
3939 que d’expliquer les choses, à une façon théorique de juger les êtres. Ces distributeurs automatiques (brevetés par le gouv
3940 teurs automatiques (brevetés par le gouvernement) de la manne égalitaire — ne se prennent pas pour de la petite bière. Ils
3941 de la manne égalitaire — ne se prennent pas pour de la petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à une élite responsa
3942 t pas pour de la petite bière. Ils ont conscience d’ appartenir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire
3943 ’appartenir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ils mépris
3944 isent le plus, et ils auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne
3945 s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne. Mais je n’en dirai pas plus, de peur de m’échauff
3946 ait un peu, je crois que je m’oublierais au point d’ insinuer que les instituteurs galonnés causent autant de tort à l’armé
3947 nuer que les instituteurs galonnés causent autant de tort à l’armée que les instituteurs antimilitaristes qui signent des
3948 des manifestes en mauvais français — et je ferais de la peine à d’excellents garçons. Revenons au civil. Au village, quand
3949 en mauvais français — et je ferais de la peine à d’ excellents garçons. Revenons au civil. Au village, quand on vous parle
3950 lage, quand on vous parle avec respect et trémolo d’ un môssieu très instruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit d’un
3951 instruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit d’ un de ces cuistres pédants qu’on aime rencontrer dans des farces où il
3952 ruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit d’un de ces cuistres pédants qu’on aime rencontrer dans des farces où ils son
3953 violette, périodiquement, comme on fait… un rhume de cerveau. Il joue de quelque instrument. Il a des idées modernes sur t
3954 ment, comme on fait… un rhume de cerveau. Il joue de quelque instrument. Il a des idées modernes sur tous les sujets, espé
3955 articuliers : cheveux longs, regard profond voilé de douceur. Car le type populaire du poète romantique s’est dégradé en d
3956 allusion au lieutenant-instituteur qui veut faire de la pédagogie avec sa section. L’instituteur-lieutenant qui veut trait
3957 ui veut traiter militairement ses élèves témoigne de la même maladresse professionnelle. J’en connaissais un qui avait cou
3958 ssionnelle. J’en connaissais un qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater le
3959 aissais un qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de
3960 qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de ma section,
3961 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de ma section, je saurai aussi vous mater. » On imagine à quoi peut mene
3962 ous en sommes aux instituteurs : ils sortent tous de la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est-ce que l’esprit
3963 urs : ils sortent tous de la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est-ce que l’esprit petit-bourgeois qui imprèg
3964 , ou bien préexiste-t-il dans les principes mêmes de l’École, et attire-t-il les petits bourgeois comme le portrait de Num
3965 ttire-t-il les petits bourgeois comme le portrait de Numa Droz attirait les mouches ? (Le verre en était toujours jaune.)
3966 t toujours jaune.) Je n’ai ni le droit ni l’envie de dire du mal des petits bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathique
3967 si sympathiques que n’importe quelle autre classe de la société. Mais l’esprit petit-bourgeois pris abstraitement et tel q
3968 este dans l’école primaire est un véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même titre que certaines autre
3969 telle. C’est celle même du régime. l’architecture de nos « palais scolaires ». symbolise d’une façon frappante ce qu’il y
3970 chitecture de nos « palais scolaires ». symbolise d’ une façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la
3971 s ». symbolise d’une façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la conception démocratique du monde.
3972 ne façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la conception démocratique du monde. Entrons, c’est pir
3973 ue du monde. Entrons, c’est pire encore. Beaucoup d’ enfants ont un frisson de dégoût au moment de passer la porte, au son
3974 st pire encore. Beaucoup d’enfants ont un frisson de dégoût au moment de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur de
3975 on de dégoût au moment de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur de goudron et d’urinoirs qui imprègne les corrido
3976 de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur de goudron et d’urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des éc
3977 orte, au son de la cloche : l’odeur de goudron et d’ urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des écoliers empeste
3978 —, les estampes piquées, Numa Droz et ses crottes de mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années de votre vie, citoyens 
3979 de mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années de votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est un grand progrès sur l
3980 Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatrice d’ un tel milieu, moral et matériel ? L’école publique, telle que nous la
3981 us la voyons est semblable à tous ces monuments «  de la mauvaise époque » qui sont dans nos villes l’apport du xixe siècl
3982 ue le style 1880 n’en est pas un : mais l’absence de style est encore un style ; c’est même le pire.
92 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 3. Anatomie du monstre
3983 Ayant épanché un peu de ma rancune, à seule fin de montrer pour quelles raisons j’ai entrepris de combattre l’instructio
3984 in de montrer pour quelles raisons j’ai entrepris de combattre l’instruction publique — on ne me contestera pas ces raison
3985 absolument personnelles et qu’elles ont la valeur d’ un témoignage, ni plus ni moins — il est temps que je fasse passer un
3986 que je fasse passer un petit examen aux principes de cette institution passionnément détestée. Vous allez voir comme il ba
3987 sonnes ont les yeux faibles. Il serait plus juste de dire que la passion n’a qu’une clairvoyance intéressée : mais celles-
3988 he point l’équité. Pas plus que vous qui défendez de parti pris ce que j’attaque. L’esprit d’équité, avec son préjugé paci
3989 défendez de parti pris ce que j’attaque. L’esprit d’ équité, avec son préjugé pacifiste n’est pas toujours l’esprit de véri
3990 son préjugé pacifiste n’est pas toujours l’esprit de vérité, il s’en faut. Or je ne suis pas de ceux qui subordonnent la v
3991 esprit de vérité, il s’en faut. Or je ne suis pas de ceux qui subordonnent la vérité à la tranquillité bourgeoise. Je tien
3992 à la tranquillité bourgeoise. Je tiens le « gain de paix » pour illusoire : il consiste à repousser la difficulté dans l’
3993 consiste à repousser la difficulté dans l’avenir, d’ une ou deux générations. Pendant ce temps elle s’aggrave, et nous voic
3994 mps elle s’aggrave, et nous voici avec l’héritage de cinquante ans de radicalisme sur les bras. L’écheveau est tellement e
3995 e, et nous voici avec l’héritage de cinquante ans de radicalisme sur les bras. L’écheveau est tellement embrouillé que déj
3996 tellement embrouillé que déjà plusieurs proposent de trancher le nœud. Je me bornerai à l’examen des caractères les plus g
3997 nerai à l’examen des caractères les plus généraux de l’instruction publique, ceux que n’atteignent dans leur principe ni l
3998 e n’atteignent dans leur principe ni les réformes de détail ni les modalités locales de réalisations pratiques. Le progr
3999 i les réformes de détail ni les modalités locales de réalisations pratiques. Le programme a) l’horaire : c’est un cad
4000 étéroclites, sans égard à leurs qualités propres. De 8 à 9 arithmétique ; de 9 à 10 composition, etc. Ces disciplines se s
4001 à leurs qualités propres. De 8 à 9 arithmétique ; de 9 à 10 composition, etc. Ces disciplines se succèdent sans transition
4002 ortuit, de manière à prévenir toute concentration de l’esprit. b) plan d’études. On a divisé l’enseignement en branches bi
4003 prévenir toute concentration de l’esprit. b) plan d’ études. On a divisé l’enseignement en branches bien distinctes. On att
4004 stinctes. On attribue à chacune un certain nombre d’ heures par semaine, au jugé. On s’arrange à faire tenir dans cette cla
4005 tenir dans cette classification le plus possible de « connaissances » qui dès lors deviennent obligatoires. La somme et l
4006 ers. Ce plan régit les huit années réglementaires de la scolarité, et englobe la totalité de la science nécessaire à tout
4007 mentaires de la scolarité, et englobe la totalité de la science nécessaire à tout citoyen, dans une vue aussi large que si
4008 Remarquons qu’il suffit pour établir ce programme de disposer d’une ou deux feuilles de papier, d’un crayon et d’une règle
4009 u’il suffit pour établir ce programme de disposer d’ une ou deux feuilles de papier, d’un crayon et d’une règle (pour divis
4010 r ce programme de disposer d’une ou deux feuilles de papier, d’un crayon et d’une règle (pour diviser la page en casiers r
4011 mme de disposer d’une ou deux feuilles de papier, d’ un crayon et d’une règle (pour diviser la page en casiers rectangulair
4012 d’une ou deux feuilles de papier, d’un crayon et d’ une règle (pour diviser la page en casiers rectangulaires, bien propre
4013 , bien proprement.) Évidemment, il est préférable de savoir aussi les noms des sciences élémentaires. Mais il n’est en auc
4014 ntaires. Mais il n’est en aucune façon nécessaire de connaître la psychologie des enfants, ni même le contenu des sciences
4015 ns voudrait que l’on tînt compte des possibilités d’ adaptation de l’enfant ; de la valeur fort inégale de ces disciplines 
4016 ue l’on tînt compte des possibilités d’adaptation de l’enfant ; de la valeur fort inégale de ces disciplines ; de la diver
4017 ompte des possibilités d’adaptation de l’enfant ; de la valeur fort inégale de ces disciplines ; de la diversité des besoi
4018 daptation de l’enfant ; de la valeur fort inégale de ces disciplines ; de la diversité des besoins ; enfin des rythmes nat
4019  ; de la valeur fort inégale de ces disciplines ; de la diversité des besoins ; enfin des rythmes naturels de l’esprit hum
4020 iversité des besoins ; enfin des rythmes naturels de l’esprit humain, qu’il se trouve que le Créateur n’a point accordés à
4021 eux. D’ailleurs, les enfants ne se plaignent pas, de quoi vous plaignez-vous, vous ? — Mais on fausse l’esprit de ces enfa
4022 s plaignez-vous, vous ? — Mais on fausse l’esprit de ces enfants… — Mais on nous paye, et ils n’en meurent pas. Les exa
4023 ndes épreuves cyclistes. Les participants du Tour de Science doivent s’inscrire au terme de chaque trimestre. Ceux qui arr
4024 ts du Tour de Science doivent s’inscrire au terme de chaque trimestre. Ceux qui arrivent après la clôture ont à refaire l’
4025 herie est difficile, tandis qu’à l’école elle est de règle. Car la qualité et la quantité des réponses « fournies » par le
4026 ertant s’explique justement par cette psychologie de l’enfant dont je disais tout à l’heure que la connaissance n’est pas
4027 ut à l’heure que la connaissance n’est pas exigée de ceux qui établissent les programmes et les examens. « Les examens fau
4028 ens. « Les examens faussent complètement l’esprit de l’enseignement », lit-on jusque sous la plume de divers maîtres prima
4029 ires. Ils n’en sont pas moins devenus le but même de l’instruction ; la fin qui justifie les moyens et à quoi l’on subordo
4030 travail, qualité du travail, santé, liberté, sens de la justice et autres balivernes, instruction véritable et autres plai
4031 es, instruction véritable et autres plaisanteries de gros calibre, car à la vérité ce n’est pas d’enseigner qu’il s’agit,
4032 ies de gros calibre, car à la vérité ce n’est pas d’ enseigner qu’il s’agit, mais de soumettre les esprits au contrôle de l
4033 érité ce n’est pas d’enseigner qu’il s’agit, mais de soumettre les esprits au contrôle de l’État, voyons donc, — n’avez-vo
4034 s’agit, mais de soumettre les esprits au contrôle de l’État, voyons donc, — n’avez-vous pas honte de vous faire rappeler s
4035 e de l’État, voyons donc, — n’avez-vous pas honte de vous faire rappeler sans cesse des vérités aussi élémentaires. L’é
4036 mentaires. L’égalitarisme des connaissances De l’existence des programmes, qui est un fait, et de l’existence de la
4037 e l’existence des programmes, qui est un fait, et de l’existence de la Démocratie, qui est une prétention (réservons le mo
4038 es programmes, qui est un fait, et de l’existence de la Démocratie, qui est une prétention (réservons le mot d’idéal), déc
4039 ocratie, qui est une prétention (réservons le mot d’ idéal), découle cette exigence théorique : tous les enfants doivent à
4040 enfants doivent à tout instant être en mesure 1° d’ ingurgiter la même quantité de « matière » ; 2° d’en rendre compte de
4041 t être en mesure 1° d’ingurgiter la même quantité de « matière » ; 2° d’en rendre compte de la même façon, dans le même te
4042 d’ingurgiter la même quantité de « matière » ; 2° d’ en rendre compte de la même façon, dans le même temps. Contentons-nous
4043 e quantité de « matière » ; 2° d’en rendre compte de la même façon, dans le même temps. Contentons-nous de remarquer que c
4044 a même façon, dans le même temps. Contentons-nous de remarquer que ce principe est à la base du système ; qui repose donc
4045 qui repose donc sur une tranquille méconnaissance de la nature humaine. L’histoire enregistre bien une ou deux autres bêti
4046 stoire enregistre bien une ou deux autres bêtises de cette épaisseur, mais il faut reconnaître que jamais on n’avait songé
4047 he. L’école s’attaque impitoyablement aux natures d’ exception, et les réduit avec acharnement à son commun dénominateur4.
4048 des veaux et des médiocres. Le gavage Moyen de réaliser les précédents. Plus ou moins rationalisé. Son instrument le
4049 un résumé clair et portatif des résultats actuels d’ une science. Le bon sens voudrait qu’on étudie d’abord la science dans
4050 à aucune réalité. Ils ne renferment rien qui soit de première main, rien qui soit authentique. Ils négligent toutes les pa
4051 où pourrait s’accrocher l’intérêt. Ils dispensent de tout contact direct avec ce dont ils traitent. Or la valeur éducative
4052 re en commerce intime avec elles. On apprend plus de deux que de mille, dit un sage oriental dont j’ai oublié le nom. Une
4053 ce intime avec elles. On apprend plus de deux que de mille, dit un sage oriental dont j’ai oublié le nom. Une autre conséq
4054 r assimiler ce qu’ils apprennent. Ils sont forcés de gâcher leur travail. Or ce travail n’a qu’une valeur éducatrice : s’i
4055 l est absurde. Mais où sont à l’école les modèles de ce qu’on nommait autrefois la belle ouvrage ? On va supprimer les leç
4056 ois la belle ouvrage ? On va supprimer les leçons de calligraphie. La discipline On conçoit que la réalisation d’un
4057 La discipline On conçoit que la réalisation d’ un programme entièrement contre nature exige une discipline sévère. D’
4058 rement contre nature exige une discipline sévère. D’ où notre conception pénitentiaire de l’école. Mais, s’il est des disc
4059 pline sévère. D’où notre conception pénitentiaire de l’école. Mais, s’il est des disciplines qui renforcent, il en est d’
4060 ite le travail du maître. Il se peut. Tout dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légiti
4061 aître. Il se peut. Tout dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légitimer l’énormité de l
4062 e qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légitimer l’énormité de l’effort qu’on demande à ces petits.
4063 doute qu’il soit de nature à légitimer l’énormité de l’effort qu’on demande à ces petits. Là encore il y a une exagération
4064 t n’est plus qu’une entrave énervante, un système de vexations mesquines, propres à étouffer toute spontanéité chez un peu
4065 peuple qui vraiment ne péchait point par l’excès de cette vertu. La discipline primaire forme des gobeurs et des inertes,
4066 t blanches qui marquent un peu partout le passage de l’État, et dont la vue permet à ceux qui tombent du ciel sur notre so
4067 e permet à ceux qui tombent du ciel sur notre sol de s’écrier sans hésiter : « Liberté, liberté chérie, voilà bien ta patr
4068  » La préparation civique Tous les pontifes de l’instruction publique sont d’accord sur ce point : l’école primaire
4069 r ce point : l’école primaire doit être une école de Démocratie. Ils insistent sur le fait que les leçons d’instruction ci
4070 ocratie. Ils insistent sur le fait que les leçons d’ instruction civique sont insuffisantes pour former le petit citoyen :
4071 faut que l’enseignement tout entier soit occasion de développer les vertus sociales de l’élève. « Une classe est une socié
4072 r soit occasion de développer les vertus sociales de l’élève. « Une classe est une société en miniature. » Ceci est une én
4073 e bourde. Juxtaposez trente enfants sur les bancs d’ une salle d’école, vous n’aurez rien qui ressemble en quoi que ce soit
4074 xtaposez trente enfants sur les bancs d’une salle d’ école, vous n’aurez rien qui ressemble en quoi que ce soit à aucun éta
4075 ’on oblige les enfants à vivre ensemble dès l’âge de 6 ans, favorise le développement de leurs penchants les plus « commun
4076 ble dès l’âge de 6 ans, favorise le développement de leurs penchants les plus « communs » : jalousie, vanité, panurgisme,
4077 a plus tard socialisme, morgue bourgeoise, esprit de parti, arrivisme et parlementarisme. La culture de l’esprit démocrati
4078 e parti, arrivisme et parlementarisme. La culture de l’esprit démocratique telle qu’elle est comprise par les instituteurs
4079 sion !) Pour moi ce que je retire de plus évident de mon expérience scolaire, c’est une grosse vérité que le bon sens m’eû
4080 sens m’eût par ailleurs fait voir : il n’y a pas d’ égalité réelle possible tant que la loi est la même pour tous. Je ne p
4081 st la même pour tous. Je ne parle pas des manuels d’ histoire, dont il est aujourd’hui démontré qu’ils donnent une image me
4082 ’hui démontré qu’ils donnent une image mensongère de l’ancienne Suisse, à l’usage du peuple souverain qui ne manque pas d’
4083 , à l’usage du peuple souverain qui ne manque pas d’ en être flatté. Et puis, quelle est cette préparation à la vie qui com
4084 ie qui commence par nous soustraire à l’influence de la vie ? Quelle est cette éducation sociale qui enlève l’enfant à la
4085 l’enfant à la famille ?5 Quel est cet instrument de perfectionnement civique qui assure l’écrasement des plus délicats pa
4086 t utiliser pour son profit humain la petite somme de connaissances indispensables qu’on lui donne à l’école. (Cet argent d
4087 ormales créées par l’école publique. Mais l’idéal de l’école est autre ; il est même tout contraire. On ne peut pas exiger
4088 contraire. On ne peut pas exiger qu’il soit tout de noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’
4089 n ne peut pas exiger qu’il soit tout de noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’il n’est que
4090 s exiger qu’il soit tout de noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’il n’est que ridicule et
4091 , de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’il n’est que ridicule et mesquinerie. Il y a là une prémédita
4092 icule et mesquinerie. Il y a là une préméditation de médiocrité que je ne puis m’empêcher de trouver suspecte. Le bon élèv
4093 éditation de médiocrité que je ne puis m’empêcher de trouver suspecte. Le bon élève est celui qui a de bons points. Or les
4094 de trouver suspecte. Le bon élève est celui qui a de bons points. Or les bons points vont aux parfaits imitateurs. Oyez-mo
4095 « Quant il neige, c’est comme des petits morceaux de vouate. » Il est évident que Sylvie est supérieure à Victoria dans la
4096 ctoria montre une âme docile, un rassurant défaut d’ esprit critique, tandis que Sylvie appartient manifestement à la race
4097 vie appartient manifestement à la race dangereuse de ceux qui voient avec leurs yeux. Le bon élève est aussi l’élève disci
4098 s Helvètes un légalisme écœurant6, un conformisme d’ imbéciles ou d’impuissants, qui d’ailleurs ne peut être qu’à l’avantag
4099 égalisme écœurant6, un conformisme d’imbéciles ou d’ impuissants, qui d’ailleurs ne peut être qu’à l’avantage des gens en p
4100 te quelques « brillantes carrières » fournies par d’ ex-forts-en-thème, voire par d’ex-instituteurs. À la vérité, il s’agit
4101 res » fournies par d’ex-forts-en-thème, voire par d’ ex-instituteurs. À la vérité, il s’agit de réussites qui, pour avoir e
4102 ire par d’ex-instituteurs. À la vérité, il s’agit de réussites qui, pour avoir enivré l’espoir et enflammé l’ambition d’un
4103 pour avoir enivré l’espoir et enflammé l’ambition d’ un grand nombre de régents, ne laissent pas que d’être assez spéciales
4104 l’espoir et enflammé l’ambition d’un grand nombre de régents, ne laissent pas que d’être assez spéciales. Il arrive en eff
4105 d’un grand nombre de régents, ne laissent pas que d’ être assez spéciales. Il arrive en effet que nos petits futurs grrrand
4106 os petits futurs grrrands citoyens ayant accompli de « fortes études primaires et secondaires » (témoignage suffisant de l
4107 primaires et secondaires » (témoignage suffisant de leurs aptitudes à la compromission sociale établie) et cueilli au pas
4108 ssage un grade universitaire, prennent leur essor de chérubins du parti au cours de ces nombreux banquets de cercles locau
4109 rubins du parti au cours de ces nombreux banquets de cercles locaux où se fondent les réputations, où se « baptisent » les
4110 t les réputations, où se « baptisent » les hommes d’ avenir. Un jour on voit s’étaler en première page des illustrés la fac
4111 des illustrés la face épanouie quoique énergique d’ un de ces coqs de village qu’on vient de jucher sur la flèche de l’édi
4112 illustrés la face épanouie quoique énergique d’un de ces coqs de village qu’on vient de jucher sur la flèche de l’édifice
4113 face épanouie quoique énergique d’un de ces coqs de village qu’on vient de jucher sur la flèche de l’édifice administrati
4114 qs de village qu’on vient de jucher sur la flèche de l’édifice administratif. Et c’est ce qui s’appelle une belle carrière
4115 eurs fort grande. Tous ceux qui ont eu l’occasion de comparer les bons élèves de diverses classes d’un collège ont été fra
4116 qui ont eu l’occasion de comparer les bons élèves de diverses classes d’un collège ont été frappés de constater que la for
4117 n de comparer les bons élèves de diverses classes d’ un collège ont été frappés de constater que la force et l’originalité
4118 de diverses classes d’un collège ont été frappés de constater que la force et l’originalité de leur jugement sont en rais
4119 rappés de constater que la force et l’originalité de leur jugement sont en raison inverse du nombre d’années d’instruction
4120 de leur jugement sont en raison inverse du nombre d’ années d’instruction publique qu’ils ont subies. Le dilemme J’ai
4121 ugement sont en raison inverse du nombre d’années d’ instruction publique qu’ils ont subies. Le dilemme J’ai indiqué
4122 . Le dilemme J’ai indiqué que les principes de l’instruction publique ne coïncident qu’accidentellement avec ceux du
4123 cile, qu’ils constituent une inversion méthodique de toutes les lois divines et humaines. C’est-à-dire : une méthode d’abâ
4124 s divines et humaines. C’est-à-dire : une méthode d’ abâtardissement de la race. D’autre part, il est aisé de voir que tous
4125 nes. C’est-à-dire : une méthode d’abâtardissement de la race. D’autre part, il est aisé de voir que tous ces principes dér
4126 ardissement de la race. D’autre part, il est aisé de voir que tous ces principes dérivent nécessairement du fait que l’éco
4127 est publique, obligatoire, et soumise au contrôle de l’État. Alors ? Ou bien vous acceptez le régime — mais aussi ses con
4128 ombattez l’instruction publique — mais vous êtes, de ce fait, contre le régime. Il y a là, dirait M. Prudhomme, un bien gr
4129 iplines scolaires : « Les épaves scolaires, faute d’ un traitement pédagogique approprié, tombent dans une apathie intellec
4130 cillité et au vice. » Emmanuel Duvillard, L’École de demain, Genève, Kündig, 1918, p. 12. 5. Il est peut-être avantageux
4131 5. Il est peut-être avantageux dans certains cas de soustraire l’enfant à l’influence d’une famille anormale. Mais d’abor
4132 certains cas de soustraire l’enfant à l’influence d’ une famille anormale. Mais d’abord c’est sanctionner cet état anormal
4133 t anormal (il y aurait sans doute d’autres moyens de sauver l’enfant dans sa famille). Ensuite, pourquoi fait-on en réalit
4134 que, égalité, légalité, sont les meilleures armes de la bassesse contre toute valeur réelle, absolue.
93 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 4. L’illusion réformiste
4135 as attendu ma colère pour entreprendre ce travail de démolition. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir l’abondante l
4136 ail de démolition. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir l’abondante littérature publiée sur le « problème de l’écol
4137 l’abondante littérature publiée sur le « problème de l’école nouvelle ». On appelle école nouvelle tout établissement où l
4138 ole nouvelle tout établissement où l’on s’efforce d’ enseigner selon des principes tirés de l’observation des enfants, c’es
4139 n s’efforce d’enseigner selon des principes tirés de l’observation des enfants, c’est-à-dire : en contradiction sur toute
4140 igne avec l’enseignement officiel. Les promoteurs de ces mouvements tentent la gageure de réformer l’école primaire sans t
4141 s promoteurs de ces mouvements tentent la gageure de réformer l’école primaire sans toucher au principe de l’instruction p
4142 éformer l’école primaire sans toucher au principe de l’instruction publique. Les réformes qu’ils ont proposées jusqu’ici s
4143 actuelle est fondée sur une remarquable ignorance de la psychologie infantile. Où il y avait non-science, on a voulu appor
4144 e. Où il y avait non-science, on a voulu apporter de la science. Mais c’est un art qu’il faudrait. Sinon l’on retombera da
4145 s absurdités. On a créé par exemple des « jardins d’ enfants » où l’on apprend à des élèves âgés de 3 à 4 ans à lacer leurs
4146 ins d’enfants » où l’on apprend à des élèves âgés de 3 à 4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’appelle de l’école prati
4147 4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’appelle de l’école pratique. Plus tard on fait apprendre à ces mêmes enfants, et
4148 ar cœur et à rebours, les noms des rues et places de leur ville, comme s’ils étaient tous destinés à la profession de chau
4149 comme s’ils étaient tous destinés à la profession de chauffeurs de taxi. Si cette conception du pratique prévaut, il est à
4150 aient tous destinés à la profession de chauffeurs de taxi. Si cette conception du pratique prévaut, il est à craindre que
4151 marcher en décomposant les mouvements avec l’aide d’ un métronome pédagogique. De même, sous le louable prétexte d’école ac
4152 me pédagogique. De même, sous le louable prétexte d’ école active, on prétend faire apprendre la grammaire par le moyen de
4153 prétend faire apprendre la grammaire par le moyen de gesticulations appropriées : foin de ces analyses de textes absurdes
4154 par le moyen de gesticulations appropriées : foin de ces analyses de textes absurdes où l’on soulignait en rouge tous les
4155 gesticulations appropriées : foin de ces analyses de textes absurdes où l’on soulignait en rouge tous les mots en « al »,
4156 les campagnes, tirant le meilleur parti possible de l’exercice ; car il ne manque à ce système, avouez-le, que juste la s
4157 cisément. Je ferai à l’école nouvelle un reproche d’ une autre nature. Elle prétend donner plus de liberté aux enfants en l
4158 oche d’une autre nature. Elle prétend donner plus de liberté aux enfants en leur rendant le travail amusant, en leur laiss
4159 travail amusant, en leur laissant la possibilité de trouver par eux-mêmes ce qu’ils doivent apprendre. Mais qu’est-ce qu’
4160 nisée ? En réalité, cet amusement a pour seul but de faire avaler la pilule amère des connaissances. On songe à M. Ford, q
4161 d dimanche, afin qu’ils consomment deux fois plus de machines. Jeu du chat avec la souris. On n’impose plus des résultats,
4162 ion ; on capte scientifiquement les sources mêmes de sa liberté. « Instruire en amusant » peut être la formule d’une tromp
4163 té. « Instruire en amusant » peut être la formule d’ une tromperie subtile et plus grave que la brutalité primaire, parce q
4164 la brutalité primaire, parce qu’elle n’excite pas de réaction vive de la part des écoliers. Enfin, je n’aime pas qu’on tra
4165 traite le gosse comme un organisme dont il s’agit d’ obtenir le rendement le plus élevé. On cultive les petits d’hommes com
4166 le rendement le plus élevé. On cultive les petits d’ hommes comme des plantes de serre dans ces jardins d’enfants. On y par
4167 On cultive les petits d’hommes comme des plantes de serre dans ces jardins d’enfants. On y parle de « l’enfant » comme on
4168 ommes comme des plantes de serre dans ces jardins d’ enfants. On y parle de « l’enfant » comme on parle d’un produit chimiq
4169 s de serre dans ces jardins d’enfants. On y parle de « l’enfant » comme on parle d’un produit chimique : On remarque chez
4170 nfants. On y parle de « l’enfant » comme on parle d’ un produit chimique : On remarque chez l’enfant… Dans ce milieu l’enfa
4171 nt ne tarde pas à se développer… Prenez un enfant de 6 ans… Mettez ensemble trois enfants… Je reconnais que les buts de l’
4172 ensemble trois enfants… Je reconnais que les buts de l’école nouvelle sont honnêtement scientifiques, et désintéressés. Ma
4173 ois tout ce que cela entraînerait, dans une ruine d’ où renaîtrait peut-être l’humanité… Je songe à un enseignement sans éc
4174 es gens qui appliquent avec ferveur les principes de l’école libre, qui se moquent des programmes, et dont les classes joy
4175 des programmes, et dont les classes joyeuses sont de vraies foires : ils ont toute mon amitié. Cela me permet de leur fair
4176 foires : ils ont toute mon amitié. Cela me permet de leur faire remarquer d’autant plus librement qu’ils trahissent le des
4177 on amitié. Cela me permet de leur faire remarquer d’ autant plus librement qu’ils trahissent le dessein profond de l’instru
4178 us librement qu’ils trahissent le dessein profond de l’instruction publique, qu’ils trahissent leur mission officielle. Il
4179 trahissent leur mission officielle. Ils éduquent de futurs anarchistes8, bravo ! Mais ce qu’on leur avait confié, c’était
4180 eur avait confié, c’était la fabrication en série de petits démocrates conscients et organisés. Je crains que ce malentend
4181 dis-je ; car le monde ne progresse qu’à la faveur de malentendus (si tant est qu’il progresse). L’école nouvelle n’échappe
4182 e n’échappe à l’absurdité primaire qu’à la faveur d’ une équivoque. Cette équivoque frappe tout essai de réforme. Qu’il y a
4183 ’une équivoque. Cette équivoque frappe tout essai de réforme. Qu’il y ait là cependant une possibilité pratique d’en sorti
4184 Qu’il y ait là cependant une possibilité pratique d’ en sortir, je ne le nie pas. Mais du point de vue de la vérité, force
4185 en sortir, je ne le nie pas. Mais du point de vue de la vérité, force nous est de reconnaître que notre dilemme subsiste d
4186 Mais du point de vue de la vérité, force nous est de reconnaître que notre dilemme subsiste dans son intégrité et son urge
94 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 5. La machine à fabriquer des électeurs
4187 fabriquer des électeurs Je crois à l’absurdité de fait de l’instruction publique. Je crois aussi qu’on ne peut réformer
4188 er des électeurs Je crois à l’absurdité de fait de l’instruction publique. Je crois aussi qu’on ne peut réformer l’absur
4189 m’explique pourquoi il triomphe et se perpétue ; de quel droit il nous écrase. La réponse est simple, terriblement simple
4190 éponse est simple, terriblement simple : du droit de la Démocratie. L’instruction publique et la Démocratie sont sœurs sia
4191 sont nées en même temps. Elles ont cru et embelli d’ un même mouvement. Morigéner l’une c’est faire pleurer l’autre. Écoute
4192 s et il y aurait une insigne hypocrisie à feindre de ne plus la reconnaître, une fois dissipée la fumée des civets, des ci
4193 ivrées. D’ailleurs, cette idée que j’ai l’honneur de partager avec mes adversaires se trouve correspondre à des faits pate
4194 s patents et simples ; il serait vraiment dommage de priver ces Messieurs d’une aubaine pour eux si rare. Un fait simple,
4195 l serait vraiment dommage de priver ces Messieurs d’ une aubaine pour eux si rare. Un fait simple, par exemple, c’est que l
4196 éalisable. Ici, je demanderai poliment au lecteur de vouloir bien ne point trop faire la bête, sinon je me verrai contrain
4197 trop faire la bête, sinon je me verrai contraint de lui expliquer un certain nombre de vérités tellement évidentes — que
4198 rrai contraint de lui expliquer un certain nombre de vérités tellement évidentes — que cela n’irait pas sans quelque indéc
4199 et truquer légalement les votes. Ensuite, il faut de l’histoire, et de l’instruction civique, pour qu’on sache à quoi cela
4200 ent les votes. Ensuite, il faut de l’histoire, et de l’instruction civique, pour qu’on sache à quoi cela rime. Ensuite, il
4201 noffensifs. Enfin, il faut un nombre considérable de leçons, et le plus longtemps possible, pour qu’on n’ait pas le temps
4202 longtemps possible, pour qu’on n’ait pas le temps de se rendre compte que tout cela est absurde. Pour qu’on n’ait pas le t
4203 t cela est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temps d’ écouter la nature qui répète par toutes ses voix, d’un milliard de faç
4204 écouter la nature qui répète par toutes ses voix, d’ un milliard de façons, que c’est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temp
4205 ure qui répète par toutes ses voix, d’un milliard de façons, que c’est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temps de découvrir
4206 que c’est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temps de découvrir la Liberté9, parce que celui qui l’a embrassée une fois, un
4207 amoises. Continuons. La démocratie doit à l’École de vivre encore. Mais ce n’est de la part de notre Institutrice qu’un re
4208 lée. Certes, je ne prétends pas que les créateurs de l’instruction publique aient eu pleine conscience de ce qu’ils faisai
4209 l’instruction publique aient eu pleine conscience de ce qu’ils faisaient — et je les excuse pour autant10. Je dis simpleme
4210 ossible que parce qu’elle était liée aux intérêts de la démocratie. Car il faut bien se représenter qu’elle n’était encore
4211 le n’était encore au xviiie siècle qu’une utopie de partisans. Il ne serait guère plus fou de proposer aujourd’hui qu’on
4212 utopie de partisans. Il ne serait guère plus fou de proposer aujourd’hui qu’on répande universellement et obligatoirement
4213 ellement et obligatoirement l’art du saxophone ou de la balalaïka. Soyez certains qu’il ne manque à cette plaisanterie, po
4214 nterie, pour prendre corps, que l’appui intéressé d’ un groupement politico-financier. Et il y aurait bien vite des députés
4215 ux, que dis-je, la valeur hautement moralisatrice de ces glapissants entonnoirs. D’ailleurs cette complicité, si évidente
4216 illeurs cette complicité, si évidente à l’origine de l’institution, se manifeste encore de nos jours, et d’une façon non m
4217 à l’origine de l’institution, se manifeste encore de nos jours, et d’une façon non moins flagrante, dans ses suites normal
4218 institution, se manifeste encore de nos jours, et d’ une façon non moins flagrante, dans ses suites normales. Je n’en veux
4219 rante, dans ses suites normales. Je n’en veux pas d’ autre preuve que l’état grotesquement arriéré de notre instrument de p
4220 s d’autre preuve que l’état grotesquement arriéré de notre instrument de progrès par excellence. Car il n’est qu’une expli
4221 l’état grotesquement arriéré de notre instrument de progrès par excellence. Car il n’est qu’une explication vraisemblable
4222 ce. Car il n’est qu’une explication vraisemblable de cette incurie : l’école, sous sa forme actuelle, remplit suffisamment
4223 uffisamment son rôle politique et social, qui est de fabriquer des électeurs (si possible radicaux, en tout cas démocrates
4224 radicaux, en tout cas démocrates). Je me souviens d’ un dessin humoristique publié en 1914, représentant l’œuvre de Kitchen
4225 humoristique publié en 1914, représentant l’œuvre de Kitchener : une machine qui absorbait des gentlemen et rendait des to
4226 tion, tous les crânes ont été décervelés et dotés d’ une petite mécanique à quatre sous qui suffit à régler désormais l’aut
4227 sous qui suffit à régler désormais l’automatisme de la vie civique. Le cerveau standard du type fédéral ne laisse craindr
4228 i peuvent apparaître chez les enfants ? Ce serait de l’art pour l’art. On ne peut pas en demander tant aux gouvernements.
4229 as rentable. Il est clair que si le but principal de l’instruction publique était d’éduquer le peuple d’une façon désintér
4230 le but principal de l’instruction publique était d’ éduquer le peuple d’une façon désintéressée, les gouvernements seraien
4231 l’instruction publique était d’éduquer le peuple d’ une façon désintéressée, les gouvernements seraient un peu plus fous q
4232 eraient un peu plus fous qu’on n’ose les imaginer de ne pas entreprendre sur l’heure une véritable révolution scolaire ; c
4233 comme vous dites, sans doute pour m’ôter l’envie de bousculer quoi que ce soit. J’aime les tremblements de terre, vous to
4234 usculer quoi que ce soit. J’aime les tremblements de terre, vous tombez mal. J’appartiens à cette espèce de gens qui font
4235 rre, vous tombez mal. J’appartiens à cette espèce de gens qui font confiance à leur sensibilité plus qu’aux idées des autr
4236 us qu’aux idées des autres. Or, c’est une révolte de ma sensibilité qui me dresse contre l’École. Mes arguments ne se mett
4237 orterait que l’École soit une machine à fabriquer de la démocratie — si je ne sentais menacées dans cette aventure des val
4238 sentais menacées dans cette aventure des valeurs d’ âme auxquelles je tiens plus qu’à tout. Ma haine de la démocratie est
4239 ’âme auxquelles je tiens plus qu’à tout. Ma haine de la démocratie est l’aboutissement de l’évolution dont je viens de déc
4240 ut. Ma haine de la démocratie est l’aboutissement de l’évolution dont je viens de décrire la marche nécessaire11. On ne ma
4241 écrire la marche nécessaire11. On ne manquera pas d’ insinuer qu’à l’origine de tout ceci il y a surtout de la nervosité, d
4242 e11. On ne manquera pas d’insinuer qu’à l’origine de tout ceci il y a surtout de la nervosité, de petites douleurs de jeun
4243 sinuer qu’à l’origine de tout ceci il y a surtout de la nervosité, de petites douleurs de jeunes bourgeois. Essayer de ven
4244 gine de tout ceci il y a surtout de la nervosité, de petites douleurs de jeunes bourgeois. Essayer de venir me dire ça che
4245 y a surtout de la nervosité, de petites douleurs de jeunes bourgeois. Essayer de venir me dire ça chez moi, n’est-ce pas,
4246 de petites douleurs de jeunes bourgeois. Essayer de venir me dire ça chez moi, n’est-ce pas, mes agneaux. C’est justement
4247 C’est justement dans la mesure où je participais de l’écœurant optimisme bourgeois que je m’accommodais d’un régime nocif
4248 écœurant optimisme bourgeois que je m’accommodais d’ un régime nocif pour tout ce qu’il y a d’authentiquement noble en chaq
4249 ommodais d’un régime nocif pour tout ce qu’il y a d’ authentiquement noble en chaque homme. Si les fils du peuple souffrent
4250 aque homme. Si les fils du peuple souffrent moins d’ un tel régime, c’est qu’ils n’ont pas d’eux-mêmes une connaissance aus
4251 ent moins d’un tel régime, c’est qu’ils n’ont pas d’ eux-mêmes une connaissance aussi sensible. Ils ignorent ce qu’étiolent
4252 si quelques-uns allaient se réveiller… Il suffit d’ un peu de chaleur d’âme pour amorcer le dégel de ces principes, et ce
4253 aient se réveiller… Il suffit d’un peu de chaleur d’ âme pour amorcer le dégel de ces principes, et ce peut être le signal
4254 t d’un peu de chaleur d’âme pour amorcer le dégel de ces principes, et ce peut être le signal de la grande débâcle printan
4255 dégel de ces principes, et ce peut être le signal de la grande débâcle printanière. Il n’y a de révolution véritable que d
4256 signal de la grande débâcle printanière. Il n’y a de révolution véritable que de la sensibilité. (Le jour où l’on culbuter
4257 printanière. Il n’y a de révolution véritable que de la sensibilité. (Le jour où l’on culbutera ces Messieurs de leurs siè
4258 ibilité. (Le jour où l’on culbutera ces Messieurs de leurs sièges, ils comprendront le sens des images.) 9. J’emploie ce
4259 oir note A à la fin du cahier. 11. Est-il besoin de déclarer formellement qu’une telle attitude n’est en aucune façon tri
4260 e telle attitude n’est en aucune façon tributaire de l’idéologie réactionnaire à la mode. Mais que deux critiques de la Dé
4261 réactionnaire à la mode. Mais que deux critiques de la Démocratie partant de points de vue presque opposés coïncident en
4262 Mais que deux critiques de la Démocratie partant de points de vue presque opposés coïncident en tant de points — voilà qu
95 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 6. La trahison de l’instruction publique
4263 6. La trahison de l’instruction publique (Ici, le procureur prit un ton plus grave.)
4264 tait là, nous venons de le voir, son unique moyen de parvenir. Elle participe donc sur une vaste échelle à cette « Trahiso
4265 en ! elle apprendra que le seul péché qui n’a pas de pardon c’est le péché contre l’Esprit. Aujourd’hui qu’il suffit d’un
4266 e péché contre l’Esprit. Aujourd’hui qu’il suffit d’ un peu de bon sens et d’information pour jouer au prophète, on nous pr
4267 Aujourd’hui qu’il suffit d’un peu de bon sens et d’ information pour jouer au prophète, on nous promet de tous côtés de be
4268 nformation pour jouer au prophète, on nous promet de tous côtés de belles catastrophes. Je suis de ceux qui s’en réjouisse
4269 r jouer au prophète, on nous promet de tous côtés de belles catastrophes. Je suis de ceux qui s’en réjouissent mauvaisemen
4270 met de tous côtés de belles catastrophes. Je suis de ceux qui s’en réjouissent mauvaisement. (« C’est bien fait. C’était t
4271 bien fait. C’était trop laid ».) À peine capable de nous instruire, l’École prétend ouvertement nous éduquer. D’ailleurs
4272 urs réalistes, sans lesquelles le monde s’enfonce de son propre poids dans l’abrutissement ou se laisse prendre à des théo
4273 ne peut que diminuer le « rendement » quantitatif de ceux qui s’y livrent. Je ne veux pas me poser ici en défenseur des ve
4274 ans des « lumières », et qui pourtant s’indignent de voir la morale actuelle s’attaquer, voyez-vous ça, à la famille, « ce
4275 ille, « cette cellule sociale ». Et je les traite de mauvais plaisants. Admirez mon extrême modération. Ceci fait, constat
4276 rmes sociales qu’on prétend y substituer à celles de la famille sont falsifiées. Non seulement l’École ne constitue pas le
4277 ue pas le pôle idéaliste nécessaire à l’équilibre d’ une civilisation — et c’est l’aspect négatif de sa trahison —, mais en
4278 re d’une civilisation — et c’est l’aspect négatif de sa trahison —, mais encore elle tend à développer tout ce qu’il y a d
4279 s encore elle tend à développer tout ce qu’il y a de spécifiquement malfaisant dans l’esprit moderne. C’est sa façon à ell
4280 sant dans l’esprit moderne. C’est sa façon à elle de répondre aux besoins de l’époque. Pauvre époque ! On parle sans cesse
4281 ne. C’est sa façon à elle de répondre aux besoins de l’époque. Pauvre époque ! On parle sans cesse de ses besoins. Il est
4282 de l’époque. Pauvre époque ! On parle sans cesse de ses besoins. Il est vrai qu’elle est anormalement insatiable… Je croi
4283 ent insatiable… Je crois qu’elle a surtout besoin d’ une purge violente qui chasse ce ver solitaire du matérialisme. Et qua
4284 isme. Et quand on m’aura démontré que les besoins de l’époque exigent une organisation à outrance du monde, je répondrai q
4285 sfaite naît un nouveau besoin qui est précisément d’ échapper à cette organisation. Or il semble bien que nous en soyons-là
4286 nous en soyons-là, s’il faut en croire les signes de révolte qui apparaissent de toutes parts. Mais l’école empoisonne les
4287 toutes parts. Mais l’école empoisonne les germes d’ une renaissance de l’esprit dont elle devrait être la mère. Elle favor
4288 s l’école empoisonne les germes d’une renaissance de l’esprit dont elle devrait être la mère. Elle favorise le culte exclu
4289 ait être la mère. Elle favorise le culte exclusif de l’utile, l’incompréhension brutale de la nature, la haine des supério
4290 te exclusif de l’utile, l’incompréhension brutale de la nature, la haine des supériorités naturelles, l’habitude de l’ersa
4291 la haine des supériorités naturelles, l’habitude de l’ersatz et du travail bâclé. Elle apprend à lire les journaux, mais
4292 rnir son contrepoison. Au contraire, elle prépare de consciencieuses poires, des esclaves du mot. Il est clair, par exempl
4293 l est clair, par exemple, que seules les victimes de l’instruction helvétique sont capables d’absorber sans fou rire les d
4294 ictimes de l’instruction helvétique sont capables d’ absorber sans fou rire les discours de tirs fédéraux. On a comparé le
4295 nt capables d’absorber sans fou rire les discours de tirs fédéraux. On a comparé le monde moderne à un vaste établissement
4296 comparé le monde moderne à un vaste établissement de travaux forcés. L’école donne à l’enfant ce qu’il faut pour se résign
4297 l’enfant ce qu’il faut pour se résigner à l’état de citoyen bagnard auquel il est promis. Mais elle tue tout ce qui lui d
4298 . Mais elle tue tout ce qui lui donnerait l’envie de se libérer — et peut-être les moyens. Vaste distillerie d’ennui, c’es
4299 érer — et peut-être les moyens. Vaste distillerie d’ ennui, c’est-à-dire de démoralisation — qu’on se le dise ! —, puissanc
4300 s moyens. Vaste distillerie d’ennui, c’est-à-dire de démoralisation — qu’on se le dise ! —, puissance de crétinisation len
4301 démoralisation — qu’on se le dise ! —, puissance de crétinisation lente, standardisation de toutes les mesquineries natur
4302 puissance de crétinisation lente, standardisation de toutes les mesquineries naturelles (je ne fais le procès de la bêtise
4303 les mesquineries naturelles (je ne fais le procès de la bêtise humaine qu’en tant qu’elle est cultivée par l’État), l’Écol
4304 ns ses collèges, l’y enferme et l’y laisse crever de faim. Par ce qu’elle enseigne à ignorer bien plus que par ce qu’elle
4305 lle constitue la plus grande force antireligieuse de ce temps. L’instruction religieuse qui prend les enfants au sortir de
96 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 7. L’Instruction publique contre le progrès
4306 z-vous. Il faut avouer qu’avec ce je ne sais quoi de déclamatoire, de… journalistique, de bedonnant creux, cela vous a un
4307 vouer qu’avec ce je ne sais quoi de déclamatoire, de … journalistique, de bedonnant creux, cela vous a un petit air démocra
4308 ne sais quoi de déclamatoire, de… journalistique, de bedonnant creux, cela vous a un petit air démocratique, hé ! hé !… et
4309 dans une direction tout opposée. C’est très malin d’ avoir inventé un instrument de progrès : encore faut-il le mettre en m
4310 e. C’est très malin d’avoir inventé un instrument de progrès : encore faut-il le mettre en marche. Et où le conduire ? Il
4311 l’instruction publique s’est arrêtée aux environs de 1880 et depuis lors n’a guère bougé. Le moteur n’en continue pas moin
4312 ’a guère bougé. Le moteur n’en continue pas moins de consommer, de ronfler et de tout empester. Et peu à peu le public s’a
4313 . Le moteur n’en continue pas moins de consommer, de ronfler et de tout empester. Et peu à peu le public s’aperçoit que « 
4314 en continue pas moins de consommer, de ronfler et de tout empester. Et peu à peu le public s’aperçoit que « l’instrument d
4315 peu à peu le public s’aperçoit que « l’instrument de progrès » n’est qu’un camouflage à l’abri duquel on distille du radic
4316 al. On me fera observer que beaucoup des servants de la machine sont socialistes : voilà qui ne change pas le rendement, j
4317 produits excrétés. On forme nos gosses, dès l’âge de 6 ans, à ne se point poser de questions dont ils n’aient appris par c
4318 s gosses, dès l’âge de 6 ans, à ne se point poser de questions dont ils n’aient appris par cœur la réponse. Regardez un éc
4319 trouve ça très fort : avoir obtenu un conformisme de la curiosité. Il est vrai qu’il ne fallait pas moins pour assurer la
4320 ’il ne fallait pas moins pour assurer la sécurité d’ un régime établi dans des fauteuils ; car un peuple d’électeurs fantai
4321 régime établi dans des fauteuils ; car un peuple d’ électeurs fantaisistes serait parfois tenté de retirer brusquement ces
4322 ple d’électeurs fantaisistes serait parfois tenté de retirer brusquement ces sièges, farce connue et qui ridiculise à coup
4323 et qui ridiculise à coup sûr sa victime. En fait de farces, vous allez feindre de trouver bien bonne celle-ci : je préten
4324 sa victime. En fait de farces, vous allez feindre de trouver bien bonne celle-ci : je prétends que l’instruction publique
4325 oins ! Elle est destinée à légitimer par la force de l’inertie et à perpétuer mécaniquement tout ce qui est depuis Numa Dr
4326 pas réactionnaire, non, même pas. Car les forces de réaction collaborent à leur manière au progrès, elles corrigent, stim
4327 rigent, stimulent, vivifient. L’École se contente d’ être figée. Est-ce un frein ? Même pas. C’est plutôt une vase où s’enl
4328 Démocratie. Et cette thèse ne va pas à l’encontre de l’évolution normale de l’humanité, comme vous ne manquerez cependant
4329 èse ne va pas à l’encontre de l’évolution normale de l’humanité, comme vous ne manquerez cependant point de le dire, avec
4330 humanité, comme vous ne manquerez cependant point de le dire, avec ce sens exquis du cliché qui est un hommage à vos maîtr
4331 os maîtres respectés. La Démocratie, par le moyen de l’instruction publique, limite l’homme au citoyen. Il s’agit donc de
4332 blique, limite l’homme au citoyen. Il s’agit donc de dépasser le citoyen, de retrouver l’homme tout entier. Je distingue d
4333 u citoyen. Il s’agit donc de dépasser le citoyen, de retrouver l’homme tout entier. Je distingue dans cette opération deux
4334 le terrain pour les jeux nouveaux que l’humanité de demain ne peut manquer d’inventer. Je ne puis m’empêcher de voir une
4335 nouveaux que l’humanité de demain ne peut manquer d’ inventer. Je ne puis m’empêcher de voir une intention providentielle d
4336 ne peut manquer d’inventer. Je ne puis m’empêcher de voir une intention providentielle dans cet amour de la destruction et
4337 voir une intention providentielle dans cet amour de la destruction et de l’anarchie que les génies directeurs de ce temps
4338 rovidentielle dans cet amour de la destruction et de l’anarchie que les génies directeurs de ce temps ont inspiré à beauco
4339 uction et de l’anarchie que les génies directeurs de ce temps ont inspiré à beaucoup d’entre nous — encore que peu l’avoue
4340 faire des signes dans le vide à des hasards gros de dangers, c’est peut-être à quoi notre génération devra limiter l’effi
4341 quoi notre génération devra limiter l’efficacité de ses efforts. Critiquer le présent au nom du passé ne signifie pas que
4342 désire un retour au passé. Mais la considération de régimes anciens peut nous amener à constater, sans plus, que notre so
4343 recul humain. Par exemple, est-ce un progrès que d’ avoir remplacé les hiérarchies de tradition, avec tout le vaste arrièr
4344 e un progrès que d’avoir remplacé les hiérarchies de tradition, avec tout le vaste arrière-fond de poésie et de grandeur q
4345 ies de tradition, avec tout le vaste arrière-fond de poésie et de grandeur que ce mot comporte — quelles qu’en soient d’ai
4346 ion, avec tout le vaste arrière-fond de poésie et de grandeur que ce mot comporte — quelles qu’en soient d’ailleurs les ré
4347 ratif, dont l’esprit est la jalousie rancie armée de pédantisme, et je ne parle pas du décor, des odeurs, de la poussière,
4348 antisme, et je ne parle pas du décor, des odeurs, de la poussière, des petites habitudes sordides et de cette matière rare
4349 e la poussière, des petites habitudes sordides et de cette matière rarement « hygiénique » et qui définit notre âge : la p
4350 tionnarisme, vous alliez le dire, est un ramassis de lieux communs. Mais il s’en faut, hélas, de beaucoup que la majorité
4351 assis de lieux communs. Mais il s’en faut, hélas, de beaucoup que la majorité des électeurs les considèrent comme tels. Et
4352 s débordent ce cercle étroit et distingué. Il y a de grands balayages à faire, un grand courant d’air à créer qui emporter
4353 y a de grands balayages à faire, un grand courant d’ air à créer qui emportera toutes ces statistiques et ces journaux, il
4354 l en restera toujours assez pour allumer des feux de joie, etc. Bon. Supposons tout cela fait. Respirons. Mais déjà vous m
4355 à vous m’attendez à ce tournant et vous me sommez de dire comment, maintenant, je vais m’y prendre pour préparer les temps
4356 me question. Aurai-je la naïveté non moins énorme d’ esquisser ici la réponse que je lui réserve ? L’instruction publique
4357 instruction publique est la forme la plus commune de la peste rationaliste qui sévit dans le monde depuis le xviiie (depu
4358 pestes noires). Si vous creusez un peu la notion de démocratie, vous trouvez bien vite qu’elle repose sur des postulats r
4359 ux aspects, l’un politique, l’autre intellectuel, d’ une même mentalité. Elle s’est développée au xviiie dans l’aristocrat
4360 nt dans les principes démocratiques, et dans ceux de l’École, mais encore dans toute la conduite moderne de la vie. C’est
4361 École, mais encore dans toute la conduite moderne de la vie. C’est notre américanisme et c’est notre sécheresse sentimenta
4362 ’est lui qui stérilise nos utopies et les empêche de devenir autre chose que des utopies. Il s’agit donc en premier lieu d
4363 e que des utopies. Il s’agit donc en premier lieu de le démasquer et de le pourchasser dans toutes les démarches de notre
4364 Il s’agit donc en premier lieu de le démasquer et de le pourchasser dans toutes les démarches de notre vie. Mais cette pre
4365 er et de le pourchasser dans toutes les démarches de notre vie. Mais cette première tâche constitue un programme si riche
4366 onstitue un programme si riche qu’il est superflu d’ en formuler une seconde. Laissons ce soin, à des générations plus libr
4367 . Laissons ce soin, à des générations plus libres d’ imaginer, bénéficiant de notre colère jacobine et de cette formidable
4368 s générations plus libres d’imaginer, bénéficiant de notre colère jacobine et de cette formidable expérience négative qui
4369 imaginer, bénéficiant de notre colère jacobine et de cette formidable expérience négative qui aura duré deux siècles au mo
4370 qui aura duré deux siècles au moins. L’évolution de l’humanité paraît conforme à la dialectique hégélienne ; on y retrouv
4371 retrouve facilement les triades : être —négation de l’être — nouvel être. Notre époque serait le deuxième temps d’une de
4372 ouvel être. Notre époque serait le deuxième temps d’ une de ces triades. Son rationalisme nie l’être sous toutes ses formes
4373 être. Notre époque serait le deuxième temps d’une de ces triades. Son rationalisme nie l’être sous toutes ses formes, trad
4374 e nouvelle et plus complète, à un degré supérieur d’ inconscience, si je puis dire. Alors ce sera au tour de l’instinct d’i
4375 onscience, si je puis dire. Alors ce sera au tour de l’instinct d’intégrer la raison. Je crois que nous approchons de ce t
4376 je puis dire. Alors ce sera au tour de l’instinct d’ intégrer la raison. Je crois que nous approchons de ce temps. Et que l
4377 ’intégrer la raison. Je crois que nous approchons de ce temps. Et que le véritable progrès veut qu’on s’attaque à tout ce
4378 avènement. C’est pourquoi je réclame l’expulsion de la congrégation radicale des instituteurs. On me demande encore ce qu
4379 trais à la place. Et parce que je ne propose rien de bien précis, on triomphe grossièrement. J’aurais voulu vous voir dema
4380 ent. J’aurais voulu vous voir demander à un sujet de Louis XIV ce qu’il concevait à la place de la royauté absolue. Il eût
4381 tion. Et même Diderot, même Rousseau, à la veille de la Révolution, soupçonnaient-ils que la république qu’ils appelaient
4382 rd à peine à la folie démocratique, à cette danse de Saint-Guy politique dont rien de leur temps ne pouvait offrir la moin
4383 e, à cette danse de Saint-Guy politique dont rien de leur temps ne pouvait offrir la moindre préfiguration ? Eh bien ! ind
4384 rir la moindre préfiguration ? Eh bien ! induisez de cette similitude les possibilités formidables que nous réserve le siè
4385 secrètement, que ce mépris et ce scepticisme sont d’ un ridicule écrasant, sous lequel vous ne tarderez pas à périr. 12.
4386 uel vous ne tarderez pas à périr. 12. La Raison de Spinoza ou de Descartes n’a que de lointains rapports de parenté avec
4387 rderez pas à périr. 12. La Raison de Spinoza ou de Descartes n’a que de lointains rapports de parenté avec ce maigre des
4388 12. La Raison de Spinoza ou de Descartes n’a que de lointains rapports de parenté avec ce maigre descendant nommé Rationa
4389 oza ou de Descartes n’a que de lointains rapports de parenté avec ce maigre descendant nommé Rationalisme, produit d’une m
4390 ce maigre descendant nommé Rationalisme, produit d’ une mésalliance avec l’Avarice bourgeoise — et qui sans cesse déroge.
97 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Appendice. Utopie
4391 ute. (Et figurez-vous que j’ai la ferme intention de vous faire rigoler, si cela peut vous rassurer quant à ma santé menta
4392 ssurer quant à ma santé mentale.) La question est de savoir si nous serons des hommes de chair et d’esprit, ou des pantins
4393 question est de savoir si nous serons des hommes de chair et d’esprit, ou des pantins articulés. (Qui tiendra les ficelle
4394 t de savoir si nous serons des hommes de chair et d’ esprit, ou des pantins articulés. (Qui tiendra les ficelles, peu impor
4395 stupide) et les philosophes13 les mieux informés de ce temps s’accordent sur un point : le salut de l’Europe est lié à la
4396 s de ce temps s’accordent sur un point : le salut de l’Europe est lié à la naissance d’une nouvelle attitude de l’âme. Cec
4397 int : le salut de l’Europe est lié à la naissance d’ une nouvelle attitude de l’âme. Ceci revient à dire que seule une gran
4398 pe est lié à la naissance d’une nouvelle attitude de l’âme. Ceci revient à dire que seule une grande vague de l’imaginatio
4399 e. Ceci revient à dire que seule une grande vague de l’imagination collective peut désensabler le vieux bateau occidental.
4400 d’esprit : voilà bien ce que l’École empêche même de concevoir Elle cultive ce qu’il y a d’anti-irrationnel dans la nature
4401 pêche même de concevoir Elle cultive ce qu’il y a d’ anti-irrationnel dans la nature de l’homme. Elle punit froidement la s
4402 ve ce qu’il y a d’anti-irrationnel dans la nature de l’homme. Elle punit froidement la spontanéité et l’invention. Elle dé
4403 spontanéité et l’invention. Elle dénature le sens de la liberté. Elle détruit tout ce qui permettrait d’échapper à la méca
4404 la liberté. Elle détruit tout ce qui permettrait d’ échapper à la mécanique. Bref, elle perpétue ce manque d’imagination d
4405 per à la mécanique. Bref, elle perpétue ce manque d’ imagination dont les conséquences seront matériellement catastrophique
4406 s’y trompe pas : le sens technique qui tient lieu d’ imagination à l’homme moderne n’est pas créateur d’êtres spirituelleme
4407 ’imagination à l’homme moderne n’est pas créateur d’ êtres spirituellement vivants, ni d’aucune grandeur supérieure à la so
4408 pas créateur d’êtres spirituellement vivants, ni d’ aucune grandeur supérieure à la somme de ses éléments. Il n’engendre p
4409 vants, ni d’aucune grandeur supérieure à la somme de ses éléments. Il n’engendre pas, il ajuste. Quand nous aurons épuisé
4410 Quand nous aurons épuisé toutes les combinaisons de vitesse et d’ennui à quoi présentement nous usons le plus clair de no
4411 rons épuisé toutes les combinaisons de vitesse et d’ ennui à quoi présentement nous usons le plus clair de nos forces, — le
4412 nnui à quoi présentement nous usons le plus clair de nos forces, — le Poète dira un mot, ou bien fera un acte, et ces peup
4413 dira un mot, ou bien fera un acte, et ces peuples de somnambules s’éveilleront du cauchemar où les plongent toutes vos dro
4414 ouïs. Il ne tient peut-être qu’à une forte équipe d’ idéalistes pratiques d’en faire sortir le beau miracle d’une civilisat
4415 être qu’à une forte équipe d’idéalistes pratiques d’ en faire sortir le beau miracle d’une civilisation aux ordres de l’Esp
4416 istes pratiques d’en faire sortir le beau miracle d’ une civilisation aux ordres de l’Esprit. Mais il faudrait que dès main
4417 tir le beau miracle d’une civilisation aux ordres de l’Esprit. Mais il faudrait que dès maintenant se constituent ces élit
4418 ces élites, et cela ne se peut que si les tenants de l’ordre spirituel retrouvent le courage d’être, malgré les mots14, de
4419 enants de l’ordre spirituel retrouvent le courage d’ être, malgré les mots14, des anarchistes et des utopistes. J’appelle a
4420 et intégralement humain. L’anarchie est un degré d’ intensité dans la vie, non pas un parti. Tout extrémiste, de droite co
4421 é dans la vie, non pas un parti. Tout extrémiste, de droite comme de gauche, se trouve être dans une certaine mesure un an
4422 on pas un parti. Tout extrémiste, de droite comme de gauche, se trouve être dans une certaine mesure un anarchiste s’il dé
4423 aine mesure un anarchiste s’il défend son opinion de toutes ses forces. Mais c’est un anarchiste de la mauvaise espèce, un
4424 on de toutes ses forces. Mais c’est un anarchiste de la mauvaise espèce, un anarchiste embrigadé. L’anarchiste que j’aime
4425 nt tout en le suivant. Que faire, diront les gens de bonne volonté dont mon imagination romantique suppose l’existence. Qu
4426 s si vous tenez, oui ou non, M. W. Rosier, auteur de manuels d’histoire et de géographie bien connus, pour l’esprit le plu
4427 enez, oui ou non, M. W. Rosier, auteur de manuels d’ histoire et de géographie bien connus, pour l’esprit le plus dangereus
4428 on, M. W. Rosier, auteur de manuels d’histoire et de géographie bien connus, pour l’esprit le plus dangereusement plat qui
4429 s répondent oui, cela finira par créer un courant d’ opinion. Et l’opinion publique mène le monde, paraît-il. À ce propos :
4430 agent désormais à ne publier plus un seul article de fond où ne perce leur mépris pour l’instruction publique. Ils peuvent
4431 uoi, comme on sait, et ils auraient là l’occasion de racheter bien des choses. Ce n’est rien de moins qu’une rédemption du
4432 casion de racheter bien des choses. Ce n’est rien de moins qu’une rédemption du journalisme, ce que je propose-là. Et c’es
4433 -là. Et c’est ainsi qu’on peut imaginer sans trop d’ invraisemblance de petites réformes. Mais j’en ai assez dit pour évite
4434 i qu’on peut imaginer sans trop d’invraisemblance de petites réformes. Mais j’en ai assez dit pour éviter ce malentendu :
4435 ce malentendu : je ne crois pas à la possibilité d’ une réforme suffisante. C’est une révolution qu’il faut. Alors, suppri
4436 le. Le peuple qui déteste l’école a pourtant faim d’ instruction15, et se croirait lésé dans un de ses droits fondamentaux.
4437 faim d’instruction15, et se croirait lésé dans un de ses droits fondamentaux. Le peuple veut s’instruire et on lui bourre
4438 lui bourre le crâne pour l’en empêcher. Il s’agit de lui faire comprendre que l’école est le plus gros obstacle à sa cultu
4439 préparer le terrain. D’autre part, il faut partir de ce qui est. Mais comment retourner contre l’ennemi ses propres batter
4440 batteries ? Autrement dit : quel emploi utopique de l’organisation existante peut-on imaginer ? L’école devrait donner à
4441 n entourage ne peut plus lui donner : des modèles de pensée. Un entraînement de l’esprit, au lieu d’une somme de connaissa
4442 i donner : des modèles de pensée. Un entraînement de l’esprit, au lieu d’une somme de connaissances mortes. Une technique
4443 Un entraînement de l’esprit, au lieu d’une somme de connaissances mortes. Une technique spirituelle. Et puis, qu’il en fa
4444 la concentration. En vérité, toute force résulte d’ une concentration, dans quelque domaine que ce soit. Si l’Occident com
4445 n plus en barbare cette fois-ci. Ce qui l’empêche de comprendre, ici encore, c’est la peur scolaire des mots. Ce terme hin
4446 e dit : vous ne voyez tout de même pas une classe de gamins répétant la syllabe sacrée Aûm ou se livrant à des exercices d
4447 syllabe sacrée Aûm ou se livrant à des exercices de contrôle de la respiration. Il ne s’agit nullement de cela. Nous ne s
4448 rée Aûm ou se livrant à des exercices de contrôle de la respiration. Il ne s’agit nullement de cela. Nous ne sommes pas au
4449 ontrôle de la respiration. Il ne s’agit nullement de cela. Nous ne sommes pas aux Indes, je vous jure que je m’en doute. M
4450 veut obtenir une grande intensité avec un minimum de moyens. J’en citerai deux exemples : la discipline jésuite et le dril
4451 ysique, aux exercices élémentaires que l’on exige d’ un initié. Le fameux arrêt de la pensée dont on sait l’importance prim
4452 aires que l’on exige d’un initié. Le fameux arrêt de la pensée dont on sait l’importance primordiale dans le yoga correspo
4453 au corps une immobilité absolue. L’un et l’autre de ces exercices montrent que le candidat possède une énergie suffisante
4454 loin, — et en même temps constituent des sources d’ énergie nouvelle. Le parallèle peut être poussé dans les détails. Il s
4455 peut être poussé dans les détails. Il s’agit bien d’ un geste identique, exécuté dans deux plans différents. Le drill est u
4456 drill est un yoga corporel, le yoga est un drill de l’esprit. Je sais que ces deux mots sont bien dangereux et impopulair
4457 en couvents. Tant pis. Le drill offre un exemple d’ éducation efficace. L’armée de milices suisses fait des soldats en moi
4458 ll offre un exemple d’éducation efficace. L’armée de milices suisses fait des soldats en moins de trois mois. Si l’école a
4459 rmée de milices suisses fait des soldats en moins de trois mois. Si l’école appliquait en les transposant des méthodes de
4460 ’école appliquait en les transposant des méthodes de concentration analogues, même dans la mesure sans doute faible où la
4461 le supporte, on économiserait plusieurs semestres de travail. Si chaque matin l’enfant parvenait à mettre sa pensée au gar
4462 à-vous durant quelques instants, il s’épargnerait de longs énervements. Il n’y a pas là de quoi se tordre. Car tout cela n
4463 épargnerait de longs énervements. Il n’y a pas là de quoi se tordre. Car tout cela nous donnerait des années de liberté en
4464 e tordre. Car tout cela nous donnerait des années de liberté en même temps qu’un peu de calme. Ces années de liberté nous
4465 erté en même temps qu’un peu de calme. Ces années de liberté nous permettraient de vivre, seule façon de s’instruire inven
4466 e calme. Ces années de liberté nous permettraient de vivre, seule façon de s’instruire inventée à ce jour. Ce calme nous p
4467 liberté nous permettraient de vivre, seule façon de s’instruire inventée à ce jour. Ce calme nous permettrait de comprend
4468 ire inventée à ce jour. Ce calme nous permettrait de comprendre beaucoup de choses qui restent cachées aux agités ; la nat
4469 le. Je ne demande pas qu’on nous enseigne le goût de la nature. Mais qu’on nous laisse le temps de la regarder. De faire c
4470 oût de la nature. Mais qu’on nous laisse le temps de la regarder. De faire connaissance. Je ne sais s’il est très exagéré
4471 . Mais qu’on nous laisse le temps de la regarder. De faire connaissance. Je ne sais s’il est très exagéré de dire que tout
4472 re connaissance. Je ne sais s’il est très exagéré de dire que tout homme gagnerait à posséder une plus grande puissance in
4473 ne crois pas qu’il soit bon que tous progressent de la même manière. Dans un système de culture spirituelle, les différen
4474 s progressent de la même manière. Dans un système de culture spirituelle, les différences s’accuseraient, mais se légitime
4475 ls. Méditez un peu ces truismes : On apprend plus d’ une chose longuement contemplée que de mille aperçues au passage. Ab u
4476 pprend plus d’une chose longuement contemplée que de mille aperçues au passage. Ab uno disce omnes. Une minute de concentr
4477 erçues au passage. Ab uno disce omnes. Une minute de concentration intense dégage dans l’individu plus d’énergie que des h
4478 concentration intense dégage dans l’individu plus d’ énergie que des heures d’exercices gémissants. De même, le bien supéri
4479 age dans l’individu plus d’énergie que des heures d’ exercices gémissants. De même, le bien supérieur de quelques-uns est p
4480 ’exercices gémissants. De même, le bien supérieur de quelques-uns est plus utile à tous que le bien médiocre de beaucoup.
4481 es-uns est plus utile à tous que le bien médiocre de beaucoup. La valeur vaut mieux que le nombre parce qu’elle le contien
4482 nt en puissance. Et c’est pourquoi l’aristocratie de l’esprit est nécessaire au bien public. Certains proposent en rougiss
4483 au bien public. Certains proposent en rougissant de leur hardiesse quelque chose comme l’instruction privée : et moi je l
4484 le temps des mages : ils comprennent les théories d’ Einstein, ils composent de la poésie pure, ils mesurent des sensibilit
4485 omprennent les théories d’Einstein, ils composent de la poésie pure, ils mesurent des sensibilités secondes et tout un arc
4486 des sensibilités secondes et tout un arc-en-ciel de sentiments dont les accords imitent la blancheur éclatante de l’amour
4487 s dont les accords imitent la blancheur éclatante de l’amour… Que dirons-nous ?… Par la force des choses et de l’Esprit, l
4488 ur… Que dirons-nous ?… Par la force des choses et de l’Esprit, l’homme sera-t-il sauvé de sa folie démocratique ?   Areus
4489 es choses et de l’Esprit, l’homme sera-t-il sauvé de sa folie démocratique ?   Areuse, 26 décembre 1928-10 janvier 1929.
4490 -10 janvier 1929.   NOTE A On est toujours tenté d’ attribuer à ses adversaires des intentions noires et consciemment crim
4491 ocratie. Les journaux, les cercles, les coulisses de parlements et autres potinières ne vivent que de semblables accusatio
4492 de parlements et autres potinières ne vivent que de semblables accusations. Du moment que n’importe qui juge et contrôle
4493 nt un très brave homme, il fait partie du conseil de la paroisse, etc. » — Il semble qu’en attaquant ses idées et leurs ré
4494 ations ont ait porté atteinte à la dignité morale de ce M. Machin, membre du conseil de paroisse. Je préciserai donc : je
4495 dignité morale de ce M. Machin, membre du conseil de paroisse. Je préciserai donc : je tiens l’École pour criminelle. Mais
4496 je ne tiens pas tous les instituteurs pour gibier de potence. Ils font beaucoup de mal, mais ils sont les premières victim
4497 complique dès que l’instituteur prend conscience de la nocivité de son action… Ils sont consciencieux, certes, mais sont-
4498 que l’instituteur prend conscience de la nocivité de son action… Ils sont consciencieux, certes, mais sont-ils dans la mêm
4499 le ne saurait même pas prévoir. NOTE B La culture de notre sensibilité nous aiderait à retrouver l’accord avec l’ordre nat
4500 trouver l’accord avec l’ordre naturel. La culture de notre force de pensée nous rendrait une liberté sans laquelle nos eff
4501 d avec l’ordre naturel. La culture de notre force de pensée nous rendrait une liberté sans laquelle nos efforts resteront
4502 ront vains pour instaurer cette nouvelle attitude de l’âme. Mais ces méthodes ne prendraient tout leur sens et toute leur
4503 igieux. Pour quiconque a une foi et la conscience de cette foi, il n’est d’enseignement véritable que religieux. Mais les
4504 a une foi et la conscience de cette foi, il n’est d’ enseignement véritable que religieux. Mais les questions confessionnel
4505 ut. Imaginez une culture spirituelle indépendante de toute destination religieuse particulière. On peut faire des haltères
4506 haltères et rester pacifiste. NOTE C Vous parlez de la grande vulgarité de mes attaques. Ce qui est vulgaire, au plein se
4507 ifiste. NOTE C Vous parlez de la grande vulgarité de mes attaques. Ce qui est vulgaire, au plein sens du mot, c’est le gen
4508 e, au plein sens du mot, c’est le genre distingué de la bourgeoisie qui se monte le cou. 13. Économistes et philosophes 
4509 pour impressionner le public. Je n’ai pas besoin de leurs attendus pour juger. 14. Ces deux mots en effet, terrorisent à
4510 uent plus même le sens. Ils les lancent à la tête de tous ceux qui les dérangent, comme des pavés, ou plutôt des grenades,
98 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). Avant-propos
4511 er à décrire en 50 petites pages tous les méfaits de l’instruction publique. C’est à peine assez pour indiquer leur ordre
4512 que. C’est à peine assez pour indiquer leur ordre de grandeur ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruc
4513 r ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruction publique deux petits livres1 excellents dont je considè
4514 je considère les thèses comme acquises : L’Éloge de l’ignorance, de M. Abel Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfan
4515 s thèses comme acquises : L’Éloge de l’ignorance, de M. Abel Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfants, d’Henri Roor
4516 Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfants, d’ Henri Roorda. Le premier montre que la science apprise à l’école appau
4517 ue la science apprise à l’école appauvrit l’homme de tout ce que son ignorance respectait, et ne lui donne à la place que
4518 t, et ne lui donne à la place que des laideurs et de la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille du bon sens bafoué e
4519 ens bafoué et qui s’en moque, décrit la stupidité de l’enseignement tel qu’il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein
4520 . J’apporte un témoignage personnel, une réaction de tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout cela qui me
4521 tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout cela qui me blesse, la liaison fatale avec la démocratie, de tou
4522 me blesse, la liaison fatale avec la démocratie, de tout ce qui moleste ma liberté et sans doute celle de beaucoup d’autr
4523 out ce qui moleste ma liberté et sans doute celle de beaucoup d’autres à qui forcément, je ressemble. Nous vivons sous un
4524 à sécrétion socialiste, qui a été établi par coup de force, que les libéraux ont admis, conformément à leurs maximes, et t
4525 et toléré malgré leur mauvaise humeur. Ce régime de punaises jaunâtres aboutit à l’instruction publique et grâce à elle p
4526 e existence. Je l’ai subi ; l’on va voir comment. De pareils souvenirs légitiment toutes les haines. Je serai méchant, par
4527 reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté. Définition du naïf dans le monde moderne : individu qui sout
4528 lus nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent d’ être complices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’est en fait
4529 à-dessus, ces messieurs se lamentent, la jeunesse d’ aujourd’hui, etc. Évidemment. Mais il y a les jérémiades et il y a les
4530 jérémiades et il y a les raisons. Hors le domaine de l’amour, où tout se confond miraculeusement, gémir n’est pas un argum
4531 gémir n’est pas un argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pa
4532 rde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pas de proposer une nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce
4533 oser une nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on
4534 ée, on la renvoie, même si l’on n’est pas capable d’ en faire soi-même une meilleure. Mais j’aperçois là-bas, vautré derriè
4535 dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler, de grâce mettez-lui les mains sur la bouche ! Donnez-lui sa choucroute,
4536 ève pour mettre en doute l’excellence du principe de l’instruction publique, on crie sur tous les bancs : « Alors, vous êt
4537 dique un mépris vraiment exagéré pour la jugeotte de l’adversaire ou s’il traduit simplement cette mauvaise foi pas même c
4538 iente, cette lâcheté devant la discussion précise de leurs principes par quoi se signalent bien souvent nos tolérants par
4539 je ne sais. Mais je m’attends à cent « réponses » de cette sorte. Et je tiens à les classer par avance en deux catégories
4540 le compte sommairement. Cela n’empêchera personne de me resservir ces arguments, bien que dûment prévus et réduits à néant
4541 prévus et réduits à néant ici même ; mais — gain de temps — je n’aurai plus qu’à renvoyer aux lettres A ou B, selon. A. R
4542 réponds : 1° qu’ils ne peuvent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vertu même de leur sceptic
4543 r ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vertu même de leur scepticisme quant à la valeur réformatrice des idées, m’accuser
4544 ant à la valeur réformatrice des idées, m’accuser de faire une critique dangereuse ; 3° que néanmoins je crois à l’efficac
4545 ngereuse ; 3° que néanmoins je crois à l’efficace de certaines utopies. (Les religions, la découverte de l’Amérique par Ch
4546 certaines utopies. (Les religions, la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, l’Europe napoléonienne, la Russie d
4547 des frères Wright, et tout bêtement, c’est le cas de le dire : l’instruction publique.) Résumé : 1° On a le droit d’aller
4548 ’instruction publique.) Résumé : 1° On a le droit d’ aller contre l’époque, et on le peut efficacement. 2° rira bien qui ri
4549 infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’ une démocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de
4550 gressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de langage. Je les renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai de cet
4551 es renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai de cet aspect du problème que l’on peut appeler la question de droit. Ce
4552 ect du problème que l’on peut appeler la question de droit. Certains, en effet, tirent toute leur force dans les discussio
4553 fet, tirent toute leur force dans les discussions de la tranquillité avec laquelle ils brouillent les faits et les princip
4554 ts et les principes. Tourmentés par les scrupules de leur conscience libérale, ils fuient la rigueur jusque dans leurs rai
4555 gements, même violents, que cela ne manque jamais de provoquer, je me propose de marquer ici la distinction classique du f
4556 cela ne manque jamais de provoquer, je me propose de marquer ici la distinction classique du fait et du droit ; et c’est p
4557 ue dans ses réalisations actuelles, puis au terme de ce recensement lamentable, je poserai la question de savoir si tant d
4558 ce recensement lamentable, je poserai la question de savoir si tant de laideurs et d’outrages au bon sens peuvent être lég
4559 erai la question de savoir si tant de laideurs et d’ outrages au bon sens peuvent être légitimés par le but final de notre
4560 bon sens peuvent être légitimés par le but final de notre institution-tabou.   1. Je ne puis naturellement pas mentionn
4561 les ouvrages scientifiques. Les meilleurs sortent de l’Institut Rousseau. 2. Guguss, journal comique d’une grande vulgar
4562 l’Institut Rousseau. 2. Guguss, journal comique d’ une grande vulgarité qui jouait alors le rôle de nos bandes dessinées.
4563 e d’une grande vulgarité qui jouait alors le rôle de nos bandes dessinées.
99 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 1. Mes prisons
4564 des gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs de classe. C’est qu’ils les confondent avec ceux de leur enfance et les
4565 de classe. C’est qu’ils les confondent avec ceux de leur enfance et les font indûment participer de la même grâce. Voyez
4566 x de leur enfance et les font indûment participer de la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’
4567 er de la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’ « il n’y a rien au-dessus » de la tâche des ins
4568 nous faire croire qu’ « il n’y a rien au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire de ces belles analyses logiques, e
4569 au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire de ces belles analyses logiques, et grammaticales, où tout retombait dro
4570 es, et grammaticales, où tout retombait droit… Et de ces beaux problèmes d’arithmétique où il fallait si soigneusement sép
4571 ù tout retombait droit… Et de ces beaux problèmes d’ arithmétique où il fallait si soigneusement séparer les calculs du rai
4572 es deux), (pour emplir et vider ensemble), (drôle d’ occupation), (après combien d’heures…) ; et il y avait toujours des ap
4573 r ensemble), (drôle d’occupation), (après combien d’ heures…) ; et il y avait toujours des appartements à meubler. Et on mu
4574 aire ici du sentiment, je suis sensible au charme de cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier de la quin
4575 taisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier de la quinzaine, ça faisait de mauvaises notes dans nos carnets hebdomad
4576 s bien dans un Cahier de la quinzaine, ça faisait de mauvaises notes dans nos carnets hebdomadaires, et une semonce à nous
4577 monce à nous gâter toute une journée. Une journée d’ enfant gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le tapissier par le prix du mè
4578 embrouille les règles, qui a sommeil, qui a peur de faire faux, parce que les autres auront fait juste, et qui voudrait b
4579 nce à gratter son ardoise où sèchent des traînées de craie grise, où les chiffres trop gros s’emmêlent… Et c’est cela l’en
4580  ? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond de jardin où l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’une tent
4581 l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’ une tente d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemi
4582 des cloportes dans la toile mouillée d’une tente d’ Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des all
4583 alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins de dimanche sonores et tout pro
4584 , odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foie de morue
4585 s de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’ huile de foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gr
4586 anche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gravement
4587 nores et tout propres, la cuiller d’huile de foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gravement des chos
4588 asse beau demain, Michel Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en automne
4589 el Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en automne, des jeux, des feuill
4590 incertaine, un peu sale et un peu divine, baignée d’ une très vague angoisse que l’on fuyait avec des bonheurs fous dans le
4591 omenades en tenant la forte main du père qui fait de longs pas réguliers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’
4592 de longs pas réguliers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’une dissonance douloureuse. 3 Deux angoisses domi
4593 ît chaque jour, je pense que tout cela tient trop de place dans notre enfance. À 5 ans, j’avais appris à lire, en cachette
4594 a même chose ici ! » Dans la suite, on se chargea d’ illustrer par d’innombrables exemples cet axiome qui devint la formule
4595  ! » Dans la suite, on se chargea d’illustrer par d’ innombrables exemples cet axiome qui devint la formule de mes première
4596 brables exemples cet axiome qui devint la formule de mes premières douleurs morales. Après six ans de ce régime, on m’avai
4597 de mes premières douleurs morales. Après six ans de ce régime, on m’avait suffisamment rabroué pour que je ne montrasse p
4598 oué pour que je ne montrasse plus aucune velléité d’ originalité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malf
4599 lfaisante. L’école me rendit au monde, vers l’âge de 18 ans, crispé et méfiant, sans cesse en garde contre moi-même à caus
4600 profondément hypocrite donc, et le cerveau saturé d’ évidences du type 2 et 2 font 4, ou : tous les hommes doivent être éga
4601 fois deux quatre, c’est stérile, mais ça ne fait de mal à personne, et de plus, toutes choses égales d’ailleurs, dans un
4602 is un jour qu’elle contient la cause déterminante de notre malaise. Il me fallut un certain temps pour m’habituer à cette
4603 peut-être des découvertes qui eussent ruiné trop de certitudes apprises. Enfin j’ouvris, c’est-à-dire que je me posais la
4604 vissement. Je songeai aux vertueuses indignations de nos maîtres quand ils dénonçaient « la marque indélébile de l’éducati
4605 tres quand ils dénonçaient « la marque indélébile de l’éducation jésuite ». Nous étions marqués par Numa Droz, par l’espri
4606 sprit petit-bourgeois, qui est une généralisation de l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui sont une généralisati
4607 dogmes démocratiques, qui sont une généralisation de la règle de trois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut pa
4608 ratiques, qui sont une généralisation de la règle de trois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut par les jésuit
4609 uites : du moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on av
4610 moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez de verdeur d’ esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé e
4611 sez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts de la révolte e
4612 empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts de la révolte et de la libération d’une personnalité : l’imagination, le
4613 avait brisé en nous ces ressorts de la révolte et de la libération d’une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitr
4614 us ces ressorts de la révolte et de la libération d’ une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens d
4615 ation d’une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens de la relativité des décrets humains. Le prix
4616 l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens de la relativité des décrets humains. Le prix de mes souffrances était d
4617 ens de la relativité des décrets humains. Le prix de mes souffrances était donc ce conformisme indispensable aux « immorte
4618 ié, si évident, si parfaitement soumis aux règles d’ une arithmétique élémentaire, ce monde dont la Démocratie apparaissait
4619 our lequel on nous préparait — c’était un système d’ abstractions primaires, c’était le rêve raisonnablement organisé des e
4620 es et rassis qui tiennent aujourd’hui les charges de l’État, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder pa
4621 ennent aujourd’hui les charges de l’État, piliers d’ un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont ét
4622 oder parce qu’ils l’ont établi à la mesure exacte de leurs besoins. Nous ne croyions plus aux démons, mais à la Commission
4623 mais à la Commission scolaire. Nous n’avions plus de « superstitions grossières » comme celles qui touchent à l’action des
4624 e trompent que les illettrés, mais qu’il convient de s’incliner devant les miracles de la science appliquée. On nous faisa
4625 qu’il convient de s’incliner devant les miracles de la science appliquée. On nous faisait voir tout au long de notre hist
4626 ence appliquée. On nous faisait voir tout au long de notre histoire le Progrès constant de l’humanité vers les lumières, l
4627 out au long de notre histoire le Progrès constant de l’humanité vers les lumières, l’incrédulité et le bien-être matériel.
4628 et le bien-être matériel. Nous savions qu’un fils d’ ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous
4629 iel. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal d’ un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire qu
4630 Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire que le petit ouvrier est bien plus malin. Nous savions un tas
4631 rendait agressif. Mais moi, j’avais trop souffert de cette compression morale pour, une fois matériellement délivré, en su
4632 as plus tôt découvert et nommé cet asservissement de l’esprit et ces mythes stériles, que je les rendis responsables de ma
4633 s mythes stériles, que je les rendis responsables de ma perte de contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie
4634 riles, que je les rendis responsables de ma perte de contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie.   3. Dan
4635 e contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie.   3. Dans le cas le plus favorable, c’est un silence, un vi
100 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 2. Description du monstre
4636 ption du monstre Le service militaire me permit de retrouver quelques-unes de ces réalités. J’y retrouvai aussi plusieur
4637 ce militaire me permit de retrouver quelques-unes de ces réalités. J’y retrouvai aussi plusieurs têtes connues d’anciens c
4638 ités. J’y retrouvai aussi plusieurs têtes connues d’ anciens camarades d’école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’en
4639 aussi plusieurs têtes connues d’anciens camarades d’ école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait d’autant mie
4640 imaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait d’ autant mieux qu’on était devenu plus différents. Car ces différences s
4641 s. Car ces différences sont les premières marques de la vie vécue et l’on aime à y découvrir la seule fraternité véritable
4642 ougé. Et pour cause : ils n’étaient jamais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur : de
4643 ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur : de l’un à l’autre, il n’y a pas de solution de continuité, la différence
4644 ’un instituteur : de l’un à l’autre, il n’y a pas de solution de continuité, la différence n’était qu’une question d’âge,
4645 eur : de l’un à l’autre, il n’y a pas de solution de continuité, la différence n’était qu’une question d’âge, non d’expéri
4646 continuité, la différence n’était qu’une question d’ âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injust
4647 la différence n’était qu’une question d’âge, non d’ expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux d
4648 s doute injuste et faux dans un très grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie de le dire ? L’instituteur sous l’unif
4649 ès grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie de le dire ? L’instituteur sous l’uniforme peut être défini par son inco
4650 ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’ être consciencieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une faço
4651 dante d’être consciencieux, à une façon blessante d’ être supérieur, à une façon livresque d’expliquer les choses, à une fa
4652 blessante d’être supérieur, à une façon livresque d’ expliquer les choses, à une façon théorique de juger les êtres. Ces di
4653 que d’expliquer les choses, à une façon théorique de juger les êtres. Ces distributeurs automatiques (brevetés par le gouv
4654 teurs automatiques (brevetés par le gouvernement) de la manne égalitaire — ne se prennent pas pour de la petite bière. Ils
4655 de la manne égalitaire — ne se prennent pas pour de la petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à une élite responsa
4656 t pas pour de la petite bière. Ils ont conscience d’ appartenir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire
4657 ’appartenir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ils mépris
4658 isent le plus, et ils auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne
4659 s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne. Mais je n’en dirai pas plus, de peur de m’échauffe
4660 ait un peu, je crois que je m’oublierais au point d’ insinuer que les instituteurs galonnés causent autant de tort à l’armé
4661 nuer que les instituteurs galonnés causent autant de tort à l’armée que les instituteurs antimilitaristes qui signent des
4662 des manifestes en mauvais français — et je ferais de la peine à d’excellents garçons. Revenons au civil. J’ai fait allusio
4663 en mauvais français — et je ferais de la peine à d’ excellents garçons. Revenons au civil. J’ai fait allusion au lieutenan
4664 allusion au lieutenant-instituteur qui veut faire de la pédagogie avec sa section. L’instituteur-lieutenant qui veut trait
4665 ui veut traiter militairement ses élèves témoigne de la même maladresse professionnelle. J’en connais un qui avait coutume
4666 rofessionnelle. J’en connais un qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater le
4667 connais un qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de
4668 qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de ma section,
4669 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de ma section, je saurai aussi vous mater. » On imagine à quoi peut mene
4670 ous en sommes aux instituteurs : ils sortent tous de la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est-ce que l’esprit
4671 urs : ils sortent tous de la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est-ce que l’esprit petit-bourgeois qui imprèg
4672 , ou bien préexiste-t-il dans les principes mêmes de l’École, et attire-t-il les petits bourgeois comme le portrait de Num
4673 ttire-t-il les petits bourgeois comme le portrait de Numa Droz attirait les mouches ? (Le verre en était toujours jaune.)
4674 t toujours jaune.) Je n’ai ni le droit ni l’envie de dire du mal des petits-bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathique
4675 si sympathiques que n’importe quelle autre classe de la société. Mais l’esprit petit-bourgeois pris abstraitement et tel q
4676 este dans l’école primaire est un véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même titre que certaines autre
4677 telle. C’est celle même du régime. L’architecture de nos « palais scolaires » symbolise d’une façon frappante ce qu’il y a
4678 rchitecture de nos « palais scolaires » symbolise d’ une façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la
4679 es » symbolise d’une façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la conception démocratique du monde.
4680 ne façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la conception démocratique du monde. Entrons, c’est pir
4681 ue du monde. Entrons, c’est pire encore. Beaucoup d’ enfants ont un frisson de dégoût au moment de passer la porte, au son
4682 st pire encore. Beaucoup d’enfants ont un frisson de dégoût au moment de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur de
4683 on de dégoût au moment de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur de goudron et d’urinoirs qui imprègne les corrido
4684 de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur de goudron et d’urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des éc
4685 orte, au son de la cloche : l’odeur de goudron et d’ urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des écoliers empeste
4686 —, les estampes piquées, Numa Droz et ses crottes de mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années de votre vie, citoyens 
4687 de mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années de votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est un grand progrès sur l
4688 Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatrice d’ un tel milieu, moral et matériel ? L’école publique, telle que nous la
4689 us la voyons est semblable à tous ces monuments «  de la mauvaise époque » qui sont dans nos villes l’apport du xixe siècl
4690 ue le style 1880 n’en est pas un : mais l’absence de style est encore un style : c’est même le pire.